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A propos de la durée de la transition démocratique en Tunisie

La transition démocratique, enclenchée en Tunisie avec le soulèvement du 14 janvier 2011, va-t-elle durer encore plus longtemps? La question a été abordée par plusieurs universitaires aux idéologies différentes. Pour certains, cette transition est viciée à la base par des blocages institutionnels. Pour d’autres, les transitions n’ont jamais réussi à cent pour cent.

Par Khémaies Krimi

Intervenant, fin juillet, à Hammamet, lors de la 25e université d’été de l’Association Club Mohamed Ali de la culture ouvrière (Acmaco) organisée sur le thème : «La transition démocratique en Tunisie, sept ans après : bilan et prospective», Mohamed Ali Halouani, philosophe issu de la gauche tunisienne et ancien candidat à la présidence de 2004 contre Ben Ali, estime que cette transition pèche par l’absence de vision claire. «Les Tunisiens ont l’impression de naviguer à vue. On ne voit pas de finalité et d’issue à cette transition», a-t-il-dit.

La transition est viciée à la base

Pour sa part, Abdelbaki Hermassi, sociologue et ancien ministre de la Culture puis des Affaires étrangères sous Ben Ali estime que la transition souffre de blocages institutionnels générés par la nouvelle Constitution. «Dans sa mouture hydride actuelle, relève-t-il, l’exécutif est affaibli et divisé, face à une Assemblée elle-même affaiblie par un mode de scrutin proportionnel qui empêche toute majorité stable de se constituer». «Le paysage politique, ajoute-il, est marqué par une multiplicité de partis dits démocratiques (plus de 240) face à l’unique parti islamiste, Ennahdha, dont on peut douter de la transformation en parti civil, tandis que les partis dits progressistes restent désunis, pris dans des enjeux personnels, sans égards pour l’intérêt général».

En clair, d’après lui, le système politique actuel est destiné non pas à résoudre les problèmes mais à bloquer et compromette tout projet de réforme. «Sans concentration de pouvoir, il n’y aurait pas de réforme structurelles», a-t-il-martelé.
En Tunisie, la transition est incomplète

Intervenant, fin juin 2018, dans le cadre des «Rencontres de Skifa Elkahla» de l’Association de réflexions économiques à Mahdia (Dream), Hédi Larbi, ancien ministre de l’Equipement et du Développement durable sous la «Troïka», la coalition dominé par le parti Ennahdha qui a gouverné de janvier 2012 à janvier 2014, professeur à l’Université de Harvard et ancien conseiller du vice-président de la Banque Mondiale, de tendance plutôt libérale, s’est référé à une étude comparative effectuée par la Banque mondiale sur les transitions démocratiques dans le monde.

Selon lui, «les études sur les processus de démocratisation, qui ont eu lieu dans les 70 dernières années, ont montré que 46% de ces processus ont réussi soit dès le début soit lors d’une deuxième fois. C’est-à-dire que 46% des cas ont échoué dans un premier temps, ensuite ils ont réussi et sont revenus. En moyenne, au bout de 20 ans, on obtient une démocratie vibrante qui fonctionne».

Autres révélations de Hédi Larbi : «Un tiers des pays qui ont engagé un processus de démocratisation ont vu le processus durer très longtemps. C’est ce qu’on appelle une démocratie incomplète. C’est le type de transition le plus grave car dès qu’il dépasse les 5 ans, il entre dans un mode de fragilité institutionnelle, l’Etat s’affaiblit et il devient difficile de s’en sortir. L’autre tiers, ou un peu moins, connaît un échec de la transition démocratique mais réussit sur le plan économique. Le gouvernement, dans ce cas, gagne en légitimité car la population soutient l’amélioration économique et sociale.»

En Tunisie, nous sommes entre les deux dernières situations, cela fait plus de 5 ans qu’on est entré dans un processus de démocratisation qui avance cahin-caha, plutôt très difficilement, avec souvent des blocages institutionnels et une crise larvée, à la fois politique, économique et social, ce qui fait que ce processus demeure inachevé.

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