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Tunisie : en attendant un janvier 2022 chaud bouillant

La promesse d’une Tunisie nouvelle faite le 25 juillet 2021 s’est évaporée.

La nuit du 25 juillet 2021, Les Tunisiens ont rêvé de réformes politiques, économiques et sociales et de projets mobilisateurs de la volonté nationale, qui feront sortir la Tunisie de son marasme qui dure depuis 2011, mais rien de tout cela n’a été fait jusque-là et ils se demandent aujourd’hui qui doit mettre en œuvre ces réformes si ce n’est le président Kaïs Saïed, qui accapare depuis plus de quatre mois tous les pouvoirs, sans être en mesure de gérer les affaires du pays et de satisfaire ses besoins les plus urgents.

Par Moncef Kamoun *

D’après une enquête du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), près de 1 492 mouvements de protestation ont été enregistrés au cours du mois de janvier 2021. Le centre-ouest est la région la plus agitée avec 544 mouvements, suivie du nord avec 304 et le sud avec 244.

Dans l’histoire de notre pays, le mois de janvier est habituellement particulièrement agité et enregistre souvent des événements mémorables. On pourrait penser que le froid qui caractérise ce mois provoque des sautes d’humeur chez les Tunisiens.

C’est aussi un mois de transition, qui fait le bilan du passé et ouvre sur l’avenir. Il rappelle les échecs essuyés et laisse espérer un possible renouveau. Les agitations sociales qui le rythment expriment, à la fois, la frustration liée à l’insatisfaction des besoins (notamment chez les couches défavorisées de la population) et l’espoir d’une stabilité à retrouver.

Janvier, le mois de toutes les protestations

On rappellera, ci-dessous, les mois de janvier qui ont été les plus «chauds» et les plus marquants dans l’histoire de la Tunisie à l’époque contemporaine.

Le 18 janvier 1952 : cette date marque le déclenchement de ce qu’on a appelé «la révolution des Tunisiens contre la colonisation française» qui a conduit, six ans après, à la proclamation de l’indépendance du pays le 20 mars 1956.

21 janvier 1972 : le mouvement de contestation universitaire lancé par l’Union générale des étudiants tunisiens (Uget) aboutit à la fermeture de l’université, l’arrestation et la condamnation de nombreux leaders estudiantins.

26 janvier 1978 : la première grève générale dans l’histoire du pays suite à une crise entre le gouvernement et les syndicats, qui a dégénéré en affrontements entre les protestataires et les forces armées. Le «Jeudi noir», violemment réprimé, a fait des centaines de morts et de blessés et des dizaines de condamnations à la prison.

26 janvier 1980 : l’attaque la ville de Gafsa par un groupe armé introduit de l’Algérie voisine, qui s’est emparé de la caserne de cette ville frontalière du sud-ouest de la Tunisie. L’occupation a duré plusieurs jours et les combats ont fait de nombreux morts et blessés parmi les civils et les rebelles.

Janvier 2008 : le déclenchement des protestations ouvrières dans le bassin minier de Gafsa, qui ont duré six mois et constitué, selon les historiens, l’étincelle qui aboutira, trois ans plus tard, à la chute du régime en place.

Janvier 2011 : un soulèvement populaire contre le régime autoritaire de Zine El-Abidine Ben Ali a duré quatre semaines et abouti au départ du président en poste pendant 24 ans.

Le mois du pourrissement des crises et de leur solution

Le fait que les événements évoqués ci-dessous se soient tous déroulés au cours du mois de janvier ne fait certainement pas de ce mois un épouvantail, mais on sait, de mémoire de citoyen, que ce mois a souvent cristallisé les colères et coïncidé avec le pourrissement des crises et leur solution. Doit-on pour autant appréhender le mois de janvier 2022, d’autant que nous vivons, actuellement, en Tunisie, une crise multiforme, aussi bien politique qu’économique et sociale.

Même si l’intelligence collective des Tunisiens est en éveil et leur attachement à la paix civile n’a jamais été aussi fort qu’il l’est aujourd’hui, le risque est grand de voir notre pays connaître un nouveau mois de janvier chaud, dans la droite ligne de ce qui est presque devenu une tradition nationale, d’autant que les mesures exceptionnelles annoncées le 25 juillet dernier par le président de la république, qui ont donné beaucoup d’espoir aux Tunisiens, sont en train de dégénérer en une crise politique sans précédent que les déficits des finances publiques et les mouvements sociaux sont en train de pourrir, sur un fond de silence officiel de la part des plus hautes autorités de l’Etat.

Les espoirs déçus du 25 juillet 2021

La nuit du 25 juillet, nous avions rêvé de réformes politiques, économiques et sociales et de projets mobilisateurs de la volonté nationale, qui feront sortir notre pays de son marasme qui dure depuis 2011, en raison de la mauvaise gouvernance des gouvernements qui se sont succédé au cours des dix dernières années, mais rien de tout cela n’a été fait jusque-là et on se demande qui va faire ces réformes si ce n’est le président Kaïs Saïed, qui accapare depuis plus de quatre mois tous les pouvoirs, sans être en mesure de gérer les affaires du pays et de satisfaire ses besoins les plus urgents. Et pour cause : l’homme, qui n’a jamais vraiment fait de politique, s’est retrouvé propulsé sur les devants de la scène à la faveur d’un discours populiste agitant des haines, des peurs et des promesses sans lendemain. Il n’a ni vision, ni programme, ni méthode, ni feuille de route, tout en faisant face à une situation catastrophique marquée par des déficits à tous les niveaux.

Cette impuissance et cet immobilisme porteurs de graves menaces laissent présager une explosion sociale inévitable que seul le premier responsable du pays ne voit pas venir…

* MK Architecte.

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