Le principal défi à relever en matière d’exportations agricoles, agro-alimentaires et de la pêche est celui d’une meilleure valorisation des produits écoulés sur les marchés internationaux.
Par Maher Gordah
La promotion des exportations des produits agricoles fut l’un des principaux axes de développement agricole retenu par le XIe Plan de développement couvrant la période 2007-2011. Au-delà des recettes espérées en devises permettant de couvrir les dépenses croissantes d’importations de produits alimentaires, la promotion des exportations cible une meilleure contribution du secteur agricole et agro-alimentaire au développement économique du pays en générant davantage de valeur ajoutée et d’emplois, tout en mobilisant des ressources additionnelles et continues pour le financement des investissements.
Le défi de la libéralisation du commerce des produits agricoles
Pour les exportations tunisiennes, la libéralisation croissante des économies, négociée dans le cadre de multiples accords commerciaux internationaux et bilatéraux, est source de nouvelles opportunités via l’extension des marchés traditionnels, l’identification de nouvelles niches de marché et l’accès à de nouveaux marchés en forte croissance.
L’oasis de Fatnassa, dans le sud de la Tunisie (Ph. S. Marlet-Cirad).
Ainsi, le XIe Plan de développement souligne que la libéralisation du commerce des produits agricoles constitue le principal défi de la prochaine décennie du fait des retombées de cette libéralisation en termes de concurrence additionnelle pour l’ensemble des marchés.
Au-delà de cette concurrence accrue, le développement des exportations tunisiennes doit tenir compte d’une contrainte de plus en plus forte en matière d’accès aux ressources naturelles et de gestion de ces ressources (eau et terre en particulier). Cette contrainte est d’autant plus prégnante qu’après la crise des marchés internationaux de 2007/2008, la Tunisie a cherché à réexaminer son modèle de développement agricole avec le souci d’assurer une meilleure souveraineté alimentaire basée sur une valorisation plus appropriée de ses ressources naturelles.
Diversification des produits et exportation de produits transformés
Les exportations agricoles, agro-alimentaires et de la pêche tunisiennes restent concentrées sur les produits traditionnels que sont l’huile d’olive, les produits de la mer et les dattes. On assiste toutefois, à des efforts de diversification (pêche, pommes, poires, melons, etc.) et au développement des exportations de produits transformés.
Notons que, par ailleurs, ces exportations sont fortement dépendantes des marchés de l’Union européenne (notamment Italie, France et Espagne). Malgré le fait que la Tunisie bénéficie d’un accès privilégié au marché européen, il n’en demeure pas moins qu’elle peine à remplir ses quotas préférentiels d’exportation à la fois pour des raisons d’offre de produits agricole irrégulière, des exigence de qualité ou encore la complexité des produits de gestion des quotas.
Pour promouvoir ses exportations de produits agricoles et agro-alimentaires, la Tunisie doit d’ores et déjà tenir comte de contraintes internes et externes de plus en plus forte. En effet, c’est le cas en particulier de la pression accrue sur les ressources naturelles, sachant que la terre disponible est rare et que le développement des cultures d’exportation s’appuie notamment sur l’irrigation et donc sur une consommation accrue de l’eau, autre ressource rare. Or la pression sur ces ressources risque de s’aggraver avec les effets déjà perceptibles du changement climatique. Par conséquent, la Tunisie devra de plus en plus arbitrer entre l’objectif d’augmentation des recettes d’exportation, l’objectif d’amélioration de la sécurité alimentaire et enfin l’objectif de préservation inter-temporelle des ressources naturelles.
L’autre élément fondamental auquel devra faire face l’agriculture tunisienne et en particulier ses productions destinées à l’exportation est le coût de l’énergie. Il s’agit en effet d’une contrainte forte, qui est susceptible de devenir aussi un atout pour les exportations tunisiennes en développant une agriculture moins consommatrice en intrants.
Culture oasienne au sud de la Tunisie.
Une meilleure valorisation des produits
A partir de ce diagnostic, le principal défi que doivent relever les opérateurs et le pays en matière d’exportations agricoles, agro-alimentaires et de la pêche et celui d’une meilleure valorisation des produits écoulés sur les marchés internationaux. Il s’agit en particulier d’atténuer les problèmes suivants:
- l’irrégularité et la faiblesse de l’offre agricole;
- le manque de maîtrise de la qualité de la production à l’exportation et les difficultés à se conformer à des normes multiples, en constante évolution et variables suivant les destinations;
- le manque de compétitivité des produits agricoles et de pêche exportés;
- la faible valorisation des avantages préférentiels sur les marchés traditionnels;
- le faible niveau de diversification des marchés et des produits exportés.
Selon les experts de l’Agence française de développement (Afd), la méthode la plus efficace pour pallier à ces problèmes a consisté à dérouler chacun d’eux pour aboutir à des défaillances de marché ou de gouvernement. Pour chaque type de défaillance, des objectifs généraux puis des objectifs spécifiques ont été formulés. Au total, 11 objectifs généraux ont été identifiés à savoir:
- renforcer et réorienter la recherche agronomique, par la mise au point des paquets technologiques adaptés et mieux diffuser les résultats de la recherche;
- améliorer l’efficacité de l’intervention de l’Etat;
- améliorer le contrôle et la réglementation de l’Etat;
- mieux négocier et mieux valoriser les accords commerciaux;
- améliorer l’appui conseil aux producteurs;
- relever le niveau de formation des agriculteurs et des exportateurs;
- améliorer la prise en compte de la qualité tout au long de la filière;
- développer des instruments de crédits adaptés;
- répondre à l’incomplétude du marché des assurances;
- améliorer l’information sur les marchés d’exportation et les circuits de distribution;
- enfin, renforcer l’organisation des producteurs et des filières.
Impulser et réguler la production agricole.
Pour conclure, il est indispensable pour la Tunisie de veiller à la cohérence des différentes mesures mises en œuvre et d’en améliorer l’efficacité, ce qui suppose notamment de responsabiliser les différents acteurs qui bénéficient des soutiens de l’Etat.
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