‘‘Artistes de Tunisie’’, un bel ouvrage unique en son genre vient de paraître aux éditions Cérès; un projet mené par la Fondation Kamel Lazaar et coécrit par Elsa Despiney et Ridha Moumni, mettant en lumière la pluralité des artistes tunisiens depuis la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours.
Par Fawz Ben Ali
Un grand nombre d’artistes, de critiques, de journalistes, de chercheurs et d’amateurs d’art se sont réunis le soir du samedi dernier, 7 septembre, sur le toit de la galerie d’art B7L9 au Bhar Lazreg (inaugurée en avril 2019 par la Fondation Kamel Lazaar), à l’occasion du lancement de l’ouvrage ‘‘Artistes de Tunisie’’, sorti le même jour dans les librairies tunisiennes.
Combler un vide dans la bibliothèque tunisienne
La directrice de la galerie Lina Lazaar, qui a signé la préface du livre et a accompagné le projet depuis ses débuts, a souhaité présenter le livre comme un panorama des artistes tunisiens ou installés en Tunisie, appartenant à plusieurs générations, et dont beaucoup sont restés dans l’ombre.
«Il était évident pour notre fondation de se lancer dans cette aventure», a indiqué Lina Lazaar, notamment face à un énorme vide dans la bibliothèque tunisienne; en effet, l’histoire de l’art en Tunisie demeure peu documentée, d’où l’urgence de publier cet ouvrage qui vient combler ce vide, se proposant comme le nouveau dictionnaire des arts en Tunisie depuis la fin du 19e siècle jusqu’à nos jours.
Près de 220 artistes réunis à travers des monographies et des notices biographiques dans un ouvrage de 470 pages qui fait la taille et la forme d’une brique, un choix voulu, car il s’agit de «la première d’un édifice», souligne Lina Lazaar. Le résultat est un beau catalogue représentatif de la pluralité de la scène artistique en Tunisie, mais la liste est loin d’être exhaustive, étant donné que certains artistes se sont révélés au moment du bouclage du livre, une raison de penser à rééditer le livre, et pourquoi-pas le traduire par la suite en arabe et en anglais, ajoute la directrice de la galerie.
Elsa Despiney (historienne de l’art et universitaire spécialiste de l’évolution artistique en Afrique et dans le monde arabe) et Ridha Moumni (historien de l’art, commissaire d’exposition, ancien pensionnaire d l’Académie de France à Rome et docteur de l’Université Paris IV) ont dû sillonner le pays afin d’identifier et de cataloguer les artistes, notamment ceux qui n’avaient jusque-là pas de référencement officiel. «La réalisation de ce travail s’est confrontée à une histoire de l’art peu documentée qui nous a conduit à effectuer des choix quand à la sélection des créateurs répondant à la définition moderne de l’artiste. (…) La difficulté première a été de rassembler la documentation disponible pour certains artistes et compléter dans la mesure du possible les informations existantes», lit-on dans l’introduction de l’ouvrage.
Dans la pluralité des styles
‘‘Artistes de Tunisie’’ met en évidence la diversité des disciplines et des styles (peinture, dessin, sculpture, collage, photographie, céramique, installation …), il témoigne de l’évolution et des transformations de cette multitude d’expressions, de l’identité tunisienne dans toute sa complexité, et des changements socioculturels du pays; des changement indéniables avec la nouvelle génération d’artistes qui a émergé après la Révolution du 14 janvier 2011; un vent de liberté a permis de soulever des thématiques jusque-là inexplorées. Affranchis du poids de la dictature, les artistes tunisiens ont pu poser un regard différent sur la réalité du pays; dans le livre, on peut évoquer le photo-reporter Amine Landoulsi et son exposition photographique «Amen», une rétrospective en image des années qui ont suivi la révolution de 2011, ou encore la caricaturiste Nadia Khiari et son personnage «Willis from Tunis», un chat créé après la révolution de 2011 pour commenter l’actualité sociopolitique du pays.
Réalisé comme «une fenêtre égalitaire et généreuse où les aïeux et les contemporains se placent sur la même voie», le livre remonte aussi à la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, avec des artistes comme David Junes (1874-1938), Jilani Abdulwahab, dit «Abdul» (1890-1961), Hédi Khayachi (1882-1948) … Il n’oublie pas non plus les tunisiens de cœur comme le photographe Jacques Pérez ou le peintre Alexandre Roubtzoff qui ont fait de la Tunisie leur première muse.
«C’est une proposition ‘‘humaniste’’ s’offrant à toutes les personnes, amateurs, critiques, commissaires, chercheurs et professionnels de l’art qui ne cessent de s’interroger sur l’état de la scène artistique tunisienne et de ses acteurs, mais surtout de sa diversité», écrit Lina Lazaar en préface de l’ouvrage.
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