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Insularité et gouvernance : les critères internationaux peuvent-ils s’appliquer à Djerba ?

Beaucoup d’encre a coulé ces derniers temps et les langues se sont déliées pour dénoncer l’évidente injustice que subit Djerba depuis des décennies. Des articles ont été écrits et des points de vue, objectifs, de bonne foi et pleins de bon sens, ont été exprimés par des défenseurs de l’Île, djerbiens et non-djerbiens, pour la plupart des intellectuels illustres et des citoyens amoureux inconditionnels de Djerba, tous bien informés sur les problèmes de l’île et les revendications des insulaires. Après les cris du cœur et les coups de gueule légitimes, quelles solutions et quelles perspectives pour Djerba ?

Par Fathi Ben Hamidane *

Passée la première étape, celle de la dénonciation de l’injustice et de l’iniquité qui ne font plus aucun doute, il serait judicieux d’aller de l’avant, à savoir aborder franchement et à bras-le-corps le thème de l’insularité et l’appréhender dans sa globalité. Ensuite, il y aurait lieu de préconiser les solutions possibles et les perspectives envisageables, pour un avenir meilleur, serein et équitable, dans l’intérêt général.

L’insularité et ses spécificités

Dans les différentes réactions et prises de position, il a maintes fois été fait mention de la nécessité d’attribuer à l’île le statut de Gouvernorat (le 25e en l’occurrence), ou de lui octroyer une autonomie institutionnelle et/ou administrative.

En guise d’entrée en matière, il convient de faire un petit tour d’horizon dans le contexte bien précis de l’insularité et une étude de cas s’impose, objective et rationnelle, fondée sur des situations comparables similaires au cas spécifique de Djerba, chiffres et constats à l’appui.

Le concept de l’insularité s’applique sans conteste à Djerba et répond parfaitement à la définition donnée par l’ONU et à la typologie établie par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

Partant de là, il serait utile d’aborder, d’une manière générale, la question de l’autonomie, souvent évoquée mais rarement revendiquée, dans un cadre plus large et sur la base d’exemples précis et de comparaisons idoines. Ceci étant dit, il existe plusieurs approches de l’insularité. Outre la conception classique de l’île en tant qu’entité faisant partie intégrante d’une entité géopolitique plus grande, on parle également de Petits Etats Insulaires en Développement (Small Island Developing States). Ce concept a été établi, en 1994, par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Il est fondé sur la définition de l’Onu qui fixe les caractéristiques propres aux Etats insulaires. Le nombre de ces Etats, qui était de 28 en 2009, a atteint le chiffre de 39 en 2014.

Un élément déterminant souvent avancé concernant l’autonomie est celui de la viabilité économique, condition que Djerba remplit tout à fait, le tourisme durable, l’agriculture et l’artisanat étant le pilier de son économie et sa colonne vertébrale, à quoi il importe d’ajouter le secteur de la pêche et celui de la pisciculture, évoluant sans cesse.

De plus, Djerba possède un atout supplémentaire de taille : l’inscription attendue de l’Île sur la Liste du patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Djerba a en effet répondu, à cet effet, à une bonne partie des dix critères de sélection, culturels, naturels et autres, établis par cette agence spécialisée de l’Onu.

Insularité et gouvernance : exemples concrets

À titre de comparaison et comme arguments militant en faveur de Djerba dans la perspective d’une forme quelconque d’autonomie, voici quelques exemples, parmi tant d’autres, à même d’enrichir le débat et de fournir à tous ceux que cette thématique intéresse quelques informations susceptibles de les aider dans leur réflexion. Il s’agit à la fois d’îles-Etats et d’îles autonomes.

Il convient, en premier lieu de citer Malte. Cette île-Etat, souveraine et membre des Nations unies, compte 450.000 habitants pour une superficie de 319 km2. Il y a lieu aussi de mentionner Madère, qui a une superficie de 801 km2 et compte 260000 habitants. Elle est, depuis 1976, une région autonome du Portugal.

La Grenade, quant à elle, est un pays caribéen dont l’île principale a une superficie totale de 344 km2 et compte 114000 habitants.

Les Seychelles, ensuite, sont un archipel africain de 115 îles qui compte 96000 habitants. L’archipel est une destination touristique très prisée et membre à part entière de l’Onu. Il convient en outre de mentionner les Îles Anglo-Normandes (l’Île de Man, Jersey et Guernesey). Ce sont des territoires autonomes de petite taille dépendant de la Couronne Britannique.

Au final, Djerba n’a pas grand-chose à envier à bon nombre d’entités comparables.

Les exemples en tout genre sont légion et il ne serait pas vain de rappeler que Djerba, avec une superficie de 514 km2 et une population de 163.000 habitants, figure au 15e rang sur la liste des Îles de la Mer Méditerranée, qui en compte 195.

À la lumière de ce qui précède, serait-il totalement irréaliste et démesurément ambitieux d’éventuellement envisager la possibilité de faire de Djerba une zone franche… par exemple ?!

Ces données chiffrées ont pour finalité d’aider tout un chacun à se retrouver dans les dédales de l’insularité, l’administration territoriale et l’autonomie, et ont essentiellement pour objectif de susciter, un tant soit peu, une réflexion sereine, éclairée et objective, autrement dit un «brainstorming».

* Ancien fonctionnaire international et enseignant universitaire.

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