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Algérie : Lourdes peines pour un proche des cercles de l’ancien pouvoir

Ancien commandant de Garde républicaine et ancien directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika, le général-major à la retraite Abdelghani Hamel, 65 ans, rattrapé par la justice, a été condamné à de loures peines de prison dans deux procès séparés.

Par Hassen Zenati

Promis par des cercles proches de la présidence aux plus hautes fonctions de l’Etat, alors que le président Abdelaziz Bouteflika commençait à manifester des carences physiques à la suite d’une attaque cérébrale, le général-major à la retraite Abelghani Hamel a été lourdement condamné par un tribunal de Boumerdès (Algérois) à 12 ans de prison ferme, pour «trafic d’influence», «abus de fonction» et «détournement de foncier agricole», notamment.

Trois préfets, un chef de sûreté départementale et plusieurs directeurs de services techniques départementaux ont été condamnés dans le même dossier à des peines allant de un à douze ans de prison ferme, un ancien ministre des Finances à 4 ans de prison avec sursis, tandis que le directeur général des Domaines a été acquitté.

Blanchiment d’argent, enrichissement illicite et trafic d’influence

C’est le deuxième procès que le général-major Abdelghani Hamel subit en quelques semaines, lié à des affaires de corruption, qui lui sont reprochées par la justice. Le 1er avril, il avait été condamné à 15 ans de prison et une forte amende dans plusieurs affaires relatives à des crimes de «blanchiment d’argent, d’enrichissement illicite, de trafic d’influence et d’obtention de foncier par des moyens illégaux», selon le tribunal.

Ses enfants Amiar, Chafik, Mourad et Chahinaz ont été condamnés en même temps que lui à respectivement dix, huit, sept et trois ans de prison ainsi qu’à de fortes amendes. Son épouse, Salima Lannani a écopé pour sa part de deux ans de prison, tandis que les sociétés de la famille se sont vu infliger une forte amende et la confiscation de tous leurs biens meubles et immeubles.

Brillant officier, ingénieur en informatique et en science des organisations, titulaire d’un magistère en études stratégiques et relations internationales, Abdelghani Hamel, originaire de la région de Tlemcen (ouest algérien), a fait une carrière de 37 ans dans l’armée, essentiellement dans le corps de la Gendarmerie nationale. Il a été successivement chef d’état-major régional à Tamanrasset et à Ghardaïa (dans le sud), avant de prendre le commandement de divisions opérationnelles à Alger puis à Oran, pour être nommé ensuite chef du groupement des garde-frontières.

Sa carrière est confortée lorsqu’il est nommé en 2008 par le président Abdelaziz Bouteflika commandant de la Garde républicaine, une section d’élite, chargée de la sécurité présidentielle. En 2010, il est élevé au grade de général-major, avant d’être affecté à la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), prenant au pied levé la succession l’ancien officier de l’Armée de libération nationale (ALN) et colonel des renseignements, Ali Tounsi, abattu dans son bureau du QG de la police par un proche collaborateur, le colonel Chouaëb Iltache.

Hamel s’emploie alors à rajeunir, féminiser et professionnaliser le corps de la police, en le rapprochant des citoyens. Alors que l’état de santé du président Bouteflika se dégradait, des rumeurs circulaient par intermittences dans la capitale algérienne sur sa possible relève par le général-major, qui avait quitté l’armée, et que l’on ne voyait plus qu’en civil.

Une affaire trouble de transport de cocaïne entre le Brésil, l’Espagne et l’Algérie

En juin 2018, en pleine controverse parmi les «décideurs politiques», sur le renouvellement du mandat du chef de l’Etat, pratiquement absent de la scène, incapable d’articuler, ne se déplaçant qu’en fauteuil roulant, son destin bascule lorsqu’il est harponné dans une affaire trouble de transport de 701 kg de cocaïne entre le Brésil, l’Espagne et l’Algérie.

La drogue était arrivée d’Espagne à Oran par bateau, dissimulée dans une cargaison de viande achetée au Brésil par un ancien boucher de quartier, Kamel Chikhi, dit El Bouchi, devenu en quelques années un magnat de l’immobilier, avec un large réseau de relations au plus haut niveau de l’Etat. Il faisait partie de ce qu’on appelait à Alger la nouvelle «oligarchie», qui a prospéré au début des années 2.000 à la faveur de la flambée des prix des hydrocarbures et de l’ouverture du pays au marché international. Une partie de ses têtes d’affiche se trouvent actuellement incarcérée à la prison d’El Harrach (banlieue d’Alger), impliquée dans différentes affaires de corruption, en même que deux anciens Premiers ministres et plusieurs hautes autorités de l’Etat, dans le cadre d’une opération «mains propres», déclenchée après la déchéance du président Bouteflika.

L’enquête conduite d’abord par la police, lui est rapidement retirée pour être confiée au corps rival de la gendarmerie. Des soupçons commencent alors à courir sur une possible implication de Abdelghani Hamel dans cette affaire qui avait secoué l’establishment du pays. L’arrestation de son chauffeur personnel, rapproche les enquêteurs du «patron de la police», qui réplique en accusant les gendarmes de «graves dépassements» dans leur enquête préliminaire, ajoutant dans une déclaration sibylline : «Celui qui veut lutter contre la corruption doit lui même être propre», interprétée comme une allusion à des officiers supérieurs laissés dans l’anonymat.

Le 26 juin 2018, la sanction tombe brutale : un décret présidentiel met fin à ses fonctions à la tête de la DGSN. Il lui est ordonné de quitter sans tarder la villa de fonction cossue qu’il occupait dans le quartier résidentiel de Hydra, avant d’être convoqué par le juge d’instruction du Tribunal militaire de Blida.

Les dossiers s’accumulent alors devant les juges révélant, selon les instructions, un vaste trafic d’influence et d’abus de pouvoir directement ou par sa famille interposée pour l’acquisition de biens divers dans l’immobilier et l’agriculture. Pour sa défense, le général-major déchu a nié être intervenu auprès des autorités au bénéficie de sa famille, et d’avoir usé de ses pouvoirs pour acquérir des avantages indus.

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