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Peut-on encore réformer une économie tunisienne… déformée ?

Dans le dernier ‘‘Billet économique’’ de l’intermédiaire en bourse Mac SA, intitulé «L’économie tunisienne : Peut-on réformer une économie déformée’’, écrit par Moez Labidi, professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Mahdia, Université de Monastir, souligne les difficultés actuelles de l’économie tunisienne et appelle à mettre en œuvre en urgence les réformes nécessaires pour assurer sa relance.

Par Imed Bahri

La Tunisie, qui «pâtit, depuis plusieurs années, d’une croissance potentielle en berne, parmi les plus faibles de la région», voit son économie frappée de plein fouet par la crise sanitaire de la Covid-19, dont les répercussions négatives sur le tourisme et l’industrie creusent davantage ses déséquilibres macroéconomiques. Or, au lieu de profiter de cette crise sanitaire pour «s’inscrire dans une véritable dynamique de réforme», les autorités tunisiennes tergiversent, piétinent et font du surplace, aggravant, au passage, les difficultés socio-économiques, alors que l’instabilité politique réduit la visibilité pour les opérateurs, les investisseurs et les partenaires.

Un contexte général très contraignant

«La montée de la surenchère revendicative et les reculades des autorités ont ouvert la porte à des dérapages budgétaires alimentant le doute sur la soutenabilité de la dette publique, et développant un sentiment de méfiance chez les investisseurs domestiques et étrangers», note Moez Labidi, qui ajoute: «Malgré l’unanimité des voix qui s’élevaient pour signaler l’urgence des réformes, et les risques que génèrent tout retard dans l’implémentation de ces réformes, une véritable ‘‘myopie face aux désastres’’ (Disaster myopia), doublée d’une irrationalité et d’une cupidité, caractérisent l’attitude des acteurs économiques tunisiens.»

Moez Labidi.

Or, et tous les experts sont unanimes, ces réformes dont on parle depuis plusieurs années ne sauraient tarder au risque d’hypothéquer l’avenir des nouvelles générations frappées de plein fouet par les fléaux du chômage de masse, touchant plus de 15% de la population active et plus de 40% s’agissant des diplômés de l’enseignement supérieur et de certaines régions déshéritées. Ces réformes sont d’autant plus nécessaires et urgentes que l’économie tunisienne est «déformée», et pour cause : elle forme des diplômés chômeurs, avec un taux de chômage (30,1%) qui frôle le double de la moyenne nationale (16,2 %); l’informel y fait la pluie et le beau temps et la fiscalité y a perdu sa fonction incitatrice et redistributive. Pire encore : notre économie se désindustrialise et, en même temps, dans le projet de la Loi de Finances 2021, la masse salariale représente près de 40% du budget de l’Etat et plus de 16% du PIB, alors que le chef de gouvernement Hichem Mechichi, dans l’espoir de calmer la grogne sociale, continue de signer des accords d’augmentation salariales avec des syndicats insatiables et continuant d’exiger davantage en menaçant de bloquer une machine de production fonctionnant au ralenti sinon, dans certaines régions, entièrement bloquée par les mouvements sociaux.

Des réformes qui ne sauraient être retardées davantage

C’est dans ce contexte ô combien contraignant que l’économie tunisienne est appelée à relancer les réformes économiques plus que jamais nécessaires dans un contexte d’instabilité politique, de montée du populisme, de «fièvre revendicative», d’obsolescence de l’infrastructure sanitaire, de crise sanitaire aggravée par la pandémie de la Covid-19 et de dégradation de l’environnement. «Des défis nombreux, complexes et difficiles à relever, compte tenu de l’étroitesse de l’espace budgétaire résultant d’un déficit de 6,6% prévue pour l’exercice budgétaire 2021, avec une masse salariale (20 milliards de DT) et un service de la dette (15,5 milliards de DT) étouffants pour les dépenses d’investissement (4 millions de DT)», prévient Moez Labidi.

Mais tout en admettant que la Tunisie, hier encore classée parmi le peloton de tête des économies émergentes au sud de la Méditerranée, avant de perdre sa place au profit de ses concurrents directs, comme le Maroc, l’Egypte, ou la Jordanie, «ne pourra jamais rejoindre le peloton des économies innovantes et compétitives tant que la fièvre revendicative grignote l’espace budgétaire et étouffe les dépenses d’investissement», l’économiste appelle à ne pas sombrer dans l’alarmisme, «même si les espoirs d’une reprise économique rapide et solide ne sont plus à l’ordre du jour, ni en Tunisie, ni chez nos partenaires européens», et à mettre en œuvre, malgré tout, les réformes en profondeur ayant beaucoup tardé et ne pouvant plus être retardées davantage.

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