Depuis plus d’un an, les citoyens tunisiens s’inquiètent de leur pouvoir d’achat, constatant une flambée des prix, et par conséquent des difficultés croissantes à subvenir à leurs besoins au quotidien.

Par Nadhem Garbouj


 

En effet, depuis l’été 2011, le pays connaît une inflation galopante. Ceci a un impact certain sur le budget des ménages tunisiens, notamment sur la part allouée à l’alimentation qui représente environ 32,7% de leurs dépenses[1].

Indice des prix à la consommation

L’inflation se mesure par l’indice des prix à la consommation familiale (Ipc) qui permet d’estimer la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages.

Ainsi, l’Ipc tunisien a augmenté de 6,8% entre juin 2011 et juin 2012[2]. S’agissant d’un indice global appliqué à l’échelle nationale et calculé sur la base d’un panier de produits alimentaires et non alimentaires, l’Ipc ne reflète que partiellement l’inflation ressentie par le Tunisien au quotidien quand il fait ses courses en nourriture.

En effet, si l’on considère  que l’IPC alimentaire a augmenté de 9,4% entre juin 2011 et juin 2012[3], on peut affirmer que l’inflation ressentie par le Tunisien au quotidien est nettement supérieure à celle indiquée par l’indice global.

Les causes de la flambée des prix

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse des prix des produits alimentaires. Il y a d’une part  l’augmentation de la demande due à la spéculation sur les marchés de gros et à la contrebande vers la Libye.

Le coût approximatif d'un repas de ramadan est estimé à environ 12 dinars.

On peut également citer la hausse des coûts de production, notamment suite aux hausses salariales. Pour citer un exemple, l’indice des prix de vente pour l’industrie agro-alimentaire a progressé de 8,1% entre mai 2011 et mai 2012[4].

D’autre part, la politique monétaire expansionniste, instaurée par la Banque centrale de Tunisie (Bct) depuis février 2012, a induit un excès de masse monétaire, d’où une hausse mécanique des prix.

Enfin, la dévaluation du dinar face à l’euro et au dollar a fortement impacté les prix des produits importés.

Action du gouvernement face à la hausse des prix.

Des mesures ont été prises par le gouvernement pour juguler cette inflation, dont l’ajustement de la liste des produits subventionnés et la fixation du prix de certains produits alimentaires. Ces mesures ont eu pour impact  l’augmentation du budget de la caisse de compensation de 57%[5] par rapport à 2010 et, par conséquent, le creusement du déficit budgétaire à -3,9% en 2011[6].

Une série d’autres mesures urgentes a également été annoncée à partir de février 2012[7], notamment le durcissement des contrôles des prix en amont et dans les points de vente, le renforcement des contrôles frontaliers, la régulation du marché par l’importation de certains produits et  la constitution de stocks de régulation pour le mois de Ramadan.

On observe, depuis le mois de mars dernier, les premiers effets de ces mesures sur les prix, dont la tendance est à la baisse. Mais l’impact de ces mesures reste limité, dans la mesure où elles ne touchent pas certains produits très demandés comme les viandes rouges.

L’assiette du tunisien

Pour juger de l’efficacité de ces mesures et en ce début de mois de ramadan, nous avons tenté d’estimer le coût d’un repas ramadanesque type pour un ménage de 5 personnes. Ce repas est constitué des plats suivants: brik, chorba, salade méchouia, pâtes et  pastèque, le tableau suivant liste les produits utilisés[8]:

Le coût approximatif de ce repas s’élève, donc, à environ 12 dinars (DT), sans compter les condiments, l’huile et le coût en énergie de la cuisson, soit un coût mensuel de 360 DT.

Les inquiétudes des Tunisiens concernant leur pouvoir d’achat sont légitimes.

Bien que ce repas ne soit pas particulièrement dispendieux, il n’est pas à la portée de n’importe quel citoyen, si l’on sait que le Smig mensuel (récemment augmenté) s’élève aujourd’hui à 320 DT.

Cela montre que malgré les efforts fournis par le gouvernement pour faire baisser et contrôler les prix, même s’ils sont indispensables, sont encore insuffisants pour répondre aux inquiétudes des Tunisiens concernant leur pouvoir d’achat.

Notes:

[1] Pondération de référence pour le calcul de l’indice des prix à la consommation familiale.

[2] Calculé sur la base des données de l’Institut national de la statistique (Ins), juin 2012.

[3] Calculé sur la base des données de l’Ins, juin 2012.

[4] Calculé sur la base des données de l’Ins, mai 2012.

[5] Calculé à partir des chiffres du ministère du Commerce, 2012.

[6] Banque africaine de développement, «Inflation en Tunisie : entre perception et réalité dans un contexte de transition», avril 2012.

[7] D’après les déclarations de Béchir Zaafouri, ministre délégué du Commerce, lors de la conférence de presse du 22/02/2012 et sur la matinale d’Express Fm, le 10/05/2012.

[8] Moyenne des prix constatés entre le 3 et le 7 juillet dans plusieurs points de vente (marchés et grandes surfaces) dans les gouvernorats de Bizerte, Ariana, Tunis, Nabeul, Sousse, Monastir et Tozeur.

Source : Cahiers de la Liberté.

* L’association Cahiers de la Liberté réunit un groupe non partisan de jeunes tunisiens désireux de participer à l’éveil démocratique de la Tunisie de l’après 14 janvier 2011. A travers des publications et des débats ouverts, l’association se veut un observateur critique de la nouvelle scène politique tunisienne, un laboratoire d’idées engagées et une force de proposition citoyenne.