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Tunisie : Comment sortir du système politique imposé par Ennahdha ?

Quand nos dirigeants politiques cesseront-ils leur ballet au siège d’Ennahdha à Monplaisir ?

Le feuilleton de l’«oiseau rare» d’Ennahdha pour la présidentielle se poursuit, mais s’il passionne encore «trois pelés et un tondu», dans une classe politique inconsistante et versatile, il commence à sérieusement ennuyer le grand nombre. Et pour cause…

Par Ridha Kefi

Le parti islamiste a perdu toute crédibilité au regard d’une grande partie des Tunisiens, y compris parmi ses membres et ses partisans, car non content d’offrir désormais le spectacle de ses divisions internes et des querelles de leadership opposant ses «petits chefs», il se montre tout aussi inconsistant et versatile que le reste de la classe politique, avec des dirigeants multipliant les déclarations contradictoires, oiseuses, sibyllines ou redondantes, à propos du choix du candidat à la présidentielle.

«Ce sera un candidat de l’intérieur ou de l’extérieur du parti», dit l’un, comme s’il s’agit là d’une révélation ou d’un scoop. «On choisira la personnalité nationale la plus apte à conduire les affaires de l’Etat et à défendre l’intérêt supérieur de la nation», renchérit un autre, sans se rendre compte qu’il débite une lapalissade ou défonce une porte ouverte. Les plus bavards vous diront : «Les discussions portent sur trois candidats, Abdelfattah Mourou, Abdelkrim Zbidi et Youssef Chahed». On est bien avancé !

Candidats cherchent l’onction islamiste désespérément

En fait, pour dire les choses plus clairement, Ennahdha ne veut pas de la présidence de la république, pas plus que de la présidence du gouvernement. Pour plusieurs raisons…

D’abord, le pouvoir, comme ils l’ont conçu et imposé dans la constitution de 2014, est «profondément» (dans le sens d’«Etat profond») parlementaire et c’est celui qui est au perchoir qui en tient les rênes. C’est lui qui valide les lois ou empêche leur adoption et qui institue un chef de gouvernement ou le destitue.

C’est, d’ailleurs, pour cette raison que leur président, Rached Ghannouchi, s’est présenté aux législatives comme tête de liste dans la circonscription de Tunis 1, étant pratiquement assuré d’être élu et coopté à la tête de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Ensuite, Ennahdha cherche à faire accréditer l’idée dans l’opinion publique que rien ne peut se faire dans le pays sans son accord ou son soutien : même l’élection d’un président de la république ou le choix d’un chef de gouvernement. Et ici, le problème n’est pas seulement que les dirigeants d’Ennahdha le pensent sérieusement, mais que leurs soi-disant partenaires ou adversaires en sont convaincus, eux aussi, au point de faire des mains et des pieds, dans cette foire d’empoigne que sont devenues les élections, pour bénéficier de l’onction islamiste. N’est-ce pas Abdelkrim Zbidi ? N’est-ce pas Youssef Chahed ? N’est-ce pas Mustapha Ben Jaâfar ? N’est-ce pas Moncef Marzouki ? Et la liste est encore longue…

Last but not least, les islamistes veulent toujours rester à la fois en retrait et au cœur du pouvoir exécutif.

En retrait, parce qu’ils ne disposent pas de personnalités capables d’occuper des postes aussi exigeants que ceux de président de la république ou de chef de gouvernement et susceptibles d’être acceptées par les Tunisiens. Ensuite, pour ne pas avoir à assumer le bilan qu’ils imaginent catastrophique de tout président de la république ou chef de gouvernement, la marge de manœuvre des deux têtes de l’exécutif étant objectivement très réduite et aucun d’entre eux n’aura suffisamment de liberté pour mettre en route les politiques susceptibles de relancer la croissance et de huiler les rouages d’une économie presque bloquée.

Et comme ces chers islamistes ne veulent pas lâcher du lest et laisser les deux têtes de l’exécutif manœuvrer à leur guise, ils s’emploient à rester au cœur même du système en tenant en laisse tous ceux qui l’incarnent, à commencer par les deux têtes de l’exécutif. D’où les manœuvres actuelles visant à faire miroiter aux yeux des candidats sérieux aux postes de président de la république et de chef de gouvernement un hypothétique soutien islamiste, présumé décisif pour leur assurer la victoire.

Le problème n’est pas que les islamistes cherchent à faire accréditer l’idée qu’ils restent les incontournables maîtres du temps politique et du jeu électoral, mais que leurs partenaires et adversaires le croient, aux aussi, et agissent en conséquence, en évitant toute position ou toute déclaration pouvant être interprétée comme un acte d’hostilité envers Ennahdha. N’est-ce pas Abdelkrim Zbidi ? N’est-ce pas Youssef Chahed ? N’est-ce pas Mustapha Ben Jaâfar ? N’est-ce pas Moncef Marzouki ? Et la liste est encore longue…

Qui peut vaincre Ennahdha par les urnes ?

Est-il possible de sortir de ce schéma politique imposé par les islamistes à leurs partenaires et adversaires, avec la complicité, active ou passive, de ces derniers ?

Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL), au centre droite, et, sur un autre registre, la gauche radicale autour du Front populaire, ont fait de l’anti-islamisme un fond de commerce politique et électoral. Le problème avec l’une et les autres, c’est que leur radicalisme ne les rend pas particulièrement attrayants aux yeux d’un électorat plutôt conservateur et peu porté sur l’aventurisme de la table rase ou du coup de pied dans la fourmilière.

Par conséquent, nous dirons, en conclusion, que l’homme ou la femme qui réussira à démystifier Ennahdha et vaincre ce mouvement par les urnes sera celui ou celle qui aura un parcours personnel irréprochable, un riche vécu professionnel, que ce soit dans le public ou le privé, suffisamment de qualités humaines et de charisme. Et, qui, surtout, trouvera le discours, les positions et les postures clairement hostiles à l’islam politique, pour bien se démarquer des islamistes de tous bords, tout en étant portés par des convictions socio-libérales, exprimées dans un programme basé sur une meilleure distribution des rares richesses du pays, c’est-à-dire par un libéralisme policé, corrigé par des politiques sociales re-distributrices et, surtout, moins inégalitaires.

Par ailleurs, c’est avec une véritable politique de développement socio-économique, qui élève le niveau de vie des gens dans les zones défavorisées, que l’on mettra fin aux ravages de l’argent politique et du clientélisme électoral, pratiques où les islamistes (mais pas seulement) sont passés maîtres avec leurs multitudes d’associations soi-disant caritatives disséminées dans tout le pays.

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