Grâce au développement des énergies renouvelables dans le désert tunisien, préconisé par le projet Initiative industrielle Desertec (Dii), la Tunisie deviendrait un carrefour de l’énergie en Méditerranée.

Par Myriam Amri


Malgré la traversée du désert de la crise économique de 2008, le marché mondial des énergies renouvelables fait son chemin dans les esprits occidentaux et se positionne comme une alternative au problème des ressources fossiles. Néanmoins, cette sphère peine à traverser la Méditerranée et à se faire une place au cœur du désert de Tunisie.

Maximiser le potentiel de soleil au sud de la Méditerranée

C’est dans cette optique que s’est tenu, mercredi, au Novotel, à Tunis, une conférence de presse de Dii (Initiative industrielle Desertec). Ce groupe correspond à la branche industrielle de la fondation Desertec, qui œuvre pour le développement des énergies renouvelables (éoliennes, panneaux solaires) dans les déserts.


Tracé du projet Desertec Eumena.

Le groupe Dii cherche à promouvoir un projet pour le moins ambitieux à l’horizon 2050. Il s’agit de développer un réseau électrique intégré entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Le but étant de maximiser le potentiel qu’offre les climats du sud de la Méditerranée pour développer un complexe d’éoliennes et de panneaux solaires qui permettra à la fois une autosuffisance des pays de la région mais aussi la possibilité d’exporter le surplus d’énergie vers l’Europe.

Paul van Son, Pdg de Dii, a déclaré à propos de ce projet: «Les pays d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Europe sont confrontés à un enjeu de taille : assurer aux générations futures l’accès à une énergie propre et durable. La complémentarité de leurs ressources renouvelables et de leur demande saisonnière en énergie en font des partenaires idéaux. Il est primordial de coopérer, au niveau interrégional mais également au sein même de ces trois régions pour avancer vers un système durable qui bénéficiera à tous.»

A l’heure actuelle le groupe Dii s’apprête à conclure la première phase de son plan, le «Désert power 2050» qui a consisté en une étude détaillé sur les différents scénarios du projet et que la compagnie va publier la semaine prochaine.

La Tunisie carrefour énergétique de l’Eumena

En ce qui concerne la Tunisie, Dii a d’abord mis en avant les avantages de l’utilisation des ressources renouvelables pour répondre à une demande d’électricité en augmentation.


Paul Van Son défend son grand projet visionnaire.

D’après Dii, la Tunisie, qui est particulièrement riche en ressources éoliennes et solaires, pourrait multiplier ses capacités de production d’électricité par quatre d’ici 2050. Ce qui lui permettrait de diversifier son mix énergétique et de réduire sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles.

Le développement des énergies renouvelables stimulera la croissance tunisienne et conduira à la création de nouveaux secteurs d’activités et de métiers porteurs d’avenir. Les Tunisiens auront accès à une énergie propre et durable, mais également à de nouvelles perspectives d’emplois. Plus qu’un carrefour de l’énergie, la Tunisie deviendrait un carrefour de connaissances et de savoir-faire dans le domaine des énergies renouvelables.

Cependant, et tout en prévenant que les exportations tunisiennes seraient modérées comparés aux potentialités de ses voisins, les représentants du projet ont aussi présenté l’intégration du pays à ce système d’Eumena (l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord) comme un atout majeur pour consolider «le rôle de carrefour énergétique de la Tunisie, grâce notamment à son interconnexion avec l’Italie.

Steg et Leoni partenaires du projet

Le projet, sous l’égide de la Dii, réunit une cinquantaine de partenaires et d’actionnaires majoritairement issus d’Europe. A titre d’exemple, l’entreprise allemande Leoni, 1ère entreprise étrangère en Tunisie, l’un des plus grands employeurs du pays, a annoncé qu’elle rejoignait aujourd’hui le projet en tant que partenaire associé.

En complément de la stratégie à long terme «Desert Power 2050», Dii développe des études spécifiques à chaque pays. L’étude tunisienne a été réalisée en collaboration avec Steg Énergies Renouvelables. Elle porte sur un projet de référence d’un volume total de 1.000 MW, qui inclura les technologies de production éolienne, photovoltaïque et solaire thermique. L’étude évalue les possibilités de financement, les conditions techniques et réglementaires nécessaires pour subvenir à la demande locale en électricité et pour en acheminer une part substantielle vers des centres de consommation situés au-delà des frontières tunisiennes.

Au-delà de l’avantage économique du projet qui permettra de créer des emplois et de développer un savoir-faire précieux dans le domaine des énergies renouvelables, il est assez intéressant de remarquer que le projet Dii et la fondation Desertec s’inscrivent aussi dans une perspective sociétale, sociale voir même politique. Sociétale et sociale d’abord parce qu’ils développent en parallèle des programmes d’éducation et de formation sur ces domaines. Politique aussi, parce que le projet cherche à intégrer l’Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient (d’où l’idée d’Eumena) dans un système d’échanges économiques et notamment d’échanges d’une denrée capitale du XXIe siècle, l’électricité.

D’où peut-être aussi les limites du projet. A vouloir voir trop grand, la Dii semble oublier que les différences entre le Nord et le Sud de la Méditerranée et entre les pays eux-mêmes rendent difficiles une intégration équitable de chaque membre à ce système ambitieux.

Le projet voit aussi les échanges entre les pays producteurs d’électricité et les pays exportateurs d’électricité prendre la forme d’un marché des énergies, or chacun sait la difficulté à mettre en place ce type de marché (qui fixera les prix? qui mettra en place les règles d’échange?).

Enfin, la question du financement du projet reste floue car l’on ne sait pas encore si l’on parle d’instances privées ou publiques, locales ou régionales. Qui sera en mesure de prendre en charge les couts exorbitants du développement de l’énergie renouvelable?