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Tunisie : Au secours, le taux de fécondité revient à la hausse !

La reprise de la croissance démographique en Tunisie pose de gros problèmes, et pas seulement au ministère de l’Education. Aussi va-t-il falloir convaincre les islamistes qui sont au gouvernement de la nécessité de relancer la politique de planification familiale.

Par Khémaies Krimi

Pour la deuxième rentrée scolaire successive, le ministère de l’Education a été surpris par le grand nombre des nouveaux scolarisés. Ils étaient 25.000 de plus l’année dernière (2017-2018) et ils sont 42.000 cette année (2018-2019). En 2016, on parlait pourtant de la baisse du nombre d’élèves dans les écoles primaires, ayant amené la fermeture de certaines d’entre elles, notamment dans le nord ouest.

Pour expliquer cette nouvelle tendance, les avis diffèrent. Pour les uns, les nouveaux scolarisés, surnommés «les enfants du couvre-feu», auraient été conçus lors des longues nuits de couvre-feu, lors de la révolution de janvier 2011. Pour d’autres, cet accroissement du nombre des nouveaux scolarisés est le résultat de l’augmentation du taux de fécondité (nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer), qui est passé, selon l’Institut national de la statistique (INS) de 2,1% en 2010 à 2,46% en 2014.

Le mariage «ôrfi» pointé du doigt

Pour certains observateurs, dont un grand nombre de laïcs, cette augmentation serait, pour ainsi dire, «préméditée», une grenade dégoupillée par les islamistes qui ont gouverné le pays de janvier 2012 à janvier 2014. Elle serait indirectement liée à la montée de l’islam politique, incarné par le parti Ennahdha et ses dérivés, qui a toléré, les mariages «ôrfi» (ou coutumiers) non réglementaires, qui se sont répandus dans l’impunité la plus totale.

Fort de la légitimité du pouvoir qu’ils ont conquis, les mâles islamistes, par conviction idéologique, refusaient à leurs épouses les contraceptifs et/ou l’avortement, pratiques qui seraient, selon eux, interdites par le Coran et la chariâ islamique.

Conséquence : les épouses, ainsi réduites au rang de simples procréatrices, se sont mises à donner beaucoup d’enfants, tout en évitant de fréquenter les centres de planning familial, pour ne pas avoir à limiter les naissances et contrarier ainsi la volonté de Dieu. Car, d’après les croyances moyenâgeuses entretenues par des imams-gourous, les enfants ne seraient pas les leurs mais ceux de Dieu.

Inquiétude du ministre de l’Education

Parmi les autres facteurs qui auraient généré cette augmentation du nombre de nouveaux écoliers, des démographes évoquent trois: l’accroissement du nombre de mariages, qui est passé de 70.000 en 2004 à 225.000 en 2014, la baisse de l’âge de mariage des femmes. Avant 2010, la femme se mariait à 31 ans en moyenne contre 27,7 ans depuis 2011. Et, enfin, la non-accessibilité des prestations de l’Office national de la famille et de la population (ONFP), en raison de l’enclavement des zones rurales.

L’actuel ministre de l’Education, Hatem Ben Salem, premier concerné, estime que ces nouveaux flux de scolarisés, outre le fait qu’ils vont supposer un effort en terme de logistique et d’encadrement, ont de quoi inquiéter, en raison, notamment, de leur cadence rapide.

«À ce rythme, dit-il, le nombre des élèves va passer de 2,2 millions actuellement à 3 millions, dans dix ans, ce qui sera difficile à gérer au regard de la crise économique et des difficultés financières dans lesquelles se débat le pays».

Le ministre, qui abordait cette question lors d’une conférence tenue à la veille de la dernière rentrée scolaire, estime que «si jamais cette tendance se poursuit, elle constituerait un facteur de déséquilibre financier pour le ministère de l’Education et un grand danger pour la qualité de l’enseignement».

Retour aux vertus de la planification des naissances

Il faut reconnaître qu’au regard du mauvais rendement de l’enseignement, de la forte proportion des abandons scolaires, estimés à 120.000 par an et de la fin du mythe de l’éducation en tant qu’ascenseur social, M. Ben Salem a tout à fait raison d’exprimer des inquiétudes. D’autant que les jeunes qui interrompent leur scolarité sont toujours tentés par le gain facile et enclins plus à des dérapages antisociaux : criminalité, drogue, migration clandestine, jihad islamiste…

Le risque justement est qu’a défaut d’encadrement pédagogique et sociétal adéquat, il y a toujours le risque, avec ce potentiel d’abandons scolaires, de «fabriquer» plus de marginaux que de citoyens socialement bien intégrés.

D’où l’enjeu de revenir à la vertueuse planification des naissances enclenchée, depuis 1966, et qui a donné d’excellents résultats dans la mesure où la politique démographique était adaptée, 52 ans durant, aux capacités du développement du pays.

Le bon sens suppose donc qu’on revienne à ces bonnes pratiques et à renforcer l’action de terrain de l’ONFP et la réactivation du Conseil supérieur de la population, institution chargée de tracer des politiques démographiques futures.

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