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Levée du gel des fonds de Marouan Mabrouk : Une polémique non-justifiée

Si Youssef Chahed voulait vraiment aider Marouan Mabrouk, pourquoi ne l’a-t-il pas libéré de l’emprise du décret-loi n° 2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles, alors qu’il jouit de toutes les prérogatives nécessaires pour le faire ?

Par Walid Balti *

En vertu de l’article 5 du Traité de l’Union européenne (UE), le Conseil de l’UE réuni en date du 31 janvier 2011, soit 42 jours avant la publication au Journal officiel de la République Tunisienne du décret-loi n°2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles, a pris la décision la décision 2011/72/PESC qui s’inscrit dans la volonté Conseil à l’époque de réaffirmer sa solidarité et son soutien à la Tunisie et au peuple tunisien, dans leurs efforts pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et ce via le dispositif du gel des fonds et des ressources économiques qui appartiennent à certaines personnes responsables de détournements de fonds revenant à l’État tunisien et à des personnes qui leur sont associées ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, qui, ce faisant, privent le peuple tunisien du bénéfice d’un développement durable de l’économie et de la société et entravent l’instauration de la démocratie dans le pays, tel qu’il été mentionné dans le préambule du règlement (UE) N° 101/2011 du Conseil du 4 février 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie.

Le combat de Marouan Mabrouk avec la bureaucratie européenne

En annexe de la décision du conseil de l’Union européenne, on trouve 48 personnes, dont Marouan Mabrouk sous la mention 28, concernées par ledit gel, pour un motif dont on ignore la source aujourd’hui et qui est le suivant : «Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent».

En d’autres termes, le Conseil de l’UE, gardien des droits de l’homme, a infligé à Marouan Mabrouk une sanction sur la base d’instructions et d’enquêtes judiciaires dans son pays d’origine, alors que toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente, conformément aux dispositions de l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 de l’Onu ? ou bien au principe universel de «nullum crimen nulla poena sine lege».

Pourquoi ces principes du droit universel ne s’appliquent-ils pas dans le cas des 48 personnes concernées par le gel de leurs avoir en UE ?

Le peuple tunisien et l’Etat tunisien ne peuvent rester des observateurs inertes face aux décisions prises par le conseil de l’UE, vu que la révision de la liste des concernées par les mesures de gel se fait sous certaines conditions énumérées dans le règlement N° 101/2011, exclusivement par le Conseil de l’UE.

C’est, on le sait, le Conseil qui statue sur la proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Or, à ma connaissance, la Tunisie n’est pas un pays membre de l’Union européenne, et Youssef Chahed n’occupe pas le poste de Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, ou pas encore, alors pourquoi la classe politique tunisienne persiste-t-elle à l’impliquer dans cette affaire, sachant que Marouan Mabrouk est le seul concerné par ladite décision 2011/72/PESC du 31 janvier 2011 et le seul habilité à fournir des observations et des preuves d’innocence afin de convaincre une commission ad-hoc au sein du Conseil de l’UE de prendre la décision de sa radiation de la liste des personnes concernées par cette décision ?

La Tunisie a besoin de toutes ses ressources économiques

Connaissant les rouages complexes de la bureaucratie européenne, on peut imaginer le combat qu’a pu mener Marouan Mabrouk dans le cadre des dispositions de l’article 12 du règlement précité, qui se présente une seule fois par an, pour réussir à arracher une décision du conseil de l’UE faisant preuve du réexamen de la liste des personnes dont les fonds et les ressources économiques sont gelés en Europe; en date du 28/01/2019 sous la référence 2019/132 , lors qu’une poignée de gens continuent à croire et à faire croire aux autres que Youssef Chahed est le seul responsable de la levée du gel des avoirs de Marouan Mabrouk et que ce dernier restera pour l’éternité un criminel en col blanc, même en présence de milliers de verdicts d’innocence, car son seul crime, dans le subconscient tunisien, est qu’il a été un jour l’époux de l’une des filles du président déchu.

En conclusion, le peuple tunisien doit être conscient que la conjoncture économique est marquée par des indicateurs rouges et que l’économie tunisienne a besoin de toutes ses ressources, y compris les fonds restés gelés en Europe et dans le monde entier, suite à l’échec du Comité national du recouvrement des biens mal acquis existants à l’étranger institué par le décret-loi n° 2011-15 du 26 mars 2011.

Tout en rappelant que Marouan Mabrouk est toujours sous l’emprise du décret-loi n° 2011-13 du 14 mars 2011, portant confiscation d’avoirs et de biens meubles et immeubles – qui sera certainement considéré comme non-constitutionnel dès l’instauration effective du Tribunal constitutionnel – ces chers accusateurs devraient se poser cette question : pourquoi Youssef Chahed ne libère-t-il pas Marouan Mabrouk de l’emprise dudit décret-loi alors qu’il jouit de toutes les prérogatives nécessaires pour le faire ?

* Juriste.

Union européenne : Levée du gel des avoirs de Marouane Mabrouk

A propos de la levée du gel des avoirs de Marouane Mabrouk à l’étranger

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