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Exposition à la galerie Medina : Rauf Helioui à l’orée des mondes

L’exposition de Rauf Helioui ‘‘Eclectique’’ se tient actuellement à la galerie Medina à Tunis. L’artiste revient après plus de trois ans d’absence avec des toiles mariant les genres et offrant une vision onirique, non dénuée de réalisme dans le traitement de sujets quotidiens abordant le plus intime et le plus commun.

Par Raouf Medelgi

Dans la sphère plastique tunisienne, l’œuvre de Rauf Helioui tient une place particulière. En effet, l’artiste installe d’emblée le regardeur (si cher à Duchamp) à l’orée des mondes. C’est, d’abord, des silhouettes qui attirent le regard. Des lignes dessinent les contours des corps et des objets. Très vite, on s’aperçoit que cette ligne est une suggestion née d’un jeu habile des couleurs. Et dans la palette de Rauf Hlioui défilent les chromatiques de la mémoire noire et blanches que vient aviver des teintes rouge ou verte, comme si le souvenir se concrétisait pour devenir, le temps d’une pause, une réalité à peine palpable.

Entre l’ombre et la lumière, le dicible et l’indicible

Cette bichromie, l’artiste l’emploie dans le traitement de ses nus féminins. La nudité crue est atténuée par ce jeu d’ombre et de lumière la rendant parfois une suggestion décelable et élégante.

Le corps se joue du visiteur et se dérobe pour réapparaître comme suspendu entre le dicible et l’indicible, l’avouable et l’inavouable. Le mouvement inhérent à la toile est fait d’une double séduction à laquelle on s’abandonne, celui de la femme, muse et source du désir ; celui du peintre-poète dont le verbe est ce mariage des contrastes entre le révélé et le tu.

Puis, la palette des souvenirs et de l’intime cède peu à peu la place à des chromatiques marines. De l’espace confiné, on passe aux espaces illimités, là où le ciel, la terre et surtout la mer se confondent pour ne former qu’un tout. Dans une mouvance dominée par le bleu et ses nuances, la lumière éclate en mille particules pour inonder la toile et lui conférer un élan de vie latent. On entre dans le tableau pour devenir observateur ou acteur. On entendrait presque les cris et les rires, ou le silence des personnages et on tendrait l’oreille pour surprendre les murmures et les confidences de la mer.

Rauf Helioui place le visiteur à l’orée des mondes, à la croisée des chemins d’un «pays rêvé, pays réel» (comme dirait Edouard Glissant) où l’imagination se joint au concret pour créer un imaginaire propre à l’artiste.

Une méditation sur les instants de vie

Pour ceux qui connaissent l’œuvre de Rauf Helioui, les confins de son univers si singulier viennent d’une méditation sur les instants de vie, ce quelque chose d’anodin voire d’insignifiant pour le commun des mortels qui devient un moment privilégié pour l’artiste s’érigeant, final de compte, en œuvre d’art.

‘‘Eclectique’’ est donc cette réappropriation des choses de la vie ; ces instants qui composent toute existence. Elle est également cette architecture de la couleur qui entre dans la composition même du tableau et dans la construction de son histoire. Les formes géométriques dessinées se combinent pour donner naissance au sujet ; elles s’effacent presque au profit de l’univers de l’artiste.

Enfin, le jeu du clair-obscur ou la dualité ombre/lumière parachève les contours du monde de l’entre-deux mondes : ni tout à fait figuratif, ni totalement abstrait de Rauf Helioui. Un univers où tout n’est «que règnes et confins de lueurs. Et l’ombre et la lumière alors étaient plus près d’être une même chose», comme le célébrait Saint-John Perse, car ‘‘Eclectique’’ est ce monde en présence et en partance pour l’ailleurs, un monde du contraste qu’orchestre le jeu du temps et le génie créateur de Rauf Helioui.

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