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Tunisie, pays où la victime devient parfois accusée

En Tunisie, il est curieux qu’on soit enclin à fermer les yeux devant certains grands crimes et à accuser parfois de parfaits innocents. C’est le cas de l’institutrice qui a dénoncé son collègue pédophile dans une école à Sfax.

Par Jamila Ben Mustapha *

Cette honorable dame a, en effet, subi des pressions et des menaces de la part de son supérieur hiérarchique et de certains de ses collègues. Elle se trouve donc sanctionnée pour sa moralité et son courage et pour avoir voulu sauver l’honneur de sa profession.

À la lumière de ce fait, il s’avère plus commode de réagir par le déni vis-à-vis de certains crimes, que de les dévoiler. Autrement dit, si on veut conserver sa tranquillité, il vaut mieux couvrir un corrompu ou un pédophile, que de révéler ses méfaits. Quant au directeur, au directeur adjoint et au délégué régional, qui ont préféré étouffer l’affaire, licenciés, ils ont été défendus, comme d’habitude, par leur syndicat !

La victime sanctionnée pour protéger le coupable !

La corruption, autre sujet sensible, est un domaine brûlant qu’un citoyen ne peut dénoncer sans subir, d’abord lui-même, des dommages substantiels et récolter les conséquences négatives de son acte, sans être sûr du tout que le criminel sera poursuivi.

La même situation paradoxale est réservée à la femme violée qui n’accepte pas d’étouffer l’affaire et qui veut, à tout prix, la dénoncer. Nous n’avons qu’à nous rappeler l’accusation d’«attentat à la pudeur» subie par la jeune femme Meriem, violée par 2 policiers en septembre 2012, et dont la vie a été bouleversée de fond en comble, contrainte qu’elle a été de quitter la Tunisie pour aller vivre ailleurs, parce qu’elle a tenu, malgré tous les obstacles rencontrés, à poursuivre en justice ses agresseurs.

Focalisant sur elle la gêne et le malaise de tous, la victime du viol devient elle-même l’objet du scandale et, paradoxalement, ne peut compter sur la compassion de la majorité. On dira d’ailleurs, la plupart du temps, que, ce viol, elle l’a bien cherché.

Le journaliste battu poursuivi pour «agression violente» !

Comment expliquer, à la lumière de ces faits qui sont loin d’être exhaustifs, que certaines catégories de victimes soient automatiquement perçues comme coupables?

C’est comme si toute personne qui dénonce le consensus ambiant basé sur l’injustice et la volonté tacite d’étouffer tout scandale, obligeait la société, se trouvant alors contrainte et forcée, à devoir prendre position et devait, pour cela, en payer le prix.

Il n’y a qu’à voir l’agressivité que récoltent actuellement Hamza Balloumi et son équipe pour leur émission au titre révélateur: ‘‘Les quatre vérités’’ sur la chaîne El-Hiwar Ettounsi et qui leur attire beaucoup d’ennuis : battu violemment par 3 membres du personnel de la maison de retraite de Grombalia, le journaliste Oussama Chaouali doit néanmoins comparaître devant la chambre correctionnelle auprès du tribunal pour «agression violente».

* Universitaire et écrivain.

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