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La réalité amère du travail des enfants en Tunisie

D’après une étude réalisée par le Bureau international du travail (BIT), 179.900 enfants entre 5 et 17 ans sont contraints de travailler en Tunisie. Pis : 136.700 d’entre eux font un travail dangereux.

Par Wael Mejrissi

Ces deux données suffisent à rougir d’être Tunisien, plus que la corruption qui atteint des sommets, la contrebande de médicaments et de denrées alimentaires, ou encore les compétences qui ne trouvent plus leur place dans cette république bananière…

L’Etat n’assume donc plus son rôle d’État protecteur et nous devrions nous accommoder d’une telle réalité sans crier au scandale? La Révolution de 2014 ou ce qu’il est convenu d’appeler ainsi se voulait être la révolution de la dignité et de la jeunesse. Or une bonne partie de cette jeunesse est littéralement sacrifiée car nos finances fuitent de partout créant de fait un manque de moyens manifeste pour réaliser les ambitions éducatives nécessaires.

Crise de l’éducation et inégalités régionales

Les régions rurales sont purement et simplement abandonnées à leur sort. Pourtant notre république est une et indivisible mais lorsqu’on observe l’absence d’écoles, d’hôpitaux de commissariat et de services de l’Etat dans certaines régions, on constate que les inégalités territoriales sont criantes confisquant de facto à la population habitant dans ces zones des droits élémentaires.

Parmi ces droits le droit à l’éducation qui figure, rappelons-le, dans la Constitution du 27 janvier 2014. Face à l’inacceptable, la société civile animée par un égoïsme exacerbé, juge prioritaire de laisser les cafés et restaurants ouverts pendant le mois de ramadan. Le sens des priorités est décidément analysé selon une grille de lecture qui n’est pas accessible à tous. La première des libertés et de loin devant toutes les autres est pourtant bien d’offrir en tant que nation dite civilisée une éducation à chaque enfant de la République et cela passe par des infrastructures éducatives accessibles et en nombre suffisants pour tous. Et alors nous pourrons peut-être dessiner une ébauche d’égalité des chances pour une jeunesse que les acteurs politiques et médiatiques s’évertuent à ériger sans cesse comme l’avenir du pays. Or nous savons que ces belles déclarations de circonstances sont une immense imposture intellectuelle et morale visant à flatter l’ego d’une élite pseudo-intellectuelle et politique qui ne fait impression pour personne.

Si on part du postulat qu’une offre suffisante en matière d’éducation est une utopie, il ne faudra dans ce cas pas oublier de passer à la caisse plus tard et la facture, elle, sera salée. Elle se matérialisera non seulement par du chômage endémique car la jeunesse non formée demeurera non employable sans parler d’une partie d’entre elle qui finira, et c’est déjà le cas, dans la petite et grande délinquance voire même le terrorisme.

Les vrais problèmes de ce pays

Victor Hugo disait : «Qui ouvre une école ferme une prison». Cette citation est terriblement d’actualité à une époque où la Tunisie n’est plus capable de proposer un avenir, un espoir pour nos progénitures. Il y a de quoi avoir honte quand on est aux commandes d’un destin national de savoir que des enfants trient des déchets toxiques sans protection ou travaillent sur des chantiers sous un soleil de plomb ou vendent des mouchoirs sur des autoroutes au lieu d’être sur les bancs de l’école.

Mais heureusement que la Coupe du monde a été là, un mois durant, pour camoufler notre sens du devoir et nous permettre de vaquer à des occupations plus superficielles et surtout inconséquentes pour l’amélioration du quotidien de nos enfants. Les selfies de nos députés et ministres partis à Moscou pour assister aux matchs de l’équipe de Tunisie en dit long sur l’intérêt que portent nos représentants aux vrais problèmes de ce pays.

La Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) qui croit incarner la défense des minorités ne mentionne à aucun moment de son rapport ces enfants oubliés. Bochra Belhaj Hmida se serait pourtant honorée à rétablir une liberté essentielle pour une nation qui se prétend intellectuellement et culturellement mature.

Face à un tableau aussi sombre avec si peu de raisons d’entrevoir un changement salutaire, on comprend mieux pourquoi la jeunesse défie la mer dans des embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe. L’éducation pour tous n’est pas un idéal mais un devoir et à vouloir le considérer comme tel, nous allons au devant d’un réveil douloureux pour la nation tout entière qui paiera au prix fort ces vies gâchées.

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