Fitch Ratings indique, dans un rapport publié mardi, que les incertitudes politiques et économiques en Tunisie justifient le maintien de sa note souveraine sous pression.
Par Imed Bahri
L’agitation sociale et politique minait la Tunisie depuis mars 2012, lorsque Fitch a confirmé sa note de défaut émetteur à long terme en devises à 'BBB-' avec perspective négative et en monnaie locale à 'BBB' avec perspective négative.
Cette note a pris en compte la transition politique sans heurts en 2010-2011, autant dire le bon travail du gouvernement Béji Caïd Essebsi, et l’agence de notation s’attendait à ce que élections de 2013 amènerait une réforme globale et limiterait les risques de refinancement de la dette publique, grâce à un important soutien international accordé par les créanciers multilatéraux et bilatéraux.
Des raisons pour une dégradation de la note
Fitch affirme cependant avoir identifié des raisons pour une dégradation de la note dans le regain d’agitation sociale et politique et son impact potentiel sur le redressement économique du pays, la détérioration du niveau de l’endettement public, et la baisse du soutien international en raison des besoins importants de financement de la Tunisie dans les années à venir.
«Depuis mars, l’agitation sociale s’est aggravée, surtout entre juin et septembre 2012. Elle est surtout attribuable à des éléments salafistes – une minorité dans le pays avec une faible représentation politique officielle, mais dont les actions sont très visibles et nuisent à la sécurité de la transition politique du pays», note Fitch dans son rapport.
Le gouvernement de coalition a également subi plusieurs épisodes de tension entre le parti islamiste Ennahdha et ses deux alliés de gauche, le CpR et Ettakatol, relève aussi l’agence. Elle ajoute: «L’Assemblée nationale constituante (Anc) a connu des retards dans la rédaction de la constitution, ce qui entraîne un report éventuel des élections législatives de mars 2013, comme prévu initialement, à plus tard dans l’année».
La crise économique aggravée par l’incertitude politique
Bien que le scénario central de Fitch prévoit une année de transition politique en douceur, «les tensions sociales et politiques pourraient compromettre le tourisme et l’investissement, notamment l’investissement direct étranger (Ide)», estime le rapport. En effet, «ni le tourisme, ni les Ide, deux piliers de la croissance et de la production des devises, n’ont retrouvé leurs niveaux d’avant la crise».
Fitch a également revu à la baisse ses prévisions de croissance du Pib réel à, respectivement, 2,5% et 3,5%, en 2012 et 2013, reflétant ainsi sa vision plus pessimiste des perspectives de la zone euro (partenaire principal commercial de la Tunisie) et de la faiblesse des investissements privés et publics.
L’agence s’attend maintenant à ce que le déficit budgétaire atteigne 6,8% du Pib et le déficit du compte courant 7% du Pib en 2012.
«Les besoins nets de financement extérieur du pays dépasse 2 milliards de dollars US. Certains fonds ont déjà été obtenus par un financement bilatéral et multilatéral officiel, mais le financement du déficit budgétaire sera de plus en plus difficile à mobiliser», indique aussi Firch. Elle ajoute: «Cette situation est aggravée parce que le secteur bancaire a besoin, selon le Fmi, d’une lourde recapitalisation, qui équivaut à au moins 3% du Pib et, dans un scénario défavorable, à près de 7% du Pib.»
Gare à la répudiation de la dette publique !
«Un projet de loi à l’Anc envisage la création d’un comité d’audit pour évaluer la légitimité de la dette publique contractée sous Ben Ali», rappelle Fitch. Si ce projet de loi a été adopté – un faible risque à ce stade –, l’agence de notation affirme qu’il ne saurait être considéré comme un élément pouvant consolider la note souveraine du pays, «en particulier si cette loi était utilisée par la Tunisie pour obtenir l’annulation partielle de sa dette bilatérale officielle», précise Fitch.
«Toutefois, dans le cas encore moins probable d’une répudiation unilatérale du service de la dette sur les obligations souveraines, Fitch ne considèrerait pas cela comme un défaut», Elle ajoute l’agence. Qui lance cet avertissement en guise conclusion: «Si la probabilité d’une telle répudiation devait augmenter, un déclassement souverain suivrait».
Le président de la république provisoire Moncef Marzouki, qui plaide en faveur d’une telle décision, connaît désormais les dangers qu’il ferait courir à l’économie tunisienne s’il poursuit sa démarche.