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Vaincre le terrorisme : Une affaire de détermination et de recul de la misère !

Il faut repenser la stratégie d’éradication du terrorisme islamo-mafieux, qui ne peut être vaincu par les seules forces de sécurité. Il faut aussi une présence sociale par la réhabilitation des maisons de la culture, de nouvelles structures d’accueil et de prise en charge psychologique des plus vulnérables.

Par Hella Ben Youssef *

Une nouvelle fois le pays est frappé par un acte incompréhensible. Un attentat-suicide commis par une femme diplômée qui s’est fait exploser avec une bombe artisanale faisant plusieurs blessés. Très vite et en l’absence d’informations pertinentes de la part des autorités, médias et réseaux sociaux ont relayé toutes sortes de conjectures plus fantaisistes les unes que les autres mais faisant à coup sûr le buzz. L’imagination est toujours fertile dans ce type de circonstance. Les théories complotistes et conspirationnistes viennent très vite combler les vides laissés par la stupeur et l’incompréhension.

La jeune femme kamikaze n’a pu agir seule

Jusqu’ici cet acte odieux ne semble pas avoir été revendiqué. Pourtant chose certaine, cette jeune femme n’a pu agir seule, sans pour autant appartenir à un quelconque groupuscule. Elle a de toute évidence bénéficié d’une logistique qui a pris en charge la bombe et sa venue dans la capitale. Il est également peu probable qu’elle ait choisi d’elle-même la cible, en l’occurrence les forces de l’ordre au beau milieu de l’avenue Habib Bourguiba. La charge symbolique ne peut être de son seul fait.

Il resterait alors à savoir, qui est les véritables commanditaires, et à qui profite ce 0crime!

Avant de se satisfaire d’une interprétation rapide, sans fondements, mais au final rassurante au plan émotionnel, il convient de garder toute sa lucidité. Pointer du doigt ne suffit pas à comprendre.

Le pays traverse une crise profonde multiforme, dont il serait inutile de rappeler tous les aspects.

Le terme même de transition démocratique ne suffit pas à caractériser la période que nous traversons.

De plus, notre pays se situe au cœur même de conflits d’influence. Grandes et moyennes puissances s’y affrontent par des jeux d’alliance avec les diverses fractions politiques. Le pays est cerné à ses frontières par des groupes djihadistes de toute obédience. Mais un terreau favorable a également permis et déjà de longue date une implantation de cette idéologie totalitaire et de ses affidés adeptes de violence aveugle mais toujours ciblée.

Jusqu’ici la seule réponse mise en œuvre, n’a été que la répression et le contrôle social. Une réponse policière et militaire qui a permis cependant de déjouer nombre de tentatives. D’autres ont pu échapper à cette vigilance de tous les instants du fait même de complicités à l’intérieur des appareils d’Etat. Il est vrai que grâce à internet et aux messageries cryptées, les groupes terroristes peuvent s’organiser à l’abri des regards indiscrets. C’est probablement le cas de cette jeune femme qui n’a plus quitté son foyer depuis plus d’un an. L’accès à divers sites lui ont cependant permis de se tenir informer mais aussi de déclencher cette colère nihiliste.

Réfléchissons à réduire l’action terroriste

Il n’est pas dans notre propos de chercher à comprendre les ressorts de ce passage à l’acte suicidaire, mais plus modestement de tenter de suggérer les dispositifs qui permettraient de réduire considérablement l’action terroriste de groupe comme individuelle. Des dispositifs qui se situeraient très en amont de l’intervention policière et militaire, à savoir des actions préventives de tous ordres.

S’il est vrai que les fanatiques jusqu’au-boutistes se recrutent dans les couches sociales défavorisées ou en voie d’être déclassées, il apparaît urgent de développer une nouvelle catégorie d’intervenants sur le terrain, à savoir «des travailleurs sociaux». Ceux-ci seraient à l’écoute des difficultés que connaissent les citoyens : désœuvrement par absence de travail, désocialisation par absence de toute vie culturelle, associative, sportive. Il ne s’agit pas seulement de s’attaquer à la misère matérielle, mais aussi à la misère affective. Si de nombreuses organisations caritatives interviennent sur le terrain, elles sont bien trop spécialisées et n’apparaissent que de manière ponctuelle. En de multiples endroits du pays il n’existe aucun lieu de sociabilité autre que la mosquée. Le prêche et la solidarité «frériste» (par allusion aux Frères musulmans, Ndlr) a tout fait d’apaiser et de canaliser les troubles et d’embarquer les consciences.

La politique sociale par le «Haut» de transferts sociaux au profit des plus démunis est pour ainsi dire inefficiente, nécessaire certes mais insuffisante. Elle se doit d’être complétée par une présence par le «Bas» avec des travailleurs sociaux dans des maisons de quartiers où la parole pourrait se libérer.

Il ne fait plus de doute que la nébuleuse terroriste se déploie sur cette misère sociale. Une nébuleuse qui a d’ailleurs en partie liée avec les trafics en tout genre et les baronnies qui les contrôlent.

Ici comme ailleurs, les groupes terroristes entretiennent d’étroits rapports avec les mafieux et se rendent mutuellement des services. En dehors d’un dispensaire, d’un commissariat et de quelques autres services administratifs … L’Etat est absent dans de nombreux territoires

Il nous faut donc repenser la stratégie d’éradication du terrorisme islamo-mafieux. Ce que ces derniers cherchent avant tout est d’entretenir la boucle action-répression jusqu’à la paralysie complète. L’instauration de l’état d’urgence et d’un couvre-feu général est à ce titre l’objectif premier de ces organisations. La déstabilisation totale de l’Etat et du régime devient alors possible.

Nous n’en sommes pas là ! Les forces de sécurité s’activent du mieux qu’elles peuvent, mais elles ne peuvent tout prévenir. Une présence sociale par la réhabilitation des maisons de la culture, de nouvelles structures d’accueil et de prise en charge psychologique réduirait d’autant les risques de basculement… encore faut-il en avoir la volonté !

* Vice-présidente Ettakatol , vice-présidente de l’International Socialiste des Femmes.  

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