Á l’occasion de la 11e édition de la Fashion Week de Tunis, qui se déroule du 12 au 20 juin 2019, l’Institut français de Tunisie (IFT) a organisé une soirée autour du thème du textile pour «Penser et regarder le vêtement autrement».
Par Fawz Ben Ali
La cour de l’IFT a accueilli, le soir du mercredi 12 juin, en marge de l’ouverture de la Semaine de la Mode à Tunis, placée cette année sous le thème du recyclage, du développement durable et du respect de l’environnement, la présentation des deux projets intitulés «Le circuit de la fripe en Tunisie» et «Itinérance» ainsi que des expositions de vêtements, des installations vidéos et images et une performance musicale du DJ Khaled Mrabet.
La fripe, tout un monde
L’événement a démarré avec une conférence en images sur le circuit de la fripe à Tunis que la photographe française Emma Grobois est venue présenter. Un projet qu’elle avait mené avec l’anthropologue, elle aussi française, Lucile Gruntz dans le cadre d’une résidence artistique pendant un mois à la Villa Salammbô à la Marsa (lieu d’accueil pour la recherche et la création ouvert par l’IFT).
La rencontre a été l’occasion de dévoiler les pistes visuelles d’une première phase de travail sur trois friperies de la capitale : La Hafsia à la Médina de Tunis, le marché hebdomadaire de Bousalsla à la Marsa et la friperie de la Cité Ibn Khaldoun. Il a été question de recueillir des témoignages et des récits de travailleurs et de consommateurs «comme anthropologues de leurs propres pratiques», avec des portraits de clientèle disparate à qui la fripe permet d’échapper à l’uniformité et aux prix exorbitants du prêt-à-porter. «Grâce à la fripe, on peut garder le look sans l’argent!», indique l’un des consommateurs interrogés.
Une alternative éco-responsable
Le projet donne aussi à voir une présentation imagée des gestes quotidiens et typiques des fripiers dont certains se sont prêtés au jeu de la mise en scène à la Villa Salammbô pour reproduire ces gestes capturés par l’artiste photographe Emma Grobois. «La fripe est partout, elle marque les corps et donne du travail», souligne-t-elle. En effet, la fripe est un secteur qui sauve du chômage et où travaillent beaucoup de jeunes diplômés. C’est un marché qui s’est développé avec la mondialisation et les échanges internationaux. En Tunisie, les vêtements triés proviennent essentiellement d’Europe et d’Amérique du nord.
Avec le retour des vieilles tendances et du «vintage», la fripe a fleuri davantage (on parle aujourd’hui de friperies de luxe et de friperie en ligne), elle se présenterait même comme une alternative éco-responsable face à l’industrie du prêt-à-porter, la plus polluante après celle du pétrole.
L’art du recyclage
La soirée s’est poursuivie avec Alexia Tronel et Caroline Perdrix pour présenter leur projet «Itinérance» qui consiste à fédérer des changements positifs dans la mode en Méditerranée. Après une première étape en Grèce avec les grand-mères tricoteuses, les deux Françaises ont fait escale au sud de la Tunisie, et plus précisément au village de Guermassa à quelques kilomètres de Tataouine.
Durant plusieurs semaines, elles ont travaillé avec les femmes berbères de ces contrées du sud tunisien dans un projet qui vise à recycler des vestes de judo venant de friperies tunisiennes pour les transformer en des chemises unisexes sur lesquelles ont été brodées des lettres en calligraphie arabe du poème « Les femmes de mon pays » de Sghaïer Ouled Ahmed.
Durant la soirée, on a pu découvrir la collection des chemises brodées qui étaient installées à la cour de l’IFT; ce fut aussi l’occasion de voir un court documentaire illustrant l’évolution du projet. Des casques étaient mis à disposition du public pour écouter des témoignages des brodeuses, dont certaines étaient sur place et n’ont pas hésité à partager leur savoir-faire avec le public.
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