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Qu’est-ce qui empêche le développement de l’industrie du livre en Tunisie ?

L’édition est un secteur porteur en Tunisie de par la demande potentielle existante et la faiblesse de l’offre présentée par les éditeurs actuels. Avis aux investisseurs…

Par Samir Messali *

La Foire nationale du livre tunisien tient sa première édition du 19 au 28 octobre 2018 à la Cité de la culture de Tunis avec la participation de 65 maisons d’édition tunisiennes.

En marge de cette foire, on a programmé, comme pour la Foire internationale du livre de Tunis, des tables-rondes et des conférences. Et c’est une louable initiative de la part des éditeurs qui cherchent à donner un coup de pouce à la diffusion du livre tunisien, mais est-ce suffisant ?

Les statistiques ne cessent de confirmer d’une année à l’autre que les Tunisiens ne lisent pas beaucoup ou pas du temps pour la majorité d’entre eux : 80% n’ont, en effet, jamais lu de livre et 75% ne possèdent pas de livre chez eux, excepté peut être le Coran, le livre saint musulman.

Un énorme déficit de communication

Pourtant, le marché du livre a de fortes potentialités dans un pays qui compte pas moins de 21.000 médecins, plus de 18.000 avocats, 142.000 enseignants, 280.000 étudiants, et j’en passe. Pourtant, nos éditeurs peinent à écouler plus de 1000 exemplaires d’un roman.

D’un point de vue marketing, ce problème peut trouver son origine dans deux causes possibles. Ou bien les éditeurs font d’excellents livres et que les lecteurs potentiels n’en sont pas informés. Ou bien les éditeurs proposent des livres qui n’intéressent pas beaucoup de personnes.

En fait, et par rapport à la deuxième cause, je pense qu’il y a toujours des lecteurs pour chaque genre de livre, mais le roman reste le genre le plus lu dans tous les pays du monde. Mais ce n’est pas le cas en Tunisie. Pourquoi ?

Il faut plus penser à un énorme déficit de communication. En Tunisie, on parle très peu des livres dans les médias en général et les journaux en particulier et les auteurs se font très rares sur les plateaux télé et sur les ondes des radios à fort audimat. Pire encore : les écrivains ne sont pas reconnus et on ne connaît pas de stars de l’écriture.

Pourtant, ailleurs, les vedettes de la plume existent, font parler et d’eux arrivent à vendre et à faire tourner la machine de l’édition.

Du côté des libraires, on ne fait pas également assez d’efforts. Essayez de feuilleter les livres dans les grandes librairies de la capitale pendant cinq ou dix minutes, vous trouvez toujours quelqu’un pour vous surveiller mais personne, ou rarement, pour vous conseiller ou vous proposer les dernières publications répondant à vos goût et à vos attentes.

Le régime de Ben Ali a fait en sorte que tous les secteurs culturels, y compris celui de l’édition, ne peuvent subsister que grâce à l’appui de l’Etat. C’était un moyen très efficace pour ce régime pour garantir une certaine soumission des créateurs, qu’ils soient des cinéastes, des peintres ou des écrivains, à travers la contribution de l’Etat à l’achat de leurs œuvres ou par la subvention directe et indirecte de leur activité.

S’affranchir de l’emprise de l’Etat

Malheureusement, après la révolution de 2011 et bien que la liberté d’expression soit acquise, les producteurs culturels n’ont pas su, d’une manière générale, s’affranchir de l’emprise de l’Etat sur leur activité. Et les éditeurs ne font pas exception, bien au contraire, ils demandent à l’Etat davantage de subvention pour le papier et d’achats de livres imprimés. Dommage parce que l’indépendance financière est la plus forte garantie pour la liberté d’expression.

Les investisseurs devront, à mon avis, voir dans l’édition un secteur porteur de par la demande potentielle existante et la faiblesse de l’offre présentée par les éditeurs actuels. De même qu’il faut voir dans le développement des chaînes télé, les stations radios nationales et les réseaux sociaux une opportunité plus qu’une menace car ils peuvent constituer d’excellents supports de communication.

L’espoir existe toujours pour faire décoller ce secteur, il faut juste savoir investir dans les compétences humaines surtout dans le domaine du marketing.

* Ecrivain et romancier, auteur de « Quarante ».

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