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Le système tunisien d’assurance maladie agonise et pas de réforme à l’horizon

L’ancienne convention signée par la CNAM avec les prestataires de soins remonte à 2006. Jamais révisée depuis, elle prendra fin le 13 février 2020. Réunie hier, dimanche 2 février, à Monastir, la commission administrative du STML rejette la proposition de poursuivre une convention devenue caduque et appelle les différents parties prenantes à élaborer une nouvelle convention pour sauver le secteur de la santé.

Par Dr Souheil Slama *

Le droit à la santé a été bien défini par l’article 38 de la constitution tunisienne. Pour garantir ce droit, le citoyen actif participe à hauteur de 6,75% de son salaire à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) pour s’assurer les soins nécessaires en cas de maladie, selon une convention sectorielle signée avec les prestataires de soins (médecins…) en 2006. Cette convention stipule qu’elle doit être évaluée, révisée et actualisée tous les 3 ans, ce qui n’a jamais été fait.

Depuis des années le Syndicat tunisien des médecins libéraux (STML) appelle à réviser la convention sectorielle pour répondre beaucoup plus aux besoins actuels de la population tunisienne, à l’évolution de la science et aux normes internationales de la santé. En 2019, la révision et l’élaboration d’une nouvelle convention devient urgente puisque l’ancienne prendra fin le 13 février 2020.

Améliorer la qualité de prise en charge du citoyen

En entrant en négociation avec la CNAM depuis des années, le STML a œuvré à améliorer la qualité de prise en charge du citoyen avec comme objectifs la prise en charge par la CNAM de la majorité des actes chirurgicaux, de toutes les maladies chroniques, des maladies ordinaires selon un plafond bien déterminé et de la prise en charge des urgences en dehors du plafond.

Malheureusement, les difficultés financières des caisses sociales ont constitué le principal obstacle à toute réforme du système de santé en Tunisie et à toute tentative d’élaboration d’une nouvelle convention, et puisque le budget de la CNAM dépend directement des caisses, celle-ci se trouve en difficulté et tarde à retrouver l’équilibre financier pour assurer une prise en charge correcte et universelle des citoyens.

Il faut noter que les différentes propositions du STML pour la variation et l’amélioration des ressources financières de la CNAM, telles que les taxations des produits nocifs (tabac, alcool, produits avec sucres ajoutés, usines polluantes…) n’ont pas abouti.

Par ailleurs, la CNAM a survécu aux difficultés des caisses sociales grâce aux sacrifices des médecins et des citoyens et ceci depuis 2008, à savoir l’amputation des bordereaux des médecins, le refus non justifié des demandes de maladies chroniques et de prises en charge de médicaments, l’absence de révision des honoraires des médecins depuis 2008, l’absence de révision du plafond des maladies ordinaires depuis 2006, et l’absence de révision de la liste des maladies chroniques et des actes chirurgicaux depuis 2006

Insuffisance et vulnérabilité du système d’assurance maladie

Les chiffres officiels confirment l’insuffisance et la vulnérabilité du système d’assurance maladie créé entre 2004 et 2006 puisqu’il n’a pas été évalué et révisé depuis. En effet, selon le Centre de recherche et d’études sociales (CRES), les dépenses directes des ménages représentent en moyenne 40% des dépenses totales de santé, alors que les normes internationales exigent que la part des ménages ne doive pas dépasser 20% pour éviter l’appauvrissement de la population (les 80 % des dépenses doivent être prises en charge par l’Etat et la CNAM).

L’ancienne convention de 2006 prendra donc fin le 13 février 2020, la CNAM, le ministère des Affaires sociales et celui de la Santé n’ont rien à proposer pour le citoyen et pour les prestataires de soins. Ils demandent un énième délai de trois mois supplémentaires pour essayer de trouver une réponse aux attentes des différentes parties prenantes, sans être assurés d’y parvenir.

La commission administrative (CA) du STML, réunie le 2 février à Monastir, a dénoncé l’attitude passive des décideurs au niveau des différents ministères, rejette la proposition de poursuivre une convention devenue caduque et appelle les différents parties prenantes à prendre leurs responsabilités et à se réunir afin d’élaborer une nouvelle convention et sauver le secteur de la santé.

* Membre du bureau exécutif (BE) du STML.

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