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Mondial 2030 au Maghreb : Le bad buzz de Wadii Al-Jari

La candidature maghrébine, proposée par Wadii Al-Jari, le président de la Fédération tunisienne de football (FTF) pour obtenir la co-organisation de la Coupe du monde 2030 de football par la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, a reçu un véritable camouflet.

Par Hassen Mzoughi

Pour faire avaler la pilule d’une triple organisation maghrébine, dont il s’appropriait abusivement la paternité (!), Wadi Al Jari n’a pas hésité à «mobiliser» le secrétaire général tunisien de l’Union du Maghreb arabe (Uma), Taieb Baccouche, qui a écrit aux autorités des trois pays pour les inviter à appuyer cette «démarche». En honnête homme et probablement leurré, l’ancien ministre des Affaires étrangères s’est engagé à soutenir un «projet» sans queue ni tête et voué à l’échec. La preuve !

La Fifa aurait conseillé le Maroc

Le Maroc a opté pour une association avec l’Espagne et le Portugal, pas avec la Tunisie et l’Algérie, pour une candidature conjointe en vue de la Coupe du monde 2030, après avoir perdu face au trio nord-américain pour abriter l’édition 2026. L’annonce officielle du projet sera faite dans les prochains jours.

Face à deux candidatures poids lourds (Uruguay-Argentine-Paraguay et Angleterre associé à un autre pays européen), le Maroc préfère se présenter, à juste titre, avec un team «bélier». L’idée a fait son chemin depuis mars dernier, juste après le choix des organisateurs du Mondial 2026.

Selon certaines sources, Gianni Infantino, président de la Fifa, était récemment à Tanger pour les festivités de la Fête du Trône, invité par le roi. Il aurait suggéré au Maroc de se joindre à deux pays européens proches sur les plans géographiques, relationnels et économiques pour remporter l’organisation de ce Mondial.

Une candidature maghrébine entre le Maroc, l’Algérie et la Tunisie reste donc, aux yeux de la Fifa, soucieuse de retombées économiques, mais aussi de sécurité, peu attractive et trop compliquée à organiser compte tenu du climat politique actuel en Afrique du Nord.

Entre Maghreb et Europe, le Maroc a très normalement choisi le camp européen comme l’indiquent les médias marocains en parlant de l’intérêt porté par le Roi Mohammed VI à une candidature avec l’Espagne et le Portugal, des voisins et des partenaires solides pour cette nouvelle bataille de la course au Mondial.

De nombreux obstacles sur le chemin

Inspiré probablement par la folklorique candidature tuniso-libyenne en 2003 pour le Mondial 2010, vite rejetée par la Fifa, Wadii Al-Jari, président de l’Union nord-africaine de football (UNAF), a défendu, lors de l’AG extraordinaire de cette instance, tenue début août à Tunis, la candidature commune pour une co-organisation du Mondial 2030 par l’Algérie, la Tunisie et le Maroc. Et pour faire «officiel», il a publié le «scoop» sur le site internet de la FTF.
Or, l’idée de cette candidature commune est une simple vue de l’esprit, une chimère.

Les décideurs n’ont jamais évoqué la question, preuve qu’ils n’ont pas la tête à ce projet saugrenu. Et les obstacles sont déjà très nombreux. Certes la région maghrébine dispose de quelques atouts: position géographique, à une heure de l’Europe, passion pour le football, dessertes multiples – aéroports, ports – liées au tourisme de masse… Mais les multiples problèmes politico-économiques du Maghreb sont incommensurables. Les relations entre les trois pays ne sont pas au beau fixe. Le conflit du Sahara occidental envenime, depuis toujours et pour encore longtemps, les relations algéro-marocaines, et l’instabilité sécuritaire décourage par ailleurs la Fifa.

Et comme le Mondial c’est avant tout une affaire économique très sérieuse, les trois pays concernés ne sont pas disposés à se lancer sur un projet à des centaines de millions de dollars, notamment la Tunisie, et dont le principal bénéficiaire en termes de retombées reste le Maroc !

Economiquement, la région la moins intégrée au monde (le commerce ne représente que 3% des échanges globaux entre les pays maghrébins), les pays concernés sont loin de pouvoir fusionner leur effort pour «monter» une Coupe du monde financièrement solvable et équitablement rentable.

Une annonce qui sonne comme une diversion

Certains pensent qu’une candidature commune pourrait désamorcer le blocage et relancer le Maghreb. Leur optimisme ne suffit pas car la réalité, tellement complexe, implique un engagement sans réserves. Déjà la guerre froide entre l’Algérie et le Maroc gèle toute possibilité d’envol de l’entité maghrébine. Y compris avec un projet sportif même de cette envergure. Les trois pays n’arrivent même plus à organiser les tournois maghrébins très prisés dans les années 60 et 70.

Tout ceci a curieusement échappé à Wadi Al-Jari mais le président de la FTF et de l’Unaf sert un autre dessein. Cette idée d’une Coupe du monde dans les trois pays, un bad buzz en fait, a été lancée par cet homme pour faire diversion sur la stagnation de la FTF, l’évaluation technique de la préparation et du rendement de l’équipe de Tunisie en Russie, le bilan comptable de l’opération Mondial 2018 dont on n’a jamais évoqué le contenu, les divisions au sein du bureau fédéral, l’état lamentable de l’infrastructure, la violence, l’arbitrage, la transparence des transferts des joueurs, et tout récemment les amendements introduits aux statuts de la FTF qui pénalisent les membres fédéraux élus au lieu de promouvoir le foot.

La FTF de plus en plus désinstitutionnalisée!

Jadis soumise au «instructions» de Slim Chiboub, la FTF est une instance de plus en plus «désinstitutionnalisée», depuis 2012, avec l’arrivée au pouvoir des islamistes. Quelle coïncidence ! Elle est, depuis, livrée aux errements de son président actuel. C’est une régression historique même par rapport à l’époque du régime Ben Ali et de son gendre M. Football. Plus grave, l’impunité accordée au président de la FTF est une insulte au sport tunisien.

Désormais un simple désaccord entraînera l’exclusion d’un ou plusieurs membres jugés indésirables par Wadi Al-Jari. Pour sévir, il comptera sur un parapluie formé de membres de plus en plus dociles. Passé de 12 à 15 membres, le bureau fédéral ne sera jamais mis en minorité, donc son président ne sera plus inquiété. Bref, la FTF se transforme en une propriété privée; quant à l’organisme garant de l’éthique et de la promotion du foot, il est parti dans la nature. Y a-t-il déchéance plus révoltante du football ?

Et réduite à faire du caritatif

Plus elle est budgétairement à l’aise, plus l’instance fédérale perd son identité, sa vocation, son autorité, sa maîtrise de la conduite des structures. Le contraire devait se produire mais avec le règne de l’à peu près, de l’intrigue et de la bigoterie, impossible d’aller loin.

Une fédération incapable même de désigner correctement la date ou le lieu d’un match, d’un arbitre, de respecter le calendrier qu’elle a elle-même établi, bref de faire son travail le plus ordinaire, ne peut jamais faire avancer le foot.

Avec Faouzi Benzarti ou Jose Mourinho, l’équipe de Tunisie fera toujours du surplace car le saut de qualité ne viendrait pas avec un tel état d’esprit.

Désormais réduite, comme le veut son président, à faire du caritatif – c’est orchestré – pour couvrir les abus et la mauvaise gestion des dirigeants des clubs, la FTF est un organe sclérosé, déjà une proie facile à d’autres aventuriers.

Espérons que l’on n’arriverait pas au topo colombien.

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