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La valorisation industrielle du crabe «Daech» divise les Kerkenniens

Confrontés, depuis 2013, à l’invasion du crabe bleu, un prédateur venu de l’ouest de l’océan atlantique qui dévore les bons poissons (daurade, loup, rouget…) et cisaille les filets, les pêcheurs des îles Kerkennah et des zones côtières et rurales de la région française d’Occitanie (Pyrénées-Méditerranée) ont décidé de coopérer pour transformer cette malédiction en une opportunité commerciale rentable et durable.

Par Khémaies Krimi

Dénommé «Daech» par les pêcheurs tunisiens en raison de sa forte capacité de nuisance, ce crabe bleu, réputé pour être une bonne ressource en protéines, en dépit de sa prédation, a une forte valeur marchande à l’export. Méconnu, jusque-là par les consommateurs tunisiens, il est très prisé en Asie, en Europe et aux Etats-Unis. En Tunisie, il est pêché aux îles Kerkennah, à Gabès et à Zarzis où une usine off shore turque est installée pour en produire à l’export.

Pour revenir à cette coopération inter-territoriale entre les acteurs de la région Occitanie et des îles Kerkennah, une délégation multidisciplinaire occitane a effectué, du 13 eu 19 octobre 2019, une visite d’information et de travail aux îles Kerkennah en Tunisie. Cette visite, qui a permis à la délégation française de s’entretenir avec les acteurs et responsables locaux et régionaux, a été sanctionnée, le 18 octobre, par un séminaire d’évaluation tenu à Tunis.

Ces rencontres n’ont pas porté uniquement sur l’invasion du crabe bleu mais également sur trois autres thématiques, en l’occurrence la pollution plastique en mer, la labellisation des produits de la mer et la permaculture.

Une zone industrielle risque de dégrader un écosystème déjà fragile

Mais c’est la valorisation industrielle du crabe bleu dans l’archipel qui a posé le plus problème. En effet, selon Terri’coop, structure-initiative cofinancée par Devlok (programme de la région Occitanie) qui coordonne cette coopération inter-territoriale, la condition préalable à réunir pour valoriser l’industrialisation du crabe bleu consiste en l’aménagement sur l’archipel d’une zone industrielle.

Seulement, ce projet pour la réalisation duquel le gouverneur de Sfax a pris, pourtant, des engagements fermes, n’est pas du goût de tous les Kerkenniens.

Pour certains, soutenus par des écologistes, il n’est pas question de parler de zone industrielle dans l’archipel pour une simple raison. Elle risque par l’effet éventuel de la prédation et de la cupidité de certains investisseurs «invasifs» de dégrader l’environnement et porter atteinte de manière irrévocable à l’écosystème fragile des îles Kerkennah.

Pour d’autres habitants de l’archipel, cette approche écologique est à la limite hypocrite dans la mesure où ceux qui la défendent n’ont jamais dénoncé les industries pétrolières et gazières lesquelles sont dix fois plus polluantes qu’une minuscule zone industrielle à mettre en place aux fins de dépolluer l’archipel et de conférer à la production halieutique locale une forte valeur ajoutée.

Ces derniers font allusion aux projets identifiés par Terri’coop, à savoir, une usine de transformation du crabe bleu, une usine pour le recyclage du plastique et une pêcherie à aménager sur ce qui reste des ports de pêche de l’archipel, actuellement squattés par des intermédiaires.

Pour une zone industrielle adaptée à l’archipel

Les Occitans ont proposé une initiative intermédiaire, celle de ne plus parler de zone industrielle au sens classique du terme mais d’aménagement d’un espace adapté aux spécificités de l’archipel où seront pratiqués des activités artisano-industrielles légères avec un cahier de charges sévère imposant de manière stricte le respect de l’environnement et interdisant l’accès à l’archipel d’investisseurs pollueurs.

Le vœu des occitans est exaucé, puisqu’il a été décidé, deux jours après, pour satisfaire l’ego tous les Kerkenniens, de dénommer l’éventuelle zone industrielle, «zone d’activités économiques».

Il s’agit manifestement d’une happy-end, voire un compromis heureux qui vient mettre fin avec à cette polémique qui, connaissant bien le penchant des Tunisiens pour la procrastination, aurait pu durer une vingtaine d’années encore.

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