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À propos de la communication publique sur les inondations de Nabeul

Quatre des six morts des inondations du weekend dernier à Nabeul/Abderrakzek Rahal. 

Les responsables de l’Etat doivent examiner la manière avec laquelle la catastrophe naturelle de Nabeul a été gérée sur le plan de la communication publique, en tirer des leçons et se corriger en vue des communications étatiques à venir.

Par Khaled Ben Rejeb *

Depuis quelques jours, les Tunisiens suivent de près l’impact des inondations qui ont eu lieu le weekend dernier au gouvernorat de Nabeul et causé 6 morts et d’importants dégâts matériels. Ce qui valu à la région du Cap Bon d’être considérée comme une zone sinistrée.

Dans ce même contexte, une polémique a été déclenchée suite aux propos de Abderrazak Rahal, ingénieur principal à l’Institut national de météorologie (INM), qui, sur les ondes de Radio Med, a cru devoir féliciter les familles qui ont perdu des proches lors des dernières intempéries, qualifiées d’exceptionnelles par tous ses collègues. Pour lui, celui qui meurt par noyade suite à une catastrophe naturelle peut être considéré comme un martyr, qui mérite une place au paradis.

Jusqu’ici, et en considérant la situation hors de sa fonction référentielle, il n’y a rien de vraiment choquant. Mais…

Les enjeux d’une bonne communication publique

Analysons maintenant la situation sous l’angle des sciences de l’information et de la communication. Nous avons là un fonctionnaire de l’Etat qui communique avec l’audience d’une radio diffusant sur les régions du Cap Bon et du Grand-Tunis, et dont le message principal n’a rien à voir avec ce qu’on considère comme d’utilité publique.

Selon le schéma simple de la transmission linéaire de l’information dans la communication, l’Etat est ici représenté par l’Institut national de la météorologie (émetteur), le public cible est composé des habitants des régions du Cap Bon, majoritairement sinistrés (récepteur) et le support ou le canal du message est Radio Med, station privée diffusant sur le Cap Bon et le Grand-Tunis.

Selon le paradigme mécaniste, une communication efficace requiert un plan de communication bien étudié par des spécialistes en la matière, et ce, afin de bien définir les actions à entreprendre pour atteindre l’objectif préétabli.

Le cycle de la communication intégrée implique plusieurs étapes : d’abord comprendre, c’est-à-dire déterminer les objectifs de la communication; ensuite, planifier, c’est-à-dire choisir le public cible et élaborer un plan d’action dans le temps; puis créer et développer les contenus pour toutes les plateformes, et, enfin, mesurer et évaluer les résultats.

Pierre Zémor, ancien président de la Commission nationale du débat public, en France, a écrit: «La communication publique revêt des formes différentes attachées aux missions des institutions publiques de mettre l’information à portée du public, d’établir la relation et le dialogue pour rendre un service attendu et précis, de présenter les services offerts par l’administration, les collectivités territoriales et les établissements publics, … Elle s’adresse à l’ensemble de la population : citoyens, habitants, contribuables, usagers des services publics» (in ‘‘La communication publique’’).

Le ministère des Transports et la bourde de M. Rahal

Sur la base de ce qui précède, nous pouvons constater que la direction de la communication du ministère des Transports n’a pas dressé un tableau de la situation en effectuant des recherches sur le feedback des médias relatif au sujet, et ceci afin de définir l’objectif et de créer un contenu approprié à une communication publique efficace véhiculée par un support média adéquat.

M. Rahal a oublié qu’il devrait parler au nom de l’Etat (à ne pas confondre avec le gouvernement) et pas à son nom propre et selon ses convictions personnelles. Il fallait se contenter de transmettre information d’utilité publique afin de rendre le service attendu par les citoyens. La rigueur, à cet égard, devant être de mise.

En plus des dégâts enregistrés par les inondations, une mauvaise communication a provoqué une déception chez les habitants de la région et les citoyens tunisiens en général, car il y avait tout simplement une connaissance maladroite des rôles de chaque élément dans le cycle de communication relative aux inondations. Cette méconnaissance a mené à l’utilisation des méthodes ou des personnes non-adéquates pour communiquer, ce qui rendrait compliquée l’interaction entre l’Etat et le citoyen. Résultat : une crise de communication qui a compliqué davantage celle provoquée par la catastrophe naturelle.

La réaction du ministère des Transports à cette crise était au premier degré du cycle de la communication, à savoir la réaction immédiate pour limiter les effets négatifs d’une mauvaise communication sur l’opinion publique.

Dans un communiqué publié le mercredi, 26 septembre 2018, le lendemain des déclarations déplacées de M. Rahal, le ministère des Transports a «déploré les déclarations qui n’ont rien à voir avec le bulletin météorologique et touchent les sentiments des familles des victimes des inondations et des Tunisiens en général». Toujours selon ce communiqué, «ces déclarations n’engagent que leur auteur et ne sauraient refléter la position du ministère ou l’Institut national de météorologie».

La stratégie du ministère était de reconnaître l’existence de la crise, tout en dissociant sa responsabilité de celle de M. Rahal. Cette stratégie s’est avérée efficace en ce qu’elle a permis d’atténuer l’impact de la crise sur l’opinion.

Il convient de jeter un regard sur le chemin accompli et celui qui reste à parcourir en vue d’une communication mieux pensée et plus efficace, l’épreuve de la catastrophe naturelle de Nabeul ayant été pour le ministère des Transports et pour l’Etat en général, une occasion pour tirer des leçons et trouver les moyens de se corriger en vue des communications étatiques à venir.

* Corporate communication specialist.

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