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Face à la pandémie du coronavirus : Le monde panique

Sur les mappemondes, les tâches soulignent l’ampleur de l’épidémie.

Vols suspendus, croisières et voyages d’affaires ou d’agrément annulés, entreprises au ralenti, écoles et lycées fermés, compétitions à huis clos, supermarchés pris d’assaut, le monde vit la pandémie du coronavirus sur le mode panique, malgré une apparente décontraction.

Par Hassen Zenati

Sur les mappemondes, les tâches rouge-vif soulignant l’ampleur de l’épidémie ne cessent de s’élargir. Les barres de 100.000 contaminés et de 3.500 morts franchies, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle désormais de pandémie mondiale. La Chine, source et épicentre du fléau, est la plus touchée, mais le virus circule désormais dans 92 pays. L’Europe n’est pas épargnée. L’Italie, la France et l’Allemagne sont les premières à subir ses assauts.

Chaque pays pris de courts, semble improviser les mesures de précaution ou de protection qui lui semblent les plus appropriées contre l’inquiétant virus, avec pour objectif minimum d’en limiter la circulation, sans prétendre l’éliminer, faute de remède approprié et/ou de vaccin efficace. Dans les laboratoires du monde entier, c’est une course éperdue à celui qui trouvera le premier le graal. Outre le prestige scientifique qu’il recueillera à jamais de sa trouvaille, une montagne de profits l’attend.

Scènes de panique pas ordinaires du tour

Que quelqu’un éternue ou tousse et autour de lui, les plus proches s’envolent comme une nuée de moineaux. Les bars, les cafés et les restaurants sont moins fréquentés. Des amis se serrent de moins en moins souvent la main machinalement lors des retrouvailles et gardent discrètement leurs distances, un mètre au moins, comme le recommandent les spécialistes pour que les germes véhiculés par les postillons ne «voyagent» pas de l’un à l’autre. L’essentiel est de rompre la chaîne de transmission et de retarder autant que faire se peut la propagation du virus. Les parents ont reçu ordre de ne plus se rendre dans les maisons de retraite, sauf cas de force majeure, et de ne pas se faire accompagner par plus d’une personne à la fois. C’est parmi les personnages âgées, dont les défenses immunitaires sont faibles, que l’on compte en effet le plus de cas de contamination sévères et de morts.

La ruée sur le gel hydro-alcoolique recommandé pour nettoyer les mains a tourné à l’émeute dans certaines pharmacies. Les prix se sont rapidement envolés, battant tous les records. Les autorités ont été ainsi amenées à les encadrer par décret, en leur fixant un plafond, et à autoriser les officines à fabriquer artisanalement le précieux liquide pour couvrir les besoins. Des particuliers ont même sauté le pas et fabriquent eux-mêmes leur gel à base de vodka à partir d’une recette diffusée sur internet. Certains ont décidé de se nettoyer les mains… à la vodka ou au whisky.

Dans les supermarchés, les rayons de produits alimentaires ont été dévastés. Pâtes, conserves de légumes, plats cuisinés, surgelés, sauces se sont arrachés à une vitesse laissant incrédules et pantois les chefs de rayons. Depuis la guerre du Golfe en 1991, se souvient l’un d’eux, on n’a rien vu de tel, comme si les consommateurs se préparaient à un long siège. En Australie, on a vu de paisibles ménagères se crêper le chignon en se disputant un gros paquet de papier de toilettes. Il a fallu faire appel à la police pour les séparer et rétablir un semblant de calme dans un magasin en effervescence.

L’Italie s’est placée volontairement en quarantaine. Universités, lycées, écoles primaires, maternelles et crèches sont fermés pour une quinzaine de jours au moins, en attendant d’autres instructions. France et Allemagne ont pris les mêmes mesures, en les restreignant cependant aux «clusters», les foyers de contamination, en attendant de voir venir. Dans les trois pays, les parents sont autorisés à garder leurs enfants à domicile, au frais de la collectivité. Tous les voyages scolaires à l’intérieur et à l’étranger sont suspendus.

Les télétravail enregistre une montée en flèche

Les employés sont incités à travailler de chez eux lorsqu’ils le peuvent. Le télétravail a brusquement enregistré une montée en flèche. Réunions publiques et rassemblements de plus de 5.000 personnes, manifestations culturelles et sportives sont sévèrement réglementées. Lorsqu’ils ne sont pas purement et simplement annulées, les rencontres sportives (football et rugby notamment) doivent se tenir à huis clos, y compris lorsqu’il s’agit de compétitions internationales. Les entreprises spécialisées dans l’événementiel annulent en cascade des manifestations: conférences d’affaires, foires, expositions, prévues depuis plusieurs mois et payées. Salariés des transports publics et enseignants peuvent user légalement de leur «droit de retrait» par précaution en cessant le travail. Sur recommandation des autorités, ils sont appelés à en faire usage avec discernement afin de ne pas bloquer les villes.

