La problématique de la gestion durable des ressources naturelles, notamment dans l’agriculture, se pose depuis longtemps en Tunisie. Des études ont identifié des mesures susceptibles de répondre efficacement à cette problématique.
Par Maher Gordah
La politique agricole tunisienne a fait de la mobilisation et de l’amélioration du niveau d’utilisation des ressources naturelles une constante des différents plans et stratégies de développement depuis l’indépendance.
Ces politiques qui ont permis à l’agriculture tunisienne de réaliser un taux de croissance assez respectable sur la longue période se heurtent depuis une dizaine d’années à des limites d’ordres à la fois naturel et institutionnel suite au désengagement de l’Etat et à la difficile émergence des organisations professionnelles.
Les analyses de la situation actuelle pour chaque ressource (eau, sol, couvert végétal, ressources halieutiques et biodiversité) ont mis en évidence des résultats des stratégies de mobilisation et d’autre part la convergence des problématiques qui se résument dans une mobilisation et une utilisation excessives des ressources, une faible efficacité des différents usages avec des pratiques inadéquates souvent aggravées par l’inadaptation du cadre institutionnel.
Répondre aux problèmes de surexploitation des ressources
L’analyse a mis aussi en évidence l’existence de facteurs structurels qui caractérisent l’économie nationale et locale et qui concourent à l’exacerbation de la pression sur les ressources naturelles.
La mise en perspective régionale et prospective prenant en compte à la fois l’évolution du contexte national et l’environnement international (changement climatique et ouverture des marchés) montre l’urgence de la mise en place d’une stratégie globale qui doit apporter des réponses aux problèmes de surexploitation et de la dégradation tout en assurant une valorisation optimale des ressources et un arbitrage concerté entre les usages dans une perspective de développement local durable.
Comment développer les surfaces irriguées pour la céréaculture.
Ainsi, les problèmes identifiés comme étant assez urgentes à traiter par la politique agricole sont les suivants:
- une exploitation excessive des ressources naturelles conduisant à leur dégradation;
- un cadre institutionnel inapproprié à une gestion durable des ressources naturelles;
- une utilisation peu efficiente des ressources naturelles;
- l’existence de facteurs structurels exacerbant la pression sur les ressources;
- la concurrence entre les secteurs dans l’usage des ressources.
Les objectifs spécifiques pour la politique agricole
L’analyse des problèmes décrits ci-dessus a permis d’identifier deux grands types d’objectifs spécifiques pour la politique agricole tunisienne en matière de gestion durable des ressources naturelles. Il s’agit de :
- corriger l’ensemble des mesures d’intervention publique inadaptées vis-à-vis des ressources naturelles. Parmi les principales raisons pour lesquelles l’intervention publique est inadaptée, on mentionnera i) le manque de vision intégrée de l’aménagement du territoire, ii) le traitement trop cloisonné de chaque ressource naturelle, iii) le manque de cohérence globale des stratégies de développement, iv) un cadre juridique et institutionnel inadapté, v) la faible opérationnalité du cadre d’arbitrage intersectoriel dans l’utilisation des ressources naturelles (notamment les arbitrages entre agriculture, industrie et tourisme;
Ouvrière dans un champ de blé en Tunisie.
- renforcer le système d’incitations de manière à orienter le comportement des acteurs individuels dans le sens d’une gestion durable des ressources compatibles avec les objectifs de production vivrière et de promotion des exportations; le besoin de mettre en place ou de renforcer un cadre d’incitations découle de l’existence de défaillances de marché (incomplétude, existence d’externalités positives ou négatives, de biens publics ou de biens communs, etc.), ainsi que de l’existence de facteurs structurels qui rendent difficile un usage durable des ressources naturelles. La reformulation des incitations interpelle également le système de R&D, l’appareil d’encadrement des usagers, ainsi que les actions de sensibilisation des problèmes de durabilité des ressources naturelles.
Mesures pour une gestion durable
Diverses études ont identifié des mesures susceptibles de répondre efficacement aux problèmes liés à une gestion durable des ressources naturelles. De ces études, découle trois grandes catégories de mesures, à savoir:
- la réglementation, incluant l’établissement et le contrôle des règles, normes et labels, mais aussi la mise en place d’un cadre réglementaire et juridique contraignant pour en assurer l’application sur le terrain par les différents acteurs;
- les transferts publics, incluant les taxes et subventions, les instruments de sensibilisation, notamment ceux concernant les prix, ainsi que les transferts directs au revenu;
- la fourniture de biens et services, incluant leur financement et/ou leur production, ainsi que les activités de médiation.