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Le poème du dimanche : ‘‘Le choléra’’ de Nazik Al-Malaika

Buste de Nazik El Malaika par Haydar Jassem.

Dans l’histoire de la littérature arabe contemporaine, la poète irakienne, Nazik Al-Malaika, est considérée, avec son compatriote le poète Badr Chaker As-Sayyab, comme une pionnière du vers poétique arabe libre. Même si le vers ne se libère pas totalement de la rime mais plutôt des lois de la métrique arabe classique.

On considère le poème ‘‘Le choléra’’ (1947) comme le premier poème arabe libre. Sauf apports nouveaux dans la recherche critique. Le poème ici traduit, pour sa valeur historique, sa description terrible de la condition humaine, dans une vérité pessimiste rare et sous l’exigence du contexte épidémique mondial actuel, est extrait du recueil ‘‘Chadhaya wa ramad’’ («Etincelles et cendre») paru en 1949. Le recueil est présenté par une introduction de l’auteure, où elle expose sa volonté moderniste, au moins, dans la forme poétique, son désir de quitter l’archaïsme et d’installer la poésie arabe dans le mouvement d’avant-garde universel.

Nazik Al Malaika est née à Bagdad en 1922 et décédée en exil au Caire, en 2007. En effet, elle quitte l’Irak en 1970 où elle enseignait à l’université, s’installe d’abord au Koweït puis en Egypte. Parmi ses autres recueils, ‘‘Achiqatu al-layl’’ («L’amante de la nuit»), 1947, ‘‘Qararat al-mawja’’ («Le creux de la vague»), 1957; et «La tragédie de la vie et une chanson pour l’humain», 1979.

Tahar Bekri

Le choléra

La nuit s’est tue
Ecoute l’écho de l’effet des gémissements
Dans l’obscurité profonde, sous le silence, sur les morts
Des cris s’élèvent, tremblent
Une tristesse jaillit, s’enflamme
Dans laquelle trébuche la résonance des sanglots
Dans chaque cœur un bouillonnement
Dans la cabane calme des tristesses
Dans chaque endroit une âme crie dans les ténèbres
Dans chaque coin une voix pleure
Voici ce qu’a déchiré la mort
La mort la mort la mort
O tristesse du Nil criant des faits de la mort
L’aube s’est levée
Ecoute l’écho des pas des piétons
Dans le silence de l’aube, écoute,
Regarde le cortège de ceux qui pleurent
Dix morts, vingt
Ne compte pas, écoute ceux qui pleurent
Ecoute la voix du pauvre enfant
Des morts, des morts, le nombre s’y perd
Des morts, des morts, pas de lendemain
Dans chaque endroit un corps pleuré par un endeuillé
Ni d’un instant d’éternité ni silence
C’est l’œuvre de la main de la mort
La mort la mort la mort
L’humanité se plaint elle se plaint de ce que la mort commet
Le choléra
Dans la grotte de la frayeur avec les lambeaux
Dans le silence de l’éternité endurcie où la mort est un remède
Le mal du choléra s’est réveillé
Haineux jaillissant raidi
Le fleuve joyeux et lumineux est descendu
En criant, troublé et fou
N’entendant pas la voix de ceux qui pleurent
Partout ses griffes ont laissé des échos
Dans la cabane des paysans, au foyer
Il n’y a que cris de mort
La mort la mort la mort
Dans le choléra cruel se venge la mort
Le silence est amer
Rien que l’écho d’Allah Akbar
Même le fossoyeur est enterré personne au secours
Le muezzin de la mosquée est mort
Qui fera la prière du mort
Il ne reste que cris de deuil et de gémissements
L’enfant sans mère ni père
Pleure d’un cœur en flammes
Et demain sans doute le mal féroce le cueillera
O fantôme du choléra tu n’as laissé
Que peines de la mort
La mort la mort la mort
O Egypte, mes sentiments sont déchirés par la mort

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

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