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Wadie Jary, un homme controversé mais d’une redoutable intelligence

On peut détester Wadie Jary, mais force est de constater qu’il est très habile et que le football, qui n’a plus de secret pour lui, lui servira de tremplin pour aller loin, aussi bien dans les instances du football mondial qu’en politique tunisienne, puisqu’il n’a pas fait mystère de ses ambitions dans ce domaine.

Par Dr Mondher Azzouzi *

Je ne sais, et personne au même titre que moi d’ailleurs, si Wadie Jary est sincère et aussi honnête qu’il le prétend. Ou si c’est un fourbe qui se paye la tête de tout le monde.

Je n’appréciais guère le président e la Fédération tunisienne de football (FTF) en raison d’une arrogante suffisance qu’il arbore toujours contrastant avec des résultats peu reluisants du football tunisien dont il a la responsabilité. Mais j’ai appris avec le temps à reconnaître la valeur de l’homme, très fin communicateur, souvent convaincant et d’une rare intelligence.

Wadie Jary a réponse à tout avec documents à l’appui et préparés par anticipation pour répondre à toute éventuelle question. Dans un véritable one man show, sur un plateau de télévision (dans l’émission Wahch Echacha, sur Attessia TV, dimanche 1er novembre 2020), face à des contradicteurs coriaces mais ayant leurs accointances partisanes, qui procèdent de la même hypocrisie en lui reprochant des soutiens et des alliances politiques, qui, on l’imagine, ne sont pas les leurs, il ne se démonte pas et ne perd jamais ses nerfs, défiant ses accusateurs et finissant même par avoir le dessus sur eux.

On lui reproche des malversations, des détournements de fonds et des conflits d’intérêts dans l’exercice de ses fonctions de patron du football tunisien, mais sans être blanc comme neige, l’homme trouve à chaque fois la bonne riposte pour esquiver les coups. D’ailleurs, ses réalisations à la tête de la FTF parlent pour lui. Le budget de celle-ci est devenu excédentaire de plusieurs dizaines de milliards de dinars. L’infrastructure, bien qu’insuffisante, s’est améliorée en se dotant d’équipements de pointe et de salles de préparation physique très modernes pour les sélections nationales. Sous sa férule, les Aigles de Carthage se sont qualifiés en Coupe du monde de football en Russie et ont atteint le 14e rang mondial dans le classement Fifa.

Sur un autre plan, plusieurs clubs ont pu bénéficier de l’aide de la FTF pour éviter le gouffre et les affres des sanctions radicales de la Fifa. Victime d’injustice arbitrale lors de la finale de la Champions Ligue d’Afrique l’ayant opposée à Al Ahly d’Égypte, l’Espérance de Tunis a pu compter sur son activisme au sein des instances de la Confédération africaine d football (CAF) pour remporter le sacre continental, qui plus est, de belle manière. Son soutien au même club dans le conflit l’ayant opposé, une année plus tard, au Wydad de Casablanca, a été sans faille et tout aussi efficace.

Bien sûr, on reprochera à Wadie Jary d’avoir décidé la suspension du Croissant sportif chebbien (CSC), nouveau promu à la Ligue 1, et d’avoir fait descendre toute une ville dans la rue pour protester contre cette décision. Mais il se défendra en disant qu’il n’a fait qu’appliquer le règlement des instances du football mondial. Peut-on sérieusement le lui reprocher ? Il a, ce faisant, donné l’occasion à des justiciers de tous bords de voler au secours du club de Chebba et de lui reprocher des dérives autoritaires voire des affaires de corruption.

On lui a reproché également de ne pas avoir appuyé la candidature de Tarak Bouchamaoui qui a décidé de briguer un mandat de président de la CAF. La réponse de Jary a été d’une sèche précision : l’homme d’affaires, membre dirigeant de la CAF depuis 2002, n’a aucune chance d’accéder à la présidence et sa défaite annoncée risque de faire perdre à la Tunisie un siège dans les instances décisionnelles de la CAF. Imparable…

On peut détester cet homme, mais force est de constater qu’il est très fort et que le football, qui n’a plus de secret pour lui, lui servira de tremplin pour aller loin, aussi bien dans les instances du football mondial qu’en politique tunisienne, puisqu’il n’a pas fait mystère de ses ambitions dans ce domaine. Pour un as de la communication doublé d’un redoutable stratège, de si grandes ambitions sont permises.

* Cardiologue à Lyon.

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