Qu’est-ce qui motive les Tunisiens résidents à l’étranger à créer des entreprises dans leur pays natal et qu’attendent-ils généralement pour passer des intentions à la réalisation. Un début d’enquête…
Par Ala Ben Abbes (Cahiers de la Liberté)*
Ils sont 1.155.634 personnes à constituer la population tunisienne à l’étranger selon les statistiques du mois de mars 2012 de l’Office des Tunisiens à l’étranger (Ote). 83% d’entre elles sont installées en Europe, 14% dans le monde arabe et 3% entre l’Afrique subsaharienne, l’Asie, l’Amérique et l’Australie.
Fortement représentée dans la nouvelle vie politique tunisienne, notamment à travers 18 élus de l’Assemblée nationale constituante (Anc), la diaspora tunisienne est également un acteur important de la vie économique en Tunisie.
Toujours selon l’Office des Tunisiens à l’étranger, les Tunisiens à l’étranger constituaient en 2008 la quatrième source de devise, 5% du Pib et 23% de l’épargne nationale.
Or, l’augmentation régulière (de l’ordre de 8% par an) des transferts monétaires de la diaspora vers la Tunisie s’est accompagnée d’une baisse de l’apport en investissement et une stagnation du nombre de projets créés.
L’absence d’éléments chiffrés et objectifs sur cette situation ont incité Mehdi Frikha(1) à initier une enquête en ligne pour étudier de plus près le phénomène. 329 participants ont répondu à une enquête leur demandant de décrire leur motivation pour créer une entreprise en Tunisie, ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent.
Mehdi espère que les associations et les experts prendront le relais et approfondiront le sujet.
Les expatriés tunisiens préfèrent passer leurs vacances au pays.
Les points motivants pour l’entrepreneuriat en Tunisie les plus citées sont : la contribution au développement de la société et/ou la science, la réalisation de soi, le désir d’être indépendant et l’opportunité de rentrer en Tunisie. Les secteurs d’activités favoris sont l’ingénierie – l’informatique en particulier – et le conseil.
Les principales causes du rejet de l’idée d’entreprendre en Tunisie sont d’abord liées la situation économique et politique ainsi qu’à la mentalité professionnelle en Tunisie.
Viennent ensuite des paramètres personnels comme le risque financier et le confort de vie à l’étranger. Pour changer d’avis, les réfractaires attendent une stabilisation économique en Tunisie et l’amélioration de leurs projets ou idées.
«Aucun entrepreneur sondé ne souhaite s’installer dans les régions intérieures du pays. Si le déséquilibre entre les régions a été une des étincelles de la révolution en Tunisie, la diaspora tunisienne ne semble pas apporter sa contribution pour la résolution de ce problème. En effet, la répartition des régions d’installation des projets, présente un désintérêt presque total pour les régions de l’intérieur du pays», nous explique M. Frikha.
18 mois après, la diaspora, véritable relais à l’étranger de la révolution tunisienne ne semble pas encore en mesure d’«envahir» l’espace économique.
Le gouvernement de Jebali a entamé depuis, en concertation avec 300 associations tunisiennes actives à l’étranger, une réflexion autour de la création d’un «Conseil supérieur de l’immigration» quand Houcine Jaziri, secrétaire d’État chargé de l’Immigration et des Tunisiens à l’étranger, annonce des mesures facilitant le retour définitif des tunisiens à l’étranger.
La question de l’efficacité de ces mesures reste, quant à elle, entière.
Pour aller plus loin :
Un Tunisien résident en France brandit ièrement le drapeau ftunisien.
Les résultats détaillés de l’enquête est disponible en téléchargement libre sur le site web Cahiers de la Liberté http://cahiersdelaliberte.org
Note :
1- Mehdi Frikha est actuellement consultant dans la région du Maghreb auprès d’un des leaders mondiaux du conseil de Direction Générale. Il a créé une entreprise franco-tunisienne en e-learning et a été confronté aux difficultés qu’un entrepreneur rencontre sur le terrain en Tunisie. Il est également actif dans les associations de la diaspora tunisienne et des groupements d’entrepreneurs. Il est diplômé de l’Ecole Polytechnique et de l’Institut français du pétrole (Ifp).
Source : Cahiers de la Liberté.
* L’association Cahiers de la Liberté réunit un groupe non partisan de jeunes tunisiens désireux de participer à l’éveil démocratique de la Tunisie de l’après 14 janvier 2011. A travers des publications et des débats ouverts, l’association se veut un observateur critique de la nouvelle scène politique tunisienne, un laboratoire d’idées engagées et une force de proposition citoyenne.