La relation entre l’innovation et la croissance économique est évidente. Mais l’expérience tunisienne en matière de valorisation des connaissances scientifiques reste encore à l’état embryonnaire.

Par Maher Gordah


 

 

Pour tous les économistes, la croissance est positivement impactée par les innovations génériques ayant des effets cumulatifs élevés. Ces dernières comme l’électricité, l’électronique et, de manière plus générale, les nouvelles technologies de l’information et des télécommunications (Ntic) ont des effets externes très importants.

De l’importance de la R&D dans la création de valeurs

Les innovations verticales, rendant obsolètes les anciennes dans un processus de destruction créatrice à la Schumpeter, seraient la source principale du savoir cumulatif, contrairement aux innovations horizontales qui ne font qu’ajouter de nouveaux produits aux produits déjà existants dans le cadre d’une économie de la différenciation.

Par conséquent, les pouvoirs publics doivent favoriser, par diverses mesures incitatives, les innovations génériques et verticales afin d’alimenter un savoir cumulatif qui va accélérer le progrès technique. Ce dernier va augmenter la productivité marginale du capital et ainsi favoriser le processus d’accumulation du capital.

Une politique d’incitation à la Recherche et Développement (R&D) accroît donc le stock de capital humain en contribuant à améliorer les connaissances et, par conséquent, l’éducation. Ainsi, il semble évident pour l’autorité publique, soucieuse de relever les défis économiques du 21e siècle, de favoriser les innovations qui déplacent la frontière technique ou contribuent directement à l’accroissement du capital humain.

L’innovation technologique en Tunisie

L’observation des transformations des pratiques sociales, politiques et économiques opérées ces dernières années a poussé l’Etat tunisien à remettre en question ses appareils institutionnels et ses structures organisationnelles et financières en place.

L’objectif de l’intervention étatique s’est traduit par le renforcement des interactions avec le monde de la recherche et celui de l’industrie afin de promouvoir l’innovation et contribuer à la consolidation d’un système national d’innovation, qui est un ingrédient indispensable du développement économique de la nation.

Une étude d’Uzunidis (2003) montre que le rôle de l’Etat dans la formation et l’organisation d’une offre scientifique et technique à des fins privées d’innovation est indispensable.

Dans ce contexte, l’Etat tunisien s’est lancé depuis une vingtaine d’années dans la restructuration du système national de recherche scientifique et la contribution à la formation des compétences.

En termes de recherche, la politique tunisienne s’est orientée aussi bien vers la recherche publique que vers la recherche privée, même si cette dernière reste encore de nos jours à l’état embryonnaire.

La recherche publique est développée dans les établissements supérieurs d’enseignement et de recherche et dans les départements de R&D au sein de  certaines entreprises publiques.

Obstacles informationnels entre recherche et industrie

Les relations de coopération entre les établissements universitaires et les entreprises tunisiennes restent encore très limitées. En effet, selon Tlili (2009),  «le partenariat université-entreprise demeure le défaut majeur du système d’innovation tunisien. L’existence de plusieurs goulots d’étranglement empêche souvent les démarches de concrétisation de projets réels de coopération en matière de recherche et d’innovation».

Ainsi, la principale forme de collaboration des industriels avec l’université se limite uniquement à la réalisation de projets de fin d’études proposés par  l’entreprise. Les industriels ne valorisent pas d’une part les projets réalisés par les universitaires et donc, ne sont pas prêts à les payer à leur vraie valeur (pour les exploiter). D’autre part, le projet comporte, en plus du savoir scientifique, un savoir-faire technologique innovateur souvent coûteux et dont la rentabilité n’est pas immédiate. Ce qui ne correspond pas nécessairement aux exigences des entreprises ou que celles-ci ne peuvent maîtriser aisément.

Malgré la contribution de l’industrie au Pib, les caractéristiques actuelles de l’industrie tunisienne à savoir sa forte concentration dans les activités à forte intensité en main d’œuvre et le faible effort de R&D d’une part, et l’augmentation de la concurrence étrangère, d’autre part, appellent à l’adoption d’une nouvelle politique industrielle orientée vers les secteurs à forte valeur ajoutée et fondée sur la recherche et l’innovation.

Par ailleurs, l’étude de Haddad (2010) montre que l’expérience tunisienne en matière de valorisation des connaissances scientifiques, issues des institutions publiques de recherche, en innovations technologiques, au sein des technopoles reste encore à l’état embryonnaire.

Les obstacles financiers à la recherche

Les chercheurs estiment que l’évaluation des dossiers de candidatures au niveau du ministère de l’Industrie à la création d’entreprises n’est pas fiable du fait qu’elle est assurée par des universitaires qui ne sont pas proches du monde industriel.

En outre, le système bancaire demeure réticent à prendre des risques en finançant des projets innovants pour diverses raisons à savoir:

- une absence de garanties personnelles;

- une insuffisance de fonds propres;

- un défaut de capacités d’expertises;

- un positionnement stratégique des banques, en particulier dans des activités de détails, à rentabilité immédiate.

Ainsi, l’absence de réel réseau de financement des projets de recherche innovants, plus précisément d’un marché financier de capital risque, constitue un handicap majeur à court et moyen terme.