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Document : Quand la CIA finançait les Frères musulmans

Tariq Ramadan et son père Saïd Ramadan : la traîtrise comme fonds de commerce florissant.

Un article d’Ian Hamel, correspondant du magazine Le Point à Genève, en Suisse, publié le 6 décembre 2011, révèle les liens très anciens entre l’organisation des Frères musulmans, dont le mouvement islamiste tunisien Ennahdha est membre depuis sa création il y a plus de quarante ans, et la CIA, les services secrets des Etats-Unis. Le passé éclaire le présent… L’Egyptien Saïd Ramadan, dirigeant des Frères musulmans dans les années 1950, est, aujourd’hui, le modèle du Tunisien Radwan Masmoudi, ci-devant dirigeant d’Ennahdha. Rien de nouveau dans les pratiques des services de renseignements occidentaux… Les islamistes, oiseaux apatrides, sont toujours utiles… contre leurs pays.

Par Ian Hamel *

Le fonds E 4320, conservé aux archives fédérales (suisses, Ndlr) à Berne, concerne Saïd Ramadan, le gendre d’Hassan El-Banna, fondateur des Frères musulmans égyptiens. Poursuivi par le régime nassérien, réfugié en Suisse en 1959, Saïd Ramadan a créé le Centre islamique de Genève, le premier institut de ce genre en Europe. Il est par ailleurs l’un des fondateurs de la Ligue islamique mondiale inspirée par les Saoudiens. évoque la «sympathie» de la BUPO, la police fédérale sur la protection de l’État, pour Saïd Ramadan. Elle ajoute : «Il est très certainement en excellents termes avec les Anglais et les Américains.»

Un autre document, daté du 5 juillet 1967, se montre encore plus précis. Saïd Ramadan est présenté comme un «agent d’information des Anglais et des Américains. De plus, je crois savoir qu’il a rendu des services – sur le plan d’informations – à la BUPO.» Toujours est-il que Berne décide d’accorder un permis de séjour à Saïd Ramadan, alors que ce dernier aurait dû être expulsé le 31 janvier 1967. Les raisons de cette tolérance ? La possibilité «que les amis de Saïd Ramadan prennent le pouvoir dans les mois à venir dans l’un ou l’autre État aujourd’hui qualifié de progressiste ou socialiste».

Saïd Ramadan et le président américain

Ces documents déclassés vont dans le même sens que l’ouvrage publié en septembre dernier par le journaliste américain Ian Johnson, lauréat du prix Pulitzer, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident **, on découvre que les Allemands, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont utilisé les Tchétchènes, les Kazakhs, les Ouzbeks, les musulmans vivant en URSS contre les communistes athées. Les Américains ont ensuite pris le relais, soutenant les islamistes contre le bloc communiste et ses satellites. En juillet 1953, une délégation de musulmans est invitée aux États-Unis, et reçue à la Maison-Blanche, parmi eux Saïd Ramadan.

Le 28 octobre dernier, dans un article intitulé «Le rôle mobilisateur de Saïd Ramadan», le site francophone Oumma.com montre la photo du président Dwight Eisenhower entouré des membres de la délégation. Saïd Ramadan est à sa droite. Le président américain estime que, dans ses relations avec les dirigeants arabes, «notre foi en Dieu devrait nous donner un objectif commun : la lutte contre le communisme et son athéisme», relève Ian Johnson. Quelques années plus tard, Saïd Ramadan, réfugié en Europe, traite avec Bob Dreher, un agent de la CIA installé à Munich.

Une thèse sur la charia

Saïd Ramadan vient d’obtenir en 1959 un doctorat en droit de l’université de Cologne pour sa thèse sur «La charia, le droit islamique, son envergure et son équité». Il brûle d’envie d’étendre son influence à l’Europe entière. «Installé à Genève, il considérait Munich, à une journée de route de son domicile, comme l’endroit idéal où établir une sorte de base avancée», lit-on dans Une mosquée à Munich. La CIA finançait-elle directement Saïd Ramadan et les Frères musulmans en Europe ?

Ian Johnson reste prudent, dans la mesure où une partie des archives de l’agence de renseignements ne peut être consultée. «Tout indique que Dreher et l’Amcomlib eurent recours aux moyens financiers et politiques à leur disposition pour donner un coup de pouce au principal représentant des Frères musulmans en Europe», écrit-il. L’Amcomlib, ou American Committee for Liberation from Bolshevism, était un faux nez des services américains.

Le sulfureux imam suisse Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève.

Il roulait en Cadillac

René Naba, ancien responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l’AFP, penche davantage pour une sous-traitance par la Jordanie et l’Arabie saoudite. Pour preuve, Saïd Ramadan, de nationalité égyptienne, voyageait à cette époque avec un passeport diplomatique jordanien. Apparemment, le gendre d’Hassan El-Banna ne manquait pas de subsides, Une mosquée à Munich raconte ainsi qu’il roulait en Cadillac…

Décédé en 1995 à Genève, Saïd Ramadan est notamment le père de l’islamologue Tariq Ramadan, et de Hani Ramadan, qui lui a succédé à la tête du Centre islamique de Genève. Interrogé sur les liens éventuels de son père avec les services secrets américains et européens, ce dernier n’a pas souhaité nous répondre.

* Auteur de « Tariq Ramadan, l’histoire d’une imposture ».

** Ian Johnson, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident, JC Lattès.

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