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Rapport de Davos : La Tunisie en perte de compétitivité économique

Réputé pour être un document planétaire de riches défendant la mondialisation libérale, le rapport annuel du Forum de Davos sur la compétitivité pour l’exercice 2018 vient de classer la Tunisie à la 87e place sur un total de 140 pays listés, soit un gain de 8 places par à rapport à 2017 (95e) et une perte de 55 places par rapport à l’année de référence 2010 (32e).

Par Khémaies Krimi

Pour la propagande officielle, ce classement permet à la Tunisie de se retrouver à la 2e place à l’échelle maghrébine derrière le Maroc, et à la 3e à l’échelle africaine après l’Afrique du sud et le Maroc. Au plan arabe, la Tunisie a évolué de la 11e à la 9e place. Les pays arabes devançant la Tunisie sont les Emirats arabes Unis (27e), le Qatar (30e), l’Arabie Saoudite (39e), Oman (47e), Bahreïn (50e), la Jordanie (73e), le Maroc (75e) et le Liban (80).

Légère progression mais diagnostic accablant

Abstraction faite, de cette lecture superficielle qui vise à cajoler l’égo du tunisien, le diagnostic du rapport est simplement catastrophique pour le cas de la petite Tunisie.

Pour preuve, ce rapport, qui a le grand mérite de donner des éclairages sur les nouvelles tendances économiques et sur le degré de développement atteint pars les pays, classe la Tunisie à la 133e place pour l’ampleur de la dette, à la 118e pour la stabilité macroéconomique, à la 129e pour le marché du travail, à la 103e pour le marché de production et à la 90e pour la maîtrise des technologies de communication et de l’information (TIC), secteur dans lequel nous prétendons avoir fait de grands pas.

Au cours d’une conférence de presse tenue le 18 octobre 2018, pour présenter ce classement, les partenaires tunisiens du Davos, en l’occurrence, Taieb Bayahi, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE), Walid Ben Hadj Amor, vice-président, et Majdi Hassen, directeur exécutif, apparemment très mal à l’aise, ont cherché à atténuer ce bilan inquiétant.

Ils ont évoqué «une légère progression» et cité des piliers où la Tunisie dispose d’un rang relativement avancé. Il s’agit du pilier de la santé où elle a été classée 58e, la taille du marché (70e) et la dynamique des affaires (73e).

Un rapport sans suite

Indépendamment de ces résultats désastreux, ce qui dérange le plus c’est leur récurrence et la tendance des gouvernants à ne pas les prendre en considération dans la perspective d’y remédier.

Cette absence de réactivité officielle donne l’impression que les ministres ne lisent jamais ce type de rapport, ne se soucient aucunement de l’amélioration du score de leur secteur et ne craignent aucunement de rendre compte un jour.

Ce comportement n’est pas nouveau. Il prévalait même au temps de Ben Ali. Et les bons scores obtenus à l’époque étaient dopés par le maquillage des chiffres.

Pis, les gouvernants tunisiens, qui plaident constamment pour l’ouverture de l’économie du pays sur le reste du monde, ne se sont jamais démenés pour être à l’écoute des évolutions que connaît la planète et pour profiter des recommandations, faites à ce sujet, par les rapports du Forum de Davos.

Des pistes à explorer

À titre indicatif, celles du rapport de 2018 sont fort intéressantes. Elles s’inscrivent dans le droit fil des préoccupations développementales tunisiennes.

La principale recommandation appelle à une réelle division mondiale du travail. La Tunisie qui compte des centaines de milliers de sans emploi a toujours nourri l’espoir de placer, dans le cadre d’une émigration encadrée, le plus grand nombre d’entre eux dans les pays industrialisés. Elle a besoin également d’investissements directs étrangers (IDE) pour optimiser et valoriser son industrie, son agriculture et ses services.

La deuxième recommandation stipule que «seules les économies capables de reconnaître l’importance de la Quatrième révolution industrielle seront en mesure d’offrir plus d’opportunités à leur population». La Tunisie, qui a plus ou moins investi dans le capital humain depuis son accès à l’indépendance, peut prendre le raccourci de cette 4e révolution industrielle immatérielle pour sortir du sous- développement. Est-il besoin de rappeler que l’économie numérique est une option majeure du 137e plan 2016-2020 aux côtés de l’économie vert et l’économie sociale et solidaire ?

La troisième met en lumière un facteur inquiétant, à savoir que «pour 117 des 140 économies étudiées, la qualité des institutions reste un frein à la compétitivité globale». La Tunisie, qui connaît une crise multiforme, depuis plus de sept ans, n’arrive pas à en sortir à cause justement du blocage et de l’immobilisme des institutions. D’où l’enjeu de tout réinventer et de tout réviser.

La quatrième a trait à l’urgence d’améliorer la productivité et à préparer le capital humain à la transformation digitale. Le rapport estime que ces facteurs seront déterminants pour la compétitivité des pays. Là aussi, la Tunisie, pour peu qu’elle intensifie ses investissements publics et privés dans la digitalisation, peut non seulement accélérer son développement mais également éradiquer dans une forte proportion la corruption qui gangrène le pays.

Cela pour dire, in fine, que les rapports du Forum comportent des recettes pragmatiques qui méritent d’être explorées, et ce, en dépit de leurs relents idéologiques ultralibéraux et leur penchant à œuvrer en vue d’affirmer la légitimité d’une nouvelle «gouvernance globale» devant consacrer à terme une sorte d’impérialisme économique.

Au regard du rapport en force en place entre les pays riches et les pays pauvres, la Tunisie, avec des gouvernants génétiquement incompétents, a-t-elle vraiment le choix?

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