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Le poème du dimanche: ‘‘Épigramme contre Staline’’ d’Ossip Mandelstam

Le poète russe Ossip Mandelstam est un poète et essayiste russe, né à Varsovie le 3 janvier 1891 et mort le 27 décembre 1938 à Vladivostok. Son présent poème lui vaudra la déportation, les travaux forcés et la mort.

Son père est un commerçant en maroquinerie et sa mère enseigne le piano. À Saint-Pétersbourg, il suit les cours de la prestigieuse école Tenishev (1900-1907), puis à la Sorbonne à Paris (1907-1908) et en Allemagne (1908-1910), où il étudie la littérature française ancienne à l’Université de Heidelberg (1909-1910). De 1911 à 1917, il étudie la philosophie à l’Université de Saint-Pétersbourg. Mandelstam est membre de la Guilde des poètes à partir de 1911. Ses premiers poèmes paraissent en 1910 dans la revue Apollon.

Avec Anna Akhmatova et Mikhaïl Kouzmine, il est l’une des principales figures de l’école acméiste fondée par Nikolaï Goumilev – l’époux d’Anna – et Sergueï Gorodetsky.

Dans les années 1920, Mandelstam pourvoit à ses besoins en écrivant des livres pour enfants et en traduisant des œuvres d’Upton Sinclair, de Jules Romains, de Charles de Coster, entre autres. Il ne compose plus de poèmes de 1920 à 1925, et se tourne vers la prose.

Quelques années plus tard, alors qu’il est de plus en plus suspecté d’«activité contre-révolutionnaire», il part en Arménie (‘‘Voyage en Arménie’’) et revient à la poésie après un silence de cinq ans. Son recueil sur l’Arménie est violemment critiqué par la Pravda.

À l’automne 1933, il compose un bref poème (une épigramme) contre Staline, ‘‘Le Montagnard du Kremlin’’. Mandelstam fut arrêté pour la première fois en 1934 pour ce poème. Il fut exilé à Tcherdyne. Après une tentative de suicide, la sentence fut commuée en exil à Voronej, jusqu’en 1937. C’est de cette période que date des derniers vers écrits par Mandelstam et regroupés sous le titre ‘‘Les cahiers de Voronej’’.

Après trois ans d’exil, Mandelstam est arrêté pour activités contre-révolutionnaires en mai 1938, et condamné à 5 ans de travaux forcés.

Après avoir subi les pires humiliations, il meurt de faim et de froid, du côté de Vladivostok pendant le voyage qui le conduit dans un camp de transit aux portes de la Kolyma, après avoir subi de multiples privations. Son corps est jeté dans une fosse commune.

Cet immense poète ne sera pleinement connu et enfin reconnu internationalement que dans les années 1970, plus de trente ans après sa mort.

Dans un article du Monde intitulé ‘‘Nadejda Mandelstam, l’autre confidente d’Anna Akhmatova’’, on peut lire: «Lorsqu’il meurt dans un camp, en 1938, le poète russe Ossip Mandelstam laisse derrière lui deux femmes dans la peine. L’une est son épouse, Nadejda Mandelstam (1899-1980), surtout connue en Occident pour ses Mémoires, ‘‘Contre tout espoir’’ (Gallimard, 1972-1975) ; l’autre est son amie, la poétesse Anna Akhmatova (1889-1966) qui, depuis les années 1910, partage avec lui une même conception de l’art. Liées depuis leur première rencontre, en 1924, les deux femmes vont se rapprocher encore dans le souvenir du passé commun – ‘‘Vous êtes tout ce qui nous reste de Mandelstam’’, déclare Anna à Nadejda. Ensemble, elles vont aussi affronter le quotidien tragique de leur époque : censure, persécutions, trahisons, relégations, arrestations et exécutions des proches…»

Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays,
Nos paroles à dix pas ne sont même plus ouïes,
Et là où s’engage un début d’entretien, —
Là on se rappelle le montagnard du Kremlin.

Ses gros doigts sont gras comme des vers,
Ses mots comme des quintaux lourds sont précis.
Ses moustaches narguent comme des cafards,
Et tout le haut de ses bottes luit.

Une bande de chefs au cou grêle tourne autour de lui,
Et des services de ces ombres d’humains, il se réjouit.
L’un siffle, l’autre miaule, un autre gémit,
Il n’y a que lui qui désigne et punit.

Or, de décret en décret, comme des fers, il forge —
À qui au ventre, au front, à qui à l’œil, au sourcil.
Pour lui, ce qui n’est pas une exécution, est une fête.
Ainsi comme elle est large la poitrine de l’Ossète.

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