Les commissions qui octroient les autorisations pour l’ouverture des écoles privées devraient garantir un minimum de conformité des bâtiments utilisés avec les lois en vigueur. Ce qui n’est souvent pas le cas.
Par Khadija Mcharek *
Un ami médecin m’a dit un jour : un enfant de huit ans qui ne court pas pendant la récréation, c’est comme un adulte de trente ans, ligoté à une chaise pendant une journée.
Je n’avais jamais cru en l’importance de l’activité physique sous cet aspect. Les enfants aiment bouger, oui, mais que cela représente un besoin physique aussi important, je n’y avais jamais pensé aussi sérieusement.
Bouger est un besoin physiologique naturel
En feuilletant les études faites par des spécialistes en psychomotricité, l’importance de l’activité physique devient de plus en plus évidente.
En effet, quand il bouge, l’enfant prend conscience de son corps, et libère ses tensions physiques et émotionnelles, il développe ainsi ses capacités motrices. Il est donc important qu’un enfant puisse jouer avec la terre, sauter, courir, grimper, tirer dans un ballon, etc.
Si, dans le quotidien, un petit garçon ou une petite fille n’ont pas l’occasion de se dépenser suffisamment, cela a un impact direct sur leur développement moteur, et psychologique.
En gros, quand le ce besoin de bouger n’est pas satisfait, le cerveau est sous stress.
Un lieu pour rêver, communiquer, et récupérer
Depuis que l’école existe, la cour représente un espace privilégié, duquel on ne peut se passer en fréquentant les bancs de l’école. Cet espace central rassemble les élèves entre les cours et leur permet de se régénérer, après une séance de concentration, d’assimilation et de discipline. C’est le lieu ou l’enfant se relâche, agit librement, rit aux éclats, et fait des bêtises sans conséquences. Il laisse libre court à son imagination pour jouer avec ses camarades, tisser des liens, s’imposer et construire sa personnalité.
Si dans la classe, la hiérarchie est bien définie entre le maître, ou la maîtresse, et les élèves, dans la cour d’école, les enfants ont l’occasion rêvée de créer leur propre schéma social : un groupe d’amis selon les affinités, un leader, filles contre garçons, grands contre petits… chaque enfant se positionne à sa manière.
Architecture des écoles primaires en Tunisie
Pour les écoles primaires en Tunisie, l’Etat qui supervise la conception et la réalisation suit une démarche bien définie. Le schéma de fonctionnement est donc le même partout : une cour centrale, des classes tout autour, et un bloc administration et services.
Ceci n’est malheureusement pas le cas pour les établissements privés, qui fleurissent un peu partout dans les grandes villes. De point de vue architectural, il s’agit souvent de maisons individuelles transformées en local pour école. Une ou deux constructions, à deux ou trois niveaux, réaménagées en couloir central non éclairé et des salles de classe de part et d’autre. Une partie est destinée à abriter les bureaux de l’administration, un bloc sanitaire est aménagé là où les canalisations existantes le permettent, et le tour est joué !
Pour l’espace extérieur, le retrait de 4 mètres réglementaire permet d’aménager un jardin, où les enfants jouent pendant la récréation. Dans le meilleur des cas, l’espace autrefois réservé au stationnement fait office de terrain de jeu, pour jouer au ballon, improviser une course, ou installer des balançoires.
C’est comme ça qu’on transforme une villa en école, à moindre coût, et le plus rapidement possible, pour annoncer l’ouverture des inscriptions et commencer à encaisser de l’argent.
Aspect extérieur et accumulation des activités
Une fois les locaux prêts, il ne reste plus qu’à afficher le nom de l’école en grand, et de maquiller un peu la façade pour faire bonne impression auprès des futurs clients. Une pancarte métallique greffée sur l’ancienne porte de garage, et un coup de peinture colorée sur l’encadrement des fenêtres fera l’affaire.
Autre fait inquiétant, il n’est pas rare de voir une école occuper les étages supérieurs d’un bâtiment, alors que le rez-de-chaussée comporte des commerces ou autres activités. Les abords des écoles doivent normalement faire l’objet d’études relatives à la sécurité.
Ce que dit la loi
Selon le chapitre II, article 14 du Décret n° 486 du 22/02 2008 relatif aux conditions d’obtention d’une autorisation pour la création d’établissements éducatifs privés ainsi qu’a leur organisation et leur fonctionnement:
Art. 14 – L’établissement éducatif privé doit : – être dans un bâtiment indépendant, clôturé, aménagé spécialement pour l’éducation et l’enseignement et réservé exclusivement aux activités didactiques, – dans un emplacement loin de tout dommage pouvant atteindre la sécurité des élèves et du personnel y exerçant et leur santé… l’établissement éducatif privé doit comprendre une cour dallée comprenant un espace pour hisser le drapeau tout en réservant 2,5m² pour tout élève au moins.
La loi est donc claire. Le bâtiment destiné à recevoir les enfants ne doit pas cumuler d’autres activités en rez-de-chaussée, et doit comporter assez d’espace en extérieur, afin de garantir l’épanouissement des élèves. Comment ces établissements ont-il l’agrément des ministères, au vu de tels dépassements?
Rôle des concepteurs et des superviseurs
Soyons optimistes, et supposons que les propriétaires des établissements font appel aux professionnels pour concevoir les bâtiments scolaires. Ceux-ci sont obligés de dessiner des plans qui répondent aux contraintes budgétaires et techniques. Si l’on pousse l’éthique à son sens le plus utopique, ces mêmes concepteurs doivent théoriquement refuser de dessiner des espaces non conformes aux exigences nécessaires. Dans un autre temps, les commissions qui octroient les autorisations devraient garantir un minimum de conformité avec les lois en vigueur.
La question reste sans réponse.
* Architecte.
Donnez votre avis