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Nabil Karoui se prend-t-il pour Béji Caïd Essebsi ?

Du haut de la grandeur de son âme, Nabil Karoui, le président de Qalb Tounes, est venu nous dire qu’il a décidé de tourner la page du différend qui l’opposait à Youssef Chahed et de rencontrer le président de Tahya Tounes. Le moment est historique, a-t-il essayé d’expliquer hier, mardi 14 janvier 2020, sur le plateau de ‘‘Tounes Al-Yaoum’’ sur Elhiwar Ettounsi. Un grand moment de pub…

Par Marwan Chahla

Se prenant pour Béji Caïd Essebsi (excusez du peu ), il a affirmé que la «famille» centriste, moderniste et progressiste doit resserrer ses rangs et se présenter en front uni… «pour l’intérêt de la Tunisie», se présentant lui-même, au passage, comme le providentiel rassembleur.

A en croire le patron de Nessma TV, il n’y avait dans sa «bienveillante» démarche rien d’opportuniste, rien de calculateur ni de machiavélique. Au contraire, il y avait de l’audace, du réalisme et de la clairvoyance à vouloir faire table du passé et à initier ces retrouvailles avec le chef de gouvernement sortant. Pour le bien de la Tunisie et des Tunisiens, et pas pour son propre salut. Oh que non !

L’entre-soi entre politiques et journalistes

Fort des 38 sièges dont son parti, Qalb Tounes, dispose à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Nabil Karoui, contrairement à tout ce qu’il peut prétendre, essaie de monnayer à tout prix cette position de président du deuxième groupe parlementaire pour se tirer d’affaire, lui et son frère Ghazi, député Qalb Tounes, tous deux poursuivis en justice pour des affaires de fraude fiscale, de corruption financière et de blanchiment d’argent, affaires que l’animatrice de l’émission, Meriem Belkadhi, interviewant son ancien patron, s’est bien gardée d’évoquer. L’entre-soi des politiques et des journalistes, la complicité dirait l’autre, est de plus en plus insupportable et, surtout, risible.

Le second rang au palais du Bardo a déjà permis à Nabil Karoui de faire accéder Rached Ghannouchi, le chef du parti islamiste Ennahdha, au perchoir l’ARP. Il a également permis à Qalb Tounes, parti créé moins de quatre mois des élections présidentielle et législatives de l’automne dernier, de jouer dans la cour des grands et de négocier – de bout en bout – la formation du gouvernement de Habib Jemli… Puis, n’ayant pas pu obtenir ce qu’il souhaitait du chef de gouvernement désigné par Ennahdha, Nabil Karoui n’a pas hésité, à la dernière minute, de choisir la confrontation et d’user de cette arme de«faiseur de rois» que sa chaîne de télévision et la distribution des cartes électorales lui ont accordée.

Les coups de pub d’un «fils de pub»

Vendredi dernier, l’équipe gouvernementale d’Habib Jemli est tombée en n’obtenant pas la confiance de l’ARP. Ennahdha a vacillé et Nabil Karoui est vite monté au créneau pour tirer le meilleur profit de cette défaite du parti islamiste et prendre l’initiative de cette contre-offensive organisée, avec la complicité des Tahya Tounes, Attayar, Echaab, la Réforme nationale et autres députés indépendants. Lors d’une rencontre improvisée avec les médias, quelques minutes après l’annonce des résultats du vote de l’ARP qui a scellé le sort d’Habib Jemli, Nabil Karoui a été le premier à prendre la parole pour dire aux Tunisiens qu’«ils n’ont pas d’inquiétude à avoir» et que «le sort du pays est entre de bonnes mains.» Les siens s’entend… On est bien rassurés, n’est-ce pas ?

Hier donc, une occasion a été offerte au patron de Nessma TV, sur la chaîne Elhiwar Ettounsi de son ancien concurrent devenu son ami et son soutien Sami Fehri, lui aussi poursuivi dans des affaires de corruption, pour dire que tout ce qu’il entreprend n’a pour unique objectif que le «service de la Tunisie»: «Laissons de côté nos ego, gardons toujours présent à l’esprit l’intérêt suprême de notre pays», a-t-il clamé, haut et fort, en espérant convaincre ceux, très nombreux, qui douteraient encore de sa bonne foi et de la sincérité de ses engagements, qui tiennent plus de coups de pub (où ce «fils de pub» est passé maître, au point d’enrôler beaucoup d’idiots utiles dans ses faux combats) que de convictions politiques ou de certitudes d’homme.

Tout simplement, le séisme politique de vendredi dernier a créé une confusion dont Nabil Karoui tente tirer avantage. Que ceux qui comptent lui tendre la main prennent leurs précautions pour ne pas servir de feuille de vigne à un homme qui avance toujours masqué…

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