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Pourquoi Kaïs Saïed demeure-t-il aussi populaire?

Celui que personne n’avait vu venir, celui qui a été élu haut la main président de la République, début octobre 2019, en battant à plate couture l’affairiste Nabil Karoui, celui que le tandem Ghannouchi-Karoui fait tout pour marginaliser et affaiblir, mais aussi celui dont le style et l’exercice du pouvoir gagneraient à être améliorés, reste un cas à part. À l’heure où la classe politique tunisienne est si impopulaire, son antithèse Kaïs Saïed demeure très populaire. Pourquoi? Décryptage.

Par Chedly Mamoghli *

Kaïs Saïed continue de bénéficier d’une insolente popularité (sa cote est de 59% selon le dernier sondage Emrhod Conseil); il survole l’ensemble de la classe politique tunisienne et écrase toute concurrence si l’on peut s’exprimer ainsi et ce en dépit de ses propos incantatoires, de ses envolées lyriques, des métaphores dont il use et abuse jusqu’à la lassitude, des faux pas et des errements du début du quinquennat, du fait qu’il reste cloîtré dans son monde et qu’il peine (ou n’a pas envie) de s’ouvrir sur les autres mondes et ce en dépit, également, de la situation politique tendue, de la crise sanitaire et de la conjoncture sociopolitique difficile.

Le rejet de la partitocratie tunisienne

Qu’il bénéficie de cette insolente popularité et qu’il affiche une belle forme politique malgré tout cela, ceci confirme le grand rejet de la partitocratie tunisienne et de ses protagonistes (des clowns tristes, tel est le qualificatif qui leur convient le mieux).

Il reste un homme sage et raisonnable au milieu des agités du bocal. Il reste comme un Menhir – cette grande pierre dressée et plantée verticalement qui résiste aux aléas climatiques et aux caprices de la nature – au milieu de l’interminable tempête politicienne. Il reste comme un point de repère fixe dans cette Tunisie hélas malmenée par une guerre (politique) par procuration dont elle est devenue le théâtre où les puissances régionales se livrent une bataille dans l’espoir de dicter chacune son agenda et chaque faction politique s’aligne sur un axe régional. L’une sur l’axe Ankara-Doha et l’autre sur celui d’Abu Dhabi-Riyad-Le Caire alors que l’on sait pertinemment qu’un petit pays comme le nôtre ne peut pas supporter une guerre politique des axes sur son territoire.

Notre pays est assez fatigué comme ça! Nous ne pouvons pas nous offrir le luxe d’abriter les péripéties de ce que les analystes surnomment «la Troisième guerre du Golfe» qui se déroule dans les autres pays arabes en dehors de ceux de leurs protagonistes.

L’alliance islamo-affairiste livre une guerre d’usure à Saïed

Chez nous, cette guerre (politique) par procuration s’est déplacée des réseaux sociaux et des plateaux télé aux institutions de l’Etat et espérons qu’elle ne dégénérera pas dans la rue. La seule institution de l’Etat qui semble à l’abri est la Présidence de la République. Le Parlement, lui, est le théâtre par excellence de cette guerre (politique) par procuration entre les puissances régionales dont la cause principale est l’élection à sa tête de Rached Ghannouchi, le chef historique des islamistes tunisiens, élection rendue possible par Nabil Karoui (et son parti) et qui l’a encore sauvé avant-hier en lui permettant de se maintenir à la tête de l’Assemblée.

Celui qui s’est présenté durant les élections comme un héros anti-islamiste et qui a caricaturé Saïed en valet d’Ennahdha montre depuis des mois que c’est lui le véritable valet d’Ennahdha et que son parti en est le deuxième appendice après Al-Karama. Et cette alliance islamo-affairiste livre une guerre d’usure au président de la République qui lui résiste.

Bon gré mal gré, l’élection de Kaïs Saïed aura, Dieu merci, limité la casse en mettant l’institution présidentielle à l’abri de l’islamo-affairisme et épargné à cette institution d’être un énième rouage dans la guerre (politique) par procuration qui se déroule actuellement en Tunisie. Un Karoui à Carthage et un Ghannouchi au Bardo, je n’ose même pas imaginer le désastre…

* Juriste.

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