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Tunisie : Le manque de stabilité gouvernementale empêche le redressement économique

Trois chefs de gouvernement en sept mois : de droite à gauche, Youssef Chahed, Elyes Fakhfakh et Hichem Mechichi.

Quel que soit le gouvernement que se donnera la Tunisie dans les jours à venir, il se heurtera à une situation économique et financière très difficile. Ni la distribution de pâtes aux pauvres, ni la poursuite de l’endettement pour garantir des augmentations de salaires aux fonctionnaires, ni des conférences pour faire miroiter aux investisseurs étrangers les avantages réglementaires, fiscaux et autres offerts par la Tunisie, ni le jeu du chat et de la souris avec les bailleurs de fonds, et notamment le Fonds monétaire international (FMI), ne pourront longtemps cacher une réalité bien simple : financièrement, le pays est à plat.

Par Amine Ben Gamra *

Après qu’Elyes Fakhfakh eut présenté sa démission, le 15 juillet 2020, à la demande du président de la république Kaïs Saïed, suite au déclenchement de l’affaire de conflit d’intérêt le concernant, son équipe gouvernementale n’aura eu les commandes des affaires en Tunisie que pendant une durée de cinq mois. C’est l’un des mandats les plus courts depuis l’indépendance du pays en 1956.

Mais avant sa démission, ce gouvernement a mis en place un plan de relance économique, axé sur cinq idées principales : 1- poursuivre l’élan social avec 1,2 million de dinars réservés à l’aide des familles nécessiteuses. 2- ne pas augmenter la pression fiscale, malgré la conjoncture difficile ; 3- maintenir le budget de développement voire l’augmenter; 4- ne pas recourir à l’endettement extérieur en 2020; 5- préparer une cinquantaine de mesures financières, économiques et fiscales qui visent 8 objectifs (dynamisation de l’investissement, soutien aux startups et projets innovants, lutte contre la pauvreté, modernisation de l’administration fiscale, encouragement du décashing, intégration du marché parallèle dans le circuit officiel, lutte contre l’évasion fiscale et renforcement du contrôle) et requièrent des ressources supplémentaires de 1,1 milliard de dinars.

Quel avenir pour le plan de relance économique élaboré par le gouvernement Fakhfakh ?

Ce plan mise aussi sur des projets stratégiques notamment la révision du code des changes, l’augmentation de la productivité du port de Radès de 4 à 10 conteneurs par heure, l’accélération de la réalisation des projets dans les régions pour 3 milliards de dinars, le payement des arriérés dus aux prestataires de l’Etat en particulier ceux du BTP pour un milliard de dinars et la restructuration de 5 entreprises publiques dont Tunisair, la Société tunisienne d’acconage et de manutention (Stam) et la Société tunisienne de sidérurgie (El Fouledh).

Mais quel serait le sort de ce plan de relance économique, après la démission du gouvernement actuel et mise en place, actuellement en cours, d’un autre ? Est-ce qu’il va être adopté par le nouveau gouvernement ou le manque de continuité entre les gouvernements qui se succèdent va continuer à être un obstacle au redressement économique ?

Que pourra faire un énième gouvernement pour un pays en profonde crise ?

Pourtant, la Tunisie est un pays qui marche sur le fil du rasoir. Le produit intérieur brut devrait chuter d’au moins 6% en 2020, l’endettement se creuse dangereusement tandis que le secteur du tourisme – une source cruciale d’emplois et de devises étrangères – est quasiment au point mort.

Quel que soit le gouvernement que se donnera la Tunisie dans les jours à venir, qu’il soit technocratique ou politique, il se heurtera à une situation économique et financière très difficile. Ni la distribution de pâtes aux pauvres, ni la poursuite de l’endettement pour garantir des augmentations de salaires aux fonctionnaires, ni des conférences pour faire miroiter aux investisseurs étrangers les avantages réglementaires, fiscaux et autres offerts par la Tunisie, ni le jeu du chat et de la souris avec les bailleurs de fonds, et notamment le Fonds monétaire international (FMI), ne pourront longtemps cacher une réalité bien simple : financièrement, le pays est à plat.

Il reste à espérer que les négociations politiques en cours pour accorder la confiance de l’Assemblée au nouveau gouvernement permettront à celui-ci de se mettre rapidement au travail. Car ce qui l’attend c’est un pays en profonde crise économique et sociale, avec un lourd endettement, et où le chômage et l’inflation alimentent la grogne d’une population aux attentes déçues.

* Expert Comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.

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