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Droits des femmes : Caïd Essebsi somme Ennahdha de jouer franc-jeu

Même si le président de la république Béji Caïd Essebsi a procédé par petites touches et qu’il a continué de ménager ses alliés nahdhaouis, certaines de ses allusions ont été des mises en demeure claires adressées au parti islamiste pour qu’il étale enfin toutes ses cartes…

Par Marwan Chahla

D’entrée de jeu, lors de son allocution à l’occasion de la Fête de la femme, hier, lundi 13 août 2018, au palais de Carthage, M. Caïd Essebsi a rappelé que l’Etat tunisien est civil et qu’il n’y a pas lieu, dans notre pays, que l’influence de la religion régisse le vivre-ensemble des Tunisiennes et des Tunisiens.

À plus d’une reprise, durant cette adresse, il a replacé le débat sur le contenu du rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) – et, plus précisément, sur la question de l’égalité successorale, puisqu’il a éludé sciemment les autres sujets – dans ce contexte de la séparation des affaires de l’Etat de celles de la religion.

Comme irrité par la duplicité des Nahdhaouis sur ce sujet, ou feignant l’irritation (soudaine et ostentatoire pour être sincère et crédible), le président de la république a pris la peine de rappeler que «ce sont bien Ennahdha, Al-Moatamar… et le parti de Mustapha Ben Jaafar qui ont rédigé la Constitution de 2014. Elle a été votée à la quasi-unanimité et adoptée. Je suis arrivé au pouvoir sur la base de cette constitution et mon rôle consiste à veiller à l’application stricte de ce document.»

«J’ai entendu dire que le président de la république devrait limiter sa fonction exécutive aux relations internationales du pays et à ses affaires de défense», ironise-t-il. Brandissant une copie de la constitution, il rétorque : «Qu’on lise bien le texte de la Loi fondamentale. Il y est clairement spécifié qu’il est de mon devoir de protéger la constitution et de défendre sa pleine mise en pratique.»

Rien, donc, dans ce qu’une proposition de loi sur l’égalité des sexes en matière d’héritage n’enfreint la constitution. M. Caïd Essebsi a expliqué que ce projet de loi sera prochainement soumis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), qu’il sera débattu et toutes les parties auront droit de s’exprimer là-dessus. En d’autres termes, Ennahdha – qu’il a qualifié de «force politique importante» au sein de l’ARP – aura l’occasion de présenter son point de vue sur cette question de l’égalité successorale.

L’équité des deux sexes dans l’héritage ne peut être qu’entière. Il n’y a pas de demi-mesure.

Poussant encore plus le parti de Rached Ghannouchi à faire connaître ses opinions au grand public, BCE a déclaré qu’il a reçu une correspondance de la direction d’Ennahdha dans laquelle le parti islamiste – «qui a refusé de s’entretenir avec la Colibe» – a fait part «de quelques remarques intéressantes et émis certaines réserves.» Le président de la république, qui n’a pas souhaité en dire plus sur le contenu de cette correspondance, a conseillé aux dirigeants nahdhaouis de clarifier leur position en rendant publique cette lettre afin de permettre au peuple tunisien de se faire une idée exacte sur les intentions d’Ennahdha.

De la même manière que le rapport de la Colibe a été mis à la disposition de tous les Tunisiens – pour lecture et échanges d’avis –, les islamistes devraient eux aussi se soumettre à cette règle de la transparence totale.
Ennahdha, qui a pour habitude d’avancer masqué, va devoir décliner sa pleine identité. Il ne s’agira plus de faire figurer sur ses listes électorales des femmes, de leur permettre d’occuper des sièges à l’ARP ou de faire en sorte que la première maire de la capitale soit une Nahdhaouie.

Là, il s’agit de porter jusqu’au terme final de sa réalisation le principe de l’égalité femme-homme. Il n’y a plus lieu de biaiser. Il n’y a plus lieu de manipuler l’argument religieux pour faire croire qu’islamisme et démocratie peuvent faire bon ménage ou qu’un «consensus» peut être inventé pour trouver une solution à cette question de l’égalité successorale.
L’équité des deux sexes dans l’héritage ne peut être qu’entière. Il n’y a pas de demi-mesure. Il n’y a pas de faux-fuyant…

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