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La phobie d’un coup d’Etat imaginaire et la peur de changement réel

Palais de Carthage.

L’accusation fallacieuse contre les Emirats arabes unis (EAU) de préparer un coup d’Etat militaire en Tunisie, colportée par certains cercles islamistes, vise à atteindre Abir Moussi, la présidente du PDL, dès lors qu’elle avance vers le pouvoir à pas sûrs.

Par Jalel Boughzala *

Si l’on veut redonner vie à un ancien humour africain selon lequel on tourne en dérision les problèmes sérieux en donnant un peu de crédit à des rumeurs, on peut citer les récentes rumeurs sur un coup d’Etat en cours de préparation en Tunisie.

En effet, un animateur d’une chaîne de télévision égyptienne basée en Turquie qui, procédant par un style burlesque, a déclaré qu’un ancien attaché militaire tunisien aux Emirats arabes unis (EAU) et ancien conseiller militaire à Carthage est en train de préparer un coup d’Etat militaire soutenu et financé par les EAU. Elle est bien fertile l’imagination de cet animateur !

Dans cet ordre d’idées, un député qui, insistant à étaler son manque flagrant d’assimilation des règles de droit, notamment en matière constitutionnelle, prédit, dans un post, que le président de la république va commettre un coup d’Etat constitutionnel. S’il est vrai qu’on a une seule bouche, il n’en demeure moins qu’on a deux oreilles !

De ce qui précède, il est aisé d’affirmer qu’on est bel et bien en présence d’un double sentiment ralliant la phobie d’un coup d’Etat imaginaire (I) à la peur de la perte du pouvoir (II).

I- La phobie d’un coup d’Etat imaginaire :

Il est permis d’affirmer que cette phobie d’un coup d’Etat imaginaire est justifiée par une «autocritique en secret» débouchant sur un constat d’échec (A) et par une conscience de l’énormité des défis à relever (B).

A- Un constat d’échec :

J’ai lu un passage qui me plait tellement et selon lequel «on ne soupçonne un mal que lorsqu’on est capable de le commettre et surtout lorsqu’on mesure ses conséquences à leur juste hauteur».

Si l’on met en aval ces rumeurs de coup d’Etat en préparation véhiculées par la presse et les réseaux sociaux, proches de certaines fractions du pouvoir, on parvient à cet amer constat: la Tunisie n’a pas encore commencé à voir le bout du tunnel après 10 ans de pouvoir de ces nombreux gouvernements qui se sont succédé depuis 2011.

Les gigantesques projets de développement, de création d’emplois, de croissance et d’amélioration de la qualité de vie sont restés des promesses de campagnes électorales; alors que les Tunisiens attendent et commencent à perdre patience.

A- Des défis énormes:

Le pays est devenu un vaste chantier à construire et il ne faut pas perdre de temps et détourner l’attention du contribuable concernant des questions de fond telles que les dettes interminables que les gouvernements ne font que cumuler depuis 2011.

On attend que le gouvernement en place assure la sécurité des biens et des personnes sur tout le territoire de la république, que l’infrastructure hospitalière soit rénovée, que s’ouvrent d’autres hôpitaux, que l’enseignement public retrouve son prestige et sa pleine considération et que la paix sociale soit assurée.

Ce qu’on attend, c’est de ne pas perdre nos acquis qui deviennent de plus en plus maigres, à défaut des promesses intenables qu’on nous brandit depuis 2011. Mais les défis à relever sont énormes !

S’il importe de cesser de nous tourmenter les tympans avec des rumeurs de coup d’Etat imaginaire, il n’en demeure pas moins important de s’interroger si ces faiseurs de coups d’Etat imaginaires sont parmi ceux qui détiennent le pouvoir réel ?

II- La peur de changement réel:

Bien que l’alternance au pouvoir soit un signe essentiel de toute démocratie, une fraction importante des détenteurs du pouvoir politique cherche à empêcher tout changement réel et salutaire car elle ne voit pas «son» avenir en rose (A) comme elle est hantée par une bête noire (B).

A- Un avenir pas rose :

Si le président de la république pense à suspendre l’application de la constitution en raison d’un péril imminent, il est en droit de le faire comme l’ont affirmé d’éminents professeurs de droit.

En effet, les émeutes tribales qui risquent de s’étendre et s’aggraver, ces grèves permanentes, ces assauts contre des sites de production nationale, ce risque d’intervention étrangère terroriste ou militaire, cette recrudescence d’une violence atteignant même l’hémicycle de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et ce retour attendu de nos émigrés clandestins sont des éléments déterminants d’un péril imminent.

Le président de la république est également en droit de procéder, par référendum, au passage à un régime présidentiel ajusté et à la modification du système des élections législatives par le passage à un scrutin de liste majoritaire à deux tours pour garantir une majorité parlementaire stable.

Il n’est pas seulement en droit de faire tout ce qui précède mais il est légitimement appelé à le faire. Il est le garant du respect de la constitution et est le seul apte à l’interpréter, en l’absence d’une cour constitutionnelle, non encore constituée pour des raisons portant atteinte à l’intérêt général. Et il ne s’agit nullement, en l’espèce, d’un coup d’Etat constitutionnel mais d’une application bienveillante de la constitution qui relève, à juste titre, des attributions du chef de la magistrature suprême.

B- Une bête noire:

Les sondages ne cessent de confirmer que Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), devenue la bête noire de maints détenteurs du pouvoir, ainsi que le PDL sont en tête des intentions de vote pour les prochaines élections législatives.

Si l’on parle de manière objective, le PDL est le seul parti qui a un programme complet et écrit. Ses réflexions et les interventions de ses députés sont réfléchies, constructives et très révélatrices d’une aptitude à mener des réformes sensibles en Tunisie.

On accuse ce parti de recevoir des financements des EAU, il convient alors d’ouvrir le dossier du financements des partis politiques et même commencer par assurer le suivi des recommandations de la Cour des Comptes au sujet du financement des campagnes électorales des partis politiques ayant participé aux dernières élections.

Et voilà qu’on revient miraculeusement au second coup visé par l’accusation fallacieuse contre les EAU: atteindre la présidente du PDL dès lors qu’elle avance vers le pouvoir à pas sûrs.

Enfin, il n’est pas dépourvu d’intérêt de souligner que la focalisation sur la personne d’une personnalité politique plutôt que sur son programme politique, économique et social est qualifiée d’attaque ad personam et constitue, en fait, un précieux service rendu à la personne attaquée. Rappelons, également, que le chef de file de tels détracteurs dans l’Hexagone s’est vu décerner le titre d’insulteur public.

Conclusion

Un exécutif bicéphale ayant à ses têtes l’actuel président de la république et la présidente du PDL avec une assemblée nationale élue sur la base du nouveau scrutin et dotée d’une majorité stable.

Laissons-leur cette ultime opportunité de sauver le soldat Tunisie. Tel est le souhait de tout tunisien patriote aspirant à faire prévaloir l’intérêt national sur les intérêts particuliers.

* Ancien attaché social à l’Office des Tunisiens à l’étranger.

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