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Le poème du dimanche : ‘‘Le dernier poème’’ de Sergueï Essenine

Sergueï Essenine est un poète marquant de la Russie du XXe siècle. Né le 21 septembre 1895 et décédé le 28 décembre 1925 à Saint-Pétersbourg, il fut le contemporain d’Anna Akhmatova et d’Alexandre Blok.

Cette génération de poètes russes a vécu deux époques différentes, celle de la fin de la Russie impériale des Romanov, société de classes, très orthodoxe et paysanne puis le début de la Russie soviétique. Leurs poèmes restent des témoignages de cette époque cruciale de l’Histoire de la Russie.

Issu d’un milieu modeste, son père fut boucher à Moscou et sa mère, femme au foyer à Konstantinovo, il rejoindra à son adolescence Moscou pour travailler comme son père au même établissement.

Dans la Russie impériales, chacun était conditionné à sa naissance. Sa vie basculera lorsqu’il a été embauché dans une maison d’édition. Il y prit conscience de son don de poète alors qu’il a déjà commencé à rédiger ses premiers vers à l’âge de 14 ans. Il commencera alors à fréquenter les milieux artistiques moscovites. Et au printemps 1913, il entre comme correcteur dans une des imprimeries les plus importantes de Moscou et noue ses premiers contacts avec les milieux révolutionnaires sociaux-démocrates ouvriers dont il distribue les journaux, ce qui lui vaut d’être fiché par la police.

En septembre 1913, il s’inscrit à l’université populaire Chaniavski pour y suivre des cours d’histoire et de littérature et, en janvier 1914, il se met en ménage avec une de ses collègues de travail, correctrice comme lui, tandis que ses premiers poèmes commencent à paraître en revues et dans les colonnes de «La Voie de la Vérité», ancêtre de la Pravda. Il passe une grande partie de l’année 1915 à Saint-Pétersbourg, qu’il considère comme le noyau de la vie culturelle russe, où Alexandre Blok, grand poète du moment, l’introduit dans les milieux littéraires. L’année 1916 voit paraître son premier recueil ‘‘Radounitsa’’. Il ne tarde pas à se lier d’amitié avec Nikolaï Kliouïev, rencontre Anna Akhmatova, Vladimir Maïakovski, Nikolaï Goumiliov, Marina Tsvetaïeva, qui apprécient sa poésie. Commence alors pour lui une longue série de lectures et de récitals qui perdurent jusqu’à sa mort.

Déçu par la révolution russe et par les lassitudes amoureuses, étranger à ce monde nouveau qui sort de terre, Sergueï Essenine se pend en 1925 à Leningrad, nouveau nom donné à Saint Saint-Pétersbourg par les communistes. Juste avant de mourir, il écrit ce poème avec son sang : il n’y avait plus d’encre à l’hôtel d’Angleterre.

Ne m’en veuillez pas, c’est ainsi !
Je ne barguignerai pas avec les mots :
elle est alourdie, affaissée,
ma jolie tête dorée.

Ne plus aimer ni la ville, ni mon village
comment le souffrirai-je ?
Je largue tout. Me laisse pousser la barbe.
Et je vais bourlinguer en Russie.

J’oublierai livres et poèmes,
J’irai le ballot sur l’épaule
– au noceur dans la steppe, on le sait,
le vent fait fête comme à nul autre.

Je puerai le raifort et l’oignon.
Et troublant la torpeur du soir
me moucherai bruyamment dans les doigts.
Partout je ferai l’idiot.

Je ne réclame d’autre bonheur
que de me perdre dans le blizzard ;
car sans ces extravagances
je ne puis vivre sur terre.

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