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BCT : Les «chocs d’offre» à l’origine de la hausse du taux directeur

Pour la Banque centrale de Tunisie (BCT), l’augmentation de l’inflation au cours de la période 2017-2018 a été générée par ce qu’elle appelle des «chocs d’offre» conjoncturels et structurels provenant, notamment, de la dépréciation du dinar tunisien, des augmentations salariales et des mesures fiscales.

Par Khémaies Krimi

Dans une note technique sur la politique de resserrement monétaire, distribuée à la presse, l’Institut d’émission revient sur les facteurs chocs qui ont fortement impacté l’inflation, au cours de la période considérée, et qui a nécessité le relèvement du taux directeur de la BCT à trois reprises en moins d’une année.

Des facteurs conjoncturels

Au rayon des chocs conjoncturels, voire transitoires, la BCT en retient trois.

Le premier a trait aux mesures fiscales inscrites dans la Loi de finances de 2018, qui ont consisté en le relèvement des taux d’imposition : TVA, droits de douane et droits de consommation.

Le second est généré par la hausse des prix internationaux d’un ensemble de produits de base et de l’énergie.

Le troisième est perceptible, d’après la BCT, à travers, les perturbations au niveau des circuits de distribution qui ont significativement impacté les prix des produits alimentaires frais.

La BCT, énumère, particulièrement, trois dérapages qui ont été à l’origine de l’augmentation de l’inflation.

Il s’agit, entre autres, du commerce illicite transfrontalier de bétail lequel a fortement impacté les prix des viandes, de la multiplicité des intermédiaires dans les circuits de distribution, laquelle est de nature à renchérir le coût des produits, et enfin de la prolifération du commerce parallèle, laquelle est de nature à induire un manque à gagner pour l’Etat (agents qui ne paient pas d’impôts et ne déclarent pas des revenus), entretenant les pressions sur le budget, et amenant l’Etat à ajuster à la hausse les prix administrés pour préserver les équilibres budgétaires.

Des chocs structurels

Au chapitre des chocs structurels, la BCT évoque deux facteurs.

Dans un premier temps, la BCT met l’accent sur l’aggravation sans précédent du déficit courant de la balance des paiements qui a culminé à 11,2% du PIB, en 2018, et qui se maintient à deux chiffres pour la deuxième année consécutive.

Ce déficit, estime la BCT, continue à attiser les pressions sur le taux change du dinar vis-à-vis des principales devises, et par voie de conséquence, sur l’inflation.

D’ailleurs, note la BCT, le dinar s’est déprécié, en moyenne, de 12,9% contre l’euro et de 8,6% contre le dollar américain. Cette dépréciation s’est transmise rapidement aux prix intérieurs, contribuant à la persistance des tensions inflationnistes.

Dans un second temps, la Banque cite les hausses passées et récentes des salaires qui confèrent, d’après elle, un pouvoir d’achat additionnel. Pour la BCT, ces hausses, qui constituent la charge principale qui incombe aux entreprises, risquent d’entretenir une spirale prix-salaires très préjudiciable à l’économie et d’accentuer les déséquilibres macroéconomiques par le fait de leur action sur la consommation des produits.

Sans ces relèvements, la situation aurait été pire

Abstraction fait de ces justificatifs, la BCT insiste sur le bien fondé des cinq augmentations du taux directeur depuis avril 2017, soit un total de 350 points de base.

«Pour contrer les pressions inflationnistes, la Banque centrale a relevé depuis avril 2017 son taux directeur, le portant à 7,75%, en vigueur actuellement, a élargi aussi le corridor de fluctuation des taux d’intérêt, et a procédé à un resserrement quantitatif. En conséquence, les taux sur le marché monétaire et les taux bancaires se sont ressentis de l’orientation restrictive de la politique monétaire dont l’objectif consiste à contraindre la capacité des agents économiques à dépenser, à limiter la demande, principalement de consommation, et à contenir, par conséquent, les tensions sur les prix à la consommation», lit-on dans la note technique de la BCT

Les auteurs de cette note pensent que sans ses augmentations du taux directeur, l’inflation aurait été encore plus élevée voire même à deux chiffres et la remontée de l’inflation aurait enfoncé les taux d’intérêt réels, et engendré une baisse du coût réel du crédit, ce qui aurait favorisé l’accélération des crédits bancaires et de la demande de consommation qui ne peut qu’exacerber les tensions inflationnistes.

Ils estiment également sans ces relèvements, l’affermissement de la demande de consommation des produits importés aurait mené à une aggravation du déficit de la balance courante, aurait accéléré l’érosion des réserves en devises et aurait attisé, par conséquent, les pressions sur le taux de change, le refinancement et l’inflation.

Autre conséquence si ces augmentations n’avaient pas eu lieu: les rémunérations des dépôts se ressentiraient de la remontée de l’inflation, ce qui affecterait négativement les ressources bancaires et se traduirait inéluctablement par un recours de plus en plus important à la monnaie centrale pour satisfaire cette demande, induisant une forte hausse du volume global de refinancement.

L’inflation demeurerait élevée pour les deux prochaines années

Côté perspectives, la BCT nous annonce un accroissement de l’inflation durant les deux prochaines années. Plus exactement, elle relève que «l’inflation globale demeurerait à un niveau élevé par rapport à sa moyenne historique (pratiquement le double) et serait entretenue par la persistance de l’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires frais et administrés)» qui s’établirait au voisinage de 8% en 2019, voire-même en 2020.

Un tel niveau d’inflation risquerait de compromettre la reprise économique encore fragile, et qui pourrait être davantage fragilisée avec un taux d’inflation aussi élevé, facteur qui pourrait même avoir des répercussions sur la visibilité des investisseurs et donc impacter négativement les décisions d’investissement !

Et la BCT de mettre en garde : «Vraisemblablement, en 2019 et 2020, l’inflation connaîtrait une légère détente par rapport à son niveau actuel, mais demeurerait à un niveau élevé. Les risques qui pèseraient sur l’inflation sont nombreux (risque haussier des prix de l’énergie sur le marché domestique, renchérissement des prix des produits de base et de l’énergie sur les marchés internationaux, des pressions plus accentuées sur le déficit courant), pourraient alimenter davantage l’évolution des prix à la consommation».

Par-delà les éclairages de cette note technique nous ne pouvons pas nous interdire d’interpeller les responsables de la BCT sur l’effort qu’ils ont déployé pour évaluer les résultats et les objectifs recherchés après chaque relèvement du taux directeur.

Car le plus important ne réside pas dans le diagnostic mais essentiellement dans la stratégie à mettre en œuvre pour mettre fin à ces augmentations et à soulager et le consommateur et l’entreprise.

Autrement dit, qu’a fait la BCT sur le court et le moyen terme pour sortir le pays de ce marasme monétaire ? On l’aura dit.

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