Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale, les pays de la région Mena sont moyennement restrictifs en matière de réglementation des investissements étrangers, à l’exception de la Tunisie, qui impose le moins de limites à la propriété étrangère des entreprises dans presque tous les secteurs.
Ce rapport intitulé ‘‘Investing Across Borders 2010’’, publié le 7 juillet à Vienne, offre, pour la première fois, des données objectives sur les lois qui réglementent les investissements étrangers et les compare à travers 87 pays.
Ses auteurs* estiment que la Tunisie dispose d’un cadre réglementaire et institutionnel offrant des opportunités réelles aux investisseurs étrangers et permettant à ces derniers d’investir et de s’implanter avec le minimum de restrictions.
Selon le rapport, des lois et règlements transparents et efficaces sont essentiels pour assurer les meilleurs résultats pour les pays qui reçoivent les investissements, leur population, ainsi que les investisseurs. Qu’il s’agisse d’investissement dans les différents secteurs (mines et énergie, services financiers, télécommunications...), de lancement de projets promus par des opérateurs étrangers, d’acquisition de terrains dans des zones industrielles ou d’arbitrage des différends commerciaux, la Tunisie offre un cadre incitatif avec des procédures de plus en plus simples et des possibilités réelles d’investir dans des secteurs d’activités diversifiés.
Les lecteurs, qui voudraient en savoir plus, pourraient lire le rapport dans sa version intégrale (en anglais) sur le site de la Banque mondiale. Kapitalis présente, ci-dessous, une traduction de l’essentiel de l’information concernant la Tunisie contenue dans ce rapport.
L’investissement étranger dans les différents secteurs
Parmi les 5 pays couverts par l’étude, la Tunisie impose le moins de limitation à la propriété étrangère. Le pays a ouvert la plupart des secteurs de son économie à la participation de capitaux étrangers. Avec une notable exception, le transport et la distribution de l’électricité qui restent fermés à la propriété étrangère. Ces industries sont en effet le monopole d’une entreprise publique, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), seul fournisseur d’électricité dans le pays.
Bien que la participation de capitaux étrangers ne soit pas limitée par la loi, notamment en ce qui concerne la production d’électricité, le monopole public de la Steg est souvent perçu comme un obstacle à l’obtention du permis d’exploitation nécessaire. Ce qui dissuade les investisseurs étrangers de s’engager dans cette activité dans le pays.
Le lancement d’une entreprise étrangère
Les investisseurs étrangers voulant créer une filiale en Tunisie doivent y consacrer 19 jours et passer par 14 différentes étapes ou procédures : un processus plus complexe que les moyennes régionale et mondiale.
Quatre procédures sont spécifiques aux entreprises à capitaux étrangers. Tous les documents de la société mère doivent être traduits en arabe ou en français. Une déclaration d’investissement fournissant des informations de base sur les projets envisagés doit être déposée auprès du Guichet unique de l’Agence de promotion des investissements (Api).
L’investissement dans les industries manufacturières, l’agriculture, l’agro-industrie, les travaux publics, et certains services ne nécessite qu’une simple déclaration d’intention.
Une société veut s’engager dans le commerce international doit, en outre, obtenir une autorisation (ou licence commerciale) auprès des services de la douane nationale. Elle doit également obtenir une attestation d’importation de capitaux délivrée par la Banque centrale de Tunisie (Bct). Les filiales voulant exporter toute leur production sont soumises au contrôle des changes et à des règlements limitant les transactions en comptes bancaires en devises. Les «comptes professionnels en dinars convertibles» peuvent être ouverts, sur autorisation de la Bct, par tout résident, personne physique ou morale, en possession de devises.
Par ailleurs, tout investissement de capital convenu dans les statuts doit être libéré en totalité. Il n’existe cependant aucune restriction sur la composition du conseil d’administration ou sur la nomination des agents dans une filiale appartenant à des étrangers.
L’accès aux terrains industriels
La loi en Tunisie stipule que les entreprises étrangères peuvent louer une terre privée pour une durée de 2 ans, renouvelable sans autorisation. Si le contrat de location est d’une durée de 2 ans, l’autorisation du gouverneur est nécessaire, à moins que le terrain soit situé dans une zone spécifiquement désignée pour les activités industrielles.
Les sociétés étrangères cherchant à accéder à des terrains ont également la possibilité de louer des terrains appartenant au secteur public et d’acheter des terrains privées. Mais elles ne peuvent acquérir des terrains publics.
Le processus de location des terres privées est efficace et simplifié par rapport à la moyenne régionale et mondiale. Les contrats de location peuvent être d’une durée illimitée et offrir au locataire le droit de subdiviser les terres louées, les sous-louer et les hypothéquer. Il n’existe également aucune restriction sur la quantité de terrains pouvant être loués.
Les informations relatives aux terres se trouvent dans le registre foncier et du cadastre, qui sont disponibles dans l’agence déjà citée, mais ils ne sont pas rassemblées dans une banque de données accessible librement. Il n’y a pas encore de système centralisé d’information sur les terrains ou de système d’information géographique (Sig).
L’arbitrage des litiges commerciaux
Le Code d’arbitrage tunisien (1993) est largement fondé sur la loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (Cnudci). Principale différence: l’article 44 stipule que lorsque la sentence arbitrale est totalement ou partiellement annulée, le tribunal doit, sur demande de toutes les parties, statuer sur le fond du litige. Cette solution permet à la procédure d’avoir lieu devant la même juridiction (Cour d’appel de Tunis) sans avoir à déposer des demandes séparées.
Tous les litiges commerciaux sont soumis à l’arbitrage, sauf ceux impliquant l’Etat et les entreprises publiques. Les accords d’arbitrage fondés sur l’usage sont légalement exécutoires. Les parties peuvent uniquement choisir un nombre impair d’arbitres. Les juges et les agents publics peuvent être nommés en qualité d’arbitres, après avoir obtenu l’autorisation préalable de l’autorité compétente.
Les avocats étrangers peuvent représenter les parties dans les deux procédures d’arbitrage nationales et internationales se déroulant en Tunisie.
La cour a rendu plusieurs décisions montrant que des mesures provisoires ordonnées par les arbitres ne sont pas susceptibles d’annulation par le tribunal et que la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales ne peuvent être refusées que dans des circonstances très limitées.
La loi prévoit une assistance judiciaire aux ordres de mesures provisoires et à l’obtention des preuves émis par les arbitres.
La Cour d’appel de Tunis est désignée pour l’exécution des sentences arbitrales étrangères.
En moyenne, l’exécution d’une sentence arbitrale rendue en Tunisie, prend environ 47 semaines, à partir de la date de dépôt d’une demande d’exécution (à supposer qu’il n’y ait pas d’appel).
Il faut environ 51 semaines pour l’exécution d’une sentence arbitrale étrangère.
Synthèse et traduction:
Imed Bahri
*- Parmi les experts associés à la réalisation de ce rapport, on compte plusieurs Tunisiens et Tunisiennes. Il s’agit de Mohamed Zaanouni et Moufida Abbes (cabinet d’avocats Zaanouni), Sami Aouani (Ilc), Donia Hedda Ellouze et Meriem Belajouza (cabinet maître Donia Hedda Ellouze), Hichem Ben Hmida, Imed Chorfi, Fehmi Laourin (Ernst & Young), Amin Ben Lakhal et Karim Hammami (Ben Lakhal International Consulting), Maryem Blidi (Agip), Imed Chorfi, Hichem Dammak (cabinet juridique Dammak), Slim Gargouri (Ata), Mohamed Ridha Jenayah (professeur à la Faculté de droit, des sciences économiques et politiques de Sousse).