La marge de manœuvre du gouvernement pour l’élaboration du budget de l’Etat 2013 reste très limitée. Et des arbitrages fermes doivent être faits. Mais en aura-t-il le courage?

Par Maya L.


Mardi, s’est déroulée à l’hôtel le Belvédère, à Tunis, une table-ronde consacrée au budget de l’Etat 2013, organisée par l’Association des économistes tunisiens (Asectu), en partenariat avec la fondation allemande Hanns Seidel.

Cette table ronde a été animée par trois hauts responsables du ministère des Finances, à savoir la présidente de la Commission générale du Budget (Faouzia Saied), le directeur général des Ressources et des Equilibres (Abdelmalek Saadaoui) et enfin par le Pdg de la Caisse de Dépôts et de Consignations (Jamal Bel Hadj).

Manque de coordination entre les départements ministériels

Les économistes et les divers analystes présents ont indiqué qu’il persiste encore un flou total et un manque de transparence en matière de recettes et de dépenses de l'Etat.

Autre anomalie signalée: les préparatifs du budget de l’Etat 2013 auraient dû être entamés depuis juin sur la base d’estimations et de prévisions concernant les besoins en ressources financières des divers départements ministériels. Force est de constater que cela n’a pas été encore fait, pour des raisons qui demeurent encore obscures. Selon Abdelmalek Saâdaoui, ce retard est en partie imputé à l’absence de coordination entre le ministère des Finances et celui du Développement régional et de la planification.

Pour faire à cette contrainte, M. Saâdaoui a préconisé une meilleure coopération entre les deux départements, «car la loi de finances doit être cohérente avec le budget économique», a-t-il dit. Et de suggérer, à cet effet, le regroupement des trois départements (Finances, Développement régional, Planification et Investissement et Coopération internationale) sous une même tutelle, afin de faciliter leurs tâches et d’aboutir à des projets de budgets cohérents et fiables.

Le poids insupportable de la subvention des produits de base

Concernant les dépenses de l’Etat, notamment celles liées aux subventions de certains produits de base, Faouzia Saied a révélé que cette l’enveloppe e ces subventions ne cesse de peser sur le budget de l’Etat, la raison étant entre autres purement électoraliste, approuvée et appuyée par la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir.

Cette enveloppe concerne essentiellement, a-t-elle précisé, des subventions des produits de base (en particulier les céréales et les huiles végétales), subventionnées à hauteur de 1.200 millions de dinars, et les hydrocarbures aux alentours de 3.500 millions de dinars. Pour alléger la pression sur les caisses de l’Etat, la solution serait, selon elle, de remplacer la compensation, qui profite à l’ensemble de la population (y compris la classe aisée) ainsi qu’aux étrangers résidents en Tunisie, par un programme d’accompagnement et de soutien destiné, uniquement, aux familles à faible et à moyen revenus. «Ceci nécessitera, estime-t-elle, l’établissement d’une base de données fiable pour assurer un meilleur ciblage des bénéficiaires» et, par conséquent, une meilleure allocation des ressources à la population la plus vulnérable.

Jamel Belhaj

Le déficit courant atteindra 10% à la fin 2012

Les divers intervenants au débat ont évoqué également le problème du surendettement chronique dont souffre la Tunisie. En effet, en 2011, la dette du pays avoisinait les 28,8 milliards de dinars, soit un taux d’endettement de 44,5% du Pib, a rappelé Jamel Belhaj. «Le but recherché par le gouvernement étant de couvrir, graduellement, la dette extérieure par la dette intérieure», a-t-il indiqué, notant toutefois qu’«il est extrêmement difficile voire impossible, à l’heure actuelle, de mobiliser des ressources internes, d’autant plus que le déficit courant de la balance des paiements ne cesse d’augmenter, il avoisinera les 10% d’ici la fin 2012 selon les prévisions, à cause de l’augmentation de la demande sur les produits importés».

Autant dire que la marge de manœuvre du gouvernement pour élaborer le budget de l’Etat de l’exercice 2013 reste très limitée. Et que des arbitrages fermes et courageux doivent être fait. Mais la «troïka», qui pense déjà à la prochaine élection, aura-t-elle le courage de prendre des mesures impopulaires ? Ou va-t-elle continuer à sacrifier les grands équilibres macroéconomiques du pays sur l’autel de ses ambitions électorales? La réponse est déjà dans la question.