En France, un décret publié au journal officiel, autorise les autorités à réquisitionner les stocks de masques de protection détenus par «toute personne morale de droit public ou privé», ainsi que les stocks de masques anti-projections détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution. La décision a été prise à la suite d’une pénurie, qui s’est traduite par un vol à grande échelle de ces masques dans les hôpitaux et leur revente à des prix exorbitants au marché noir. Pourtant, les autorités sanitaires ne cessent de répéter qu’en dehors de l’hôpital pour les personnels médicaux, ces masques ne sont pas nécessaires. Ils ne protègent pas d’une éventuelle contamination.

Par ailleurs, le taux de mortalité tourne autour de 1 à 2% des personnes contaminées, certes plus élevé que celui de la grippe, mais moins que celui du Sras, cet autre virus qui avait provoqué des ravages il y a une vingtaine d’années dans le monde, et en particulier en Asie. 5% des formes connues de coronavirus sont en effet des formes graves, 15% des formes sévères et 80% des formes mineures, selon les spécialistes de l’OMS.

Les sites les plus fréquentés : sites touristiques, musées, lieux de pèlerinage ont été vidés. En France, c’est lors d’un rassemblement religieux évangélique à Mulhouse qu’un nouveau foyer de contamination a été détecté, tandis qu’à La Mecque, les autorités saoudiennes ont préféré, dans une mesure inédite, suspendre temporairement le pèlerinage de la ômra – le petit pèlerinage -, pour décontaminer les lieux avant de les rendre aux pèlerins. Des images montrent une poignée de fidèles tournant comme des âmes en peine autour de la Kaâba, le lieu le plus sacré de l’islam, un site habituellement noir de monde à cette période de l’année, à l’approche du mois du jeûne de ramadan. Même spectacle de désolation dans les sanctuaires de Qom, ville sainte chiite en Iran, prise par satellite. Il est recommandé en effet d’éviter les lieux de rassemblement et de pèlerinage qui sont propices à la contamination, disent les spécialistes. Car lorsqu’on prie ensemble on peut se tenir par la main, ce qui n’est pas conseillé du tout par les temps qui courent.

En Chine, les autorités, qui ne font jamais rien à moitié, ont pris le taureau par les cornes dès les premiers jours du déclenchement de l’épidémie, après un temps d’hésitation, qui a coûté leur poste à plusieurs responsables provinciaux. Le régime, qui exerce un contrôle social sévère sur la population, s’est ainsi empressé de fermer des marchés, sources possibles de contamination, et ordonné à des millions de personnes de rester confinées chez elles, en attendant les instructions des autorités sanitaires. Des dizaines de villes, habituellement grouillantes de monde, présentent depuis près d’un mois le visage de cités fantômes. Le centre ville de Wuhan, capitale de l’automobile, épicentre de la pandémie, sous quarantaine, pratiquement coupée du monde, est déserté. Ses esplanades, habituellement grouillantes de monde, son clairsemées. Dans les gares transformées en dépôts, des dizaines de trains sont alignés à l’arrêt. Même les billets de banque doivent être désinfectés à la lumière ultra-violette, sinon totalement détruits.

Le stade 3 de la pandémie ne doit tarder à être déclaré partout

Prudents et pragmatiques à la fois, les dirigeants se la Réserve fédérale américaine (Banque centrale) ont décidé, dans le même esprit, de placer sous quarantaine – une quarantaine limitée à sept ou dix jours en fait – les dollars en provenance d’Asie avant de les réinjecter dans le circuit monétaire national, et conseillé aux Américains d’utiliser plus largement leurs cartes de crédits pour leurs achats quotidiens. Première monnaie de réserve mondiale, le dollar est le billet le plus largement distribué au monde. On estime à 1,75 milliard de milliards de dollars le nombre de billets verts en circulation dans la sphère financière internationale. Washington a par ailleurs débloqué 8 milliards de dollars pour la lutte contre le coronavirus.

Dans la plupart des pays d’Europe, la pandémie en est encore à son stade 2, mais le stade 3 ne doit tarder à être déclaré. L’épidémie est «inexorable», selon le président français Emmanuel Macron, qui, toutes affaires cessantes, se consacre à des réunions sur le coronavirus. La phase 3 devrait être officialisée dans une ou deux semaines au maximum, selon les experts. La circulation active du virus sera alors constatée sur l’ensemble du territoire et pas seulement dans les «clusters» (foyers de contamination). Ce qui suppose aussi une adaptation de la stratégie pour la faire passer d’une logique de détection et de prise en charge individuelle à une logique d’action collective de masse, et la mise sous tension extrême de tout le système de santé. Mais cela est déjà une autre histoire.

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