Selon une récente étude du Political Economy Research Institute (Peri), la Tunisie aurait perdu 39 milliards de dollars US sortis illégalement du pays entre 1970-2010.
Le gouvernement tunisien a donc de bonnes raisons d’appeler pour un audit de sa dette héritée du régime de Ben Ali, estime cet institut dépendant de l’Université du Massachusetts, basé à Amherst, aux Etats-Unis.
Nous publions ici un résumé de cette étude intitulée ‘‘Capital Flight from North African Countries’’ (La fuite des capitaux en provenance des pays d’Afrique du Nord), publiée le 11 octobre 2012.
Difficile d’avoir un compte précis des fonds volés
Suite aux révolutions du «printemps arabe» en Afrique du Nord, l’attention s’est tournée vers le rétablissement de la justice sociale et l’égalité des chances pour tous dans la région. Le nouveau programme comprend la récupération des richesses nationales volées par les anciens dirigeants, leurs familles et associés. Il est cependant difficile d’obtenir un compte précis du volume des fonds volés, car ils sont soigneusement cachés dans des comptes bancaires et les biens matériels détenus à l’étranger avec la complicité du système financier mondial.
Dans «La fuite des capitaux en provenance des pays d’Afrique du Nord», Léonce Ndikumana et James K. Boyce recourent aux meilleures données et méthodologies disponibles et découvrent des volumes surprenants de sorties illicites de capitaux de la région. L’estimation de la fuite des capitaux de l’Algérie, de l’Egypte, du Maroc et de la Tunisie, entre 1970 et 2010, révèle que les quatre pays ont perdu plus de 450 milliards de dollars (en dollars constants de 2010). La plus forte sortie était d’Algérie (267 milliards de dollars), suivie par le Maroc (88 milliards de dollars), l’Egypte (60 milliards de dollars) et la Tunisie (39 milliards de dollars).
Ces pays n’auraient pas besoin d’aide
Si l’on suppose que ces capitaux ont accumulé (ou auraient pu gagner) des intérêts, à un taux modeste égal, à court terme, à celui des bons du Trésor des États-Unis, la perte cumulative s’élèverait à 619 millions de dollars au cours des quatre décennies, une somme qui dépasse de loin les engagements extérieurs de 87 milliards de dollars pour les quatre pays en 2010.
39 milliards de dollars évaporés entre 1970-2010.
Ainsi, plutôt que d’être redevables au reste du monde, ces pays seraient des «créanciers nets» avec le reste du monde à hauteur de plus de 500 milliards de dollars. Ils pourraient donc s’acquitter de leurs dettes s’ils pouvaient récupérer ne fût-ce qu’une partie des fonds qui ont été illicitement transférés à l’étranger.
La fuite des capitaux de ces pays dépasse également le total de l’aide officielle au développement qu’ils ont reçue au cours de la même période, et qui s’élève à 207 milliards. Ces pays n’auraient pas besoin d’aide si elles pouvaient gardé leurs ressources sur leur territoire.
La fuite des capitaux entraîne des coûts élevés pour les habitants de la région dus à la réduction des investissements intérieurs, des recettes fiscales et d’une réduction des dépenses publiques pour les infrastructures, la santé publique et l’éducation.
Ces effets négatifs sont encore aggravés par la poursuite des paiements du service de la dette sur les prêts que ces pays ont contractés et qui ont alimenté la fuite des capitaux.
L’appel récemment lancé par le gouvernement tunisien pour un audit de la dette héritée du régime de Ben Ali pourrait faire la lumière sur cette question importante au bénéfice du pays et de ses créanciers légitimes.
Traduit de l’anglais par Imed Bahri