Les pays occidentaux, principaux partenaires de la Tunisie, sont (et resteront) assez incertains quant à l’orientation de la politique économique sous la direction du gouvernement Hamadi Jebali.

Par Maya L.

Ces pays, qui suivent l’évolution de la situation avec un mélange d’espoir et d’inquiétude, jugent la politique économique actuelle de la Tunisie assez confuse voire totalement insensée, étant donné le difficile contexte économique international.

C’est ce qui ressort du dernier rapport de The Economist Intelligence Unit (Eiu), publié début octobre, sur les prévisions économiques concernant la Tunisie pour la période 2013-2017.

Annonce de taux de croissance baroques

Sur le plan de la politique économique, le gouvernement transitoire a déjà procédé par des effets d’annonce sur les mesures qu’il devait mettre en place pour dynamiser la création d’emplois, le développement régional et la croissance économique. Ainsi, son plan de développement quinquennal (2012-2016) vise un taux de croissance moyen du Pib de l’ordre de 6,3% par an au cours des cinq prochaines années.

Cependant, selon l’Eiu, cette cible doit clairement être revue à la baisse étant donné la crise, assez persistante, qu’est en train de traverser la zone euro et en particulier les principaux partenaires commerciaux de la Tunisie.

Par conséquent, l’annonce de projections de taux de croissance inatteignables voire complètement baroques ne font qu’accentuer le manque de confiance dans le gouvernement de coalition, étant donné qu’il a été jusqu’au jour d’aujourd’hui incapable de faire face à la détérioration de la situation économique dans le pays.

Toujours selon le rapport de l’Eiu, le gouvernement a annoncé une série de mesures pour faire baisser le déficit public, qui a entre autres explosé durant l’année 2012, tandis que dans le même temps il tente de relancer les investissements et lutter contre le chômage, par une politique budgétaire basée sur le creusement du déficit public.

En effet, le gouvernement continue à subventionner les produits alimentaires de base ainsi que  l’énergie dans le but à la fois de minimiser les difficultés rencontrés par les ménages et de stabiliser les éventuelles tensions voire les conflits sociaux, en particulier durant cette période pré-électorale.

 Les zones rurales en Tunisie sont livrées au chômage et la pauvreté.

Les zones rurales en Tunisie sont livrées au chômage et la pauvreté.

Incertitude sur la politique monétaire

Cependant, les experts de l’Eiu prévoient un creusement du déficit durant la période 2013-2017, qui concorde entres autres avec les projections faites par le Fonds monétaire international (Fmi) publiées dans son dernier rapport.

Sur le plan de la politique monétaire, les tensions qui existent entre la Banque centrale de Tunisie (Bct) et le gouvernement Jebali en raison de profonds désaccords sur le rôle de la politique monétaire, et qui se sont traduites par la révocation de l’ancien gouverneur Mustapha Kamel Nabli, ont été perçues par les observateurs économiques, tels que les grandes agences de notation, la Coface et l’Eiu entre autres, comme une ingérence du gouvernement dans la conduite de la politique monétaire et ont, par conséquent, soulevé des inquiétudes quant à l’indépendance réelle de la banque centrale.

Ainsi, l’incertitude sur la politique monétaire devrait se poursuivre encore durant 2013, car les objectifs liés à l’arbitrage entre la lutte contre l’inflation par une politique monétaire restrictive ou la relance de l’activité par une politique monétaire expansionniste ne sont pas assez clairs.

Cette combinaison assez incohérente dénote la totale incapacité du gouvernement à arbitrer entre une politique économique judicieuse et des mesurettes pour le court terme qui ne déboucheront sur aucune amélioration significative. De plus, d’après les experts de l’Eiu, cela risque même de créer des tensions inflationnistes et de creuser davantage le taux chômage.

Pas de solution pour le chômage, premier problème en Tunisie.

Pas de solution pour le chômage, premier problème en Tunisie.

Croissance à un rythme modeste en 2013

Par ailleurs, l’Eiu estime dans son rapport que la croissance sera assez décevante pour 2012 et avoisinera les 2,8%, et comme l’économie tunisienne est fortement tributaire de la dynamique du marché européen pour ses exportations, la contraction de l’économie prévue pour la zone euro en 2012 et 2013 n’est donc pas de bon augure pour la Tunisie.

La croissance se poursuivra à un rythme plutôt modeste en 2013. Enfin, en ce qui concerne le niveau général des prix, il est à noter qu’une monnaie plus stable et une baisse des prix des produits de base non pétroliers aideront à juguler les tensions inflationnistes au cours de la période de prévision à savoir 2013-2017. Cependant, l’incertitude quant à la politique monétaire est susceptible de maintenir les prix des produits de première nécessité assez élevés durant 2013, et la hausse potentielle des prix du baril de pétrole tout au long de la période de prévision sera non sans conséquences sur l’économie tunisienne, importatrice d’hydrocarbures.

Après avoir culminé à une moyenne de 5,7% en juillet 2012, l’inflation devrait s’établir en moyenne à 3,4% par an entre 2014-2017. Les prévisions annonciatrices de tensions inflationnistes peuvent cependant être contrebalancées par des facteurs exogènes tels que la flambée des prix des matières premières.