Pour un certains nombre de macro-économistes et analystes des politiques monétaires, l’éviction de l’ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct), sera assez lourde de conséquences. Explications…

Par Maya L.


En effet, Mustapha Kamel Nabli était entré en fonction depuis le 17 janvier 2011 afin de rassurer les investisseurs sur l’indépendance de la Bct, sur les capacités de la Tunisie à honorer ses dettes et surtout pour redresser l’économie tunisienne.

La vision de la politique monétaire du gouverneur Nabli consistait à rétablir les équilibres financiers, lutter tant bien que mal contre un taux d’inflation galopant, crédibiliser l’institution par des réformes de modernisation et veiller à son indépendance contre toute forme d’ingérence gouvernementale hasardeuse.

Alors quelles seraient les conséquences économiques d’une telle révocation?

Les dangers de la politique monétaire expansionniste

Pour les pouvoirs publics, la politique macro-monétaire de la Bct n’était pas assez volontariste voire expansionniste pour remédier aux maux économiques dont souffre la Tunisie.

Les représentants de la «troïka», la coalition tripartite au pouvoir qui a exigé et obtenu le limogeage de M. Nabli, bien loin de comprendre le danger d’une politique monétaire expansionniste (politique du seigneuriage ou de la planche à billets), continuent à croire aux vieilles panacées qui ont souvent échoué par le passé, à savoir la relance de l’économie par une politique monétaire expansionniste de type keynesienne.

En effet, cette politique consisterait pour la Banque centrale à abaisser son taux directeur, ce qui se traduirait mécaniquement par une augmentation de la dépense globale, et permettrait in fine de relancer l’activité productive, la création d’emplois et en dernier lieu une augmentation des recettes fiscales pour l’Etat. Pour être plus clair, c’est le cercle vertueux de la relance keynesienne qui conduit à la croissance économique en période de grave récession.

Signalons, par ailleurs, que le gouvernement Jebali a exprimé, dans le cadre de son programme d’action, l’intention d’adopter une politique monétaire de type expansionniste courant 2012. Le document de ce programme révèle dans son chapitre sur «le système monétaire et financier, vecteur essentiel du financement de l’économie nationale», que le gouvernement a l’intention de maintenir «les taux d’intérêt à des niveaux bas». L’objectif étant de faciliter les conditions d’emprunt au profit des ménages et des entreprises. La réduction du taux d’intérêt constitue l’un des outils adoptés pour l’incitation à l’investissement dans la mesure où il permet de comprimer les coûts de financement et d’encourager la création de projets.

Une politique économique destructrice de croissance

Cependant, la science économique nous enseigne aussi, n’en déplaise aux démagogues et autres illuminés qui nous gouvernent ou conseillent nos chers gouvernants, que la politique monétaire expansionniste, qui n’est presque ou quasiment plus appliquée dans aucun pays au monde, ne mène à long terme qu’à un seul et unique résultat, à savoir l’explosion du niveau général des prix, autrement dit une inflation très élevée qui annulera ex post tous les bienfaits hypothétiques d’une tel instrument.

Par ailleurs, une politique monétaire de relance, comme l’a très bien décrite John Maynard Keynes en son temps, n’a de sens ou ne peut fonctionner que si on se trouve dans une économie fermée, à savoir une économie sans relations avec le reste du monde. Ce qui n’est pas notre cas. A moins que la coalition tripartite au pouvoir ait zappé cette hypothèse en convulsant, si c’est le cas, le livre du professeur Keynes.

M. Nabli, en économiste pragmatique et conscient de ce type de danger, a tant bien que mal cherché à nous faire éviter le recours à ce genre de politique économique destructrice de croissance. Malheureusement, nul n’est prophète en son pays, c’est-à-dire mes chers compatriotes que les talents d’une personne compétente ne sont jamais assez reconnus par les siens.