Et si pour attirer autrement les visiteurs en Tunisie, les développeurs s'amusaient à créer des applications autour des trésors culturels, le tourisme se porterait mieux et décollerait de nouveau? Orange Tunisie y croit.
Par Zohra Abid
Après avoir porté son intérêt à l'emploi, lors d'une 1ère session fin 2011 et une 2e à la citoyenneté, quelques mois après, la 3e session édition d'Orange Mobility Forum, jeudi 6 décembre, à l'hôtel Sheraton de Tunis, a mis l'accent sur le «mTourisme, la mobilité au service du tourisme culturel», une manière d'attirer les voyageurs en Tunisie via de nouveaux outils de technologie.
Pour aimer la Tunisie, un ménage à plusieurs s'impose
Pas moins de 3 ministres ont été invités à contribuer à cette réflexion collective: ceux des Technologies de l'Information et de la Communication, Mongi Marzouk, du Tourisme Elyes Fakhfakh et de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine Mehdi Mabrouk. Ce dernier a cependant brillé par son absence et c'est son conseiller Abdellatif Mrabet qui a répondu à l'invitation.
La présence de l'ancienne ministre française Christine Albanel, directrice exécutive d'Evènements et Solidarité du Groupe Orange, et qui s'occupe du recours au numérique pour diffuser le patrimoine auprès du public (projet de Versailles Jardins, guide multimédia du Louvre-Lens...), a apporté un plus au Forum. En perspective: un programme de partenariat culturel entre la France et la Tunisie grâce au numérique via le mobile.
Ce jour-là, la salle de conférence de l'hôtel Sheraton était pleine comme un œuf. Le thème a drainé les professionnels des nouvelles technologies de la communication, des arts, de la culture, du tourisme et du voyage. Il y avait notamment Patrick de Carvahlo, patron de Wayma Group et spécialiste du marketing du mTourisme, Amel Djaït, directrice du magazine ''Mille-et-une-Tunisie'', Tarek Lassadi, directeur de Traveltodo, Yann Le Fichant, patron de Vox inzebox et du site web ZeVisit, et Wassim Ghliss, directeur général de Cyberes. Et à chacun son expérience à présenter et à partager...
Christine Albanel du Groupe FT Orange.
Smartphones et tablettes comme support de marketing
Selon Didier Charvet, directeur général d'Orange Tunisie, le tourisme peut mieux se vendre si les voyageurs découvraient d'avance leur destination en recevant notamment des applications liées avec des éléments artistiques.
«Cette édition est consacrée aux solutions à offrir aux internautes, permettant de soutenir l'un des piliers de l'économie tunisienne», a-t-il lancé dans son mot de bienvenue. Selon les estimations, «en 2012, 44% des voyageurs ont téléchargé une application mobile ayant lien avec le voyage (+31% par rapport à 2011), et à travers une la tablette (+17% par rapport à 2011). Les amoureux des voyages et loisirs réservent donc de plus en plus leurs séjours sur Internet et via un terminal mobile (40% pour l'hébergement, 38% pour le vol et 33% pour la location de voiture». Ces statistiques, assez parlantes en elles-mêmes, expliquent l'engouement de la communauté des internautes, qui délaisse l'ordinateur, devenu rapidement un outil dépassé, au profil du mobile, le nec plus ultra de la modernité branchée.
«Un touriste européen passe chaque jour en moyenne 2 heures et 25mn à visiter et à faire des activités culturelles sur le Smartphone ou les tablettes. 66% des voyageurs consultent des vidéos après avoir des idées sur le voyage et 64% consultent des vidéos avant leur voyage», a-t-on précisé. Mieux: plus d'un tiers de la population mondiale est, aujourd'hui, connecté au mobile et, en une seule année, les ventes ont progressé de 74%. La communauté des nomades virtuels est en nette croissance, grâce aux énormes possibilités qu'offre le mobile, en passe de devenir le principal canal avant, pendant et après le voyage.
Le tourisme balnéaire, seul, n'est plus très porteur
Pour suivre ce mouvement observé dans le monde, la Tunisie, qui passe par une conjoncture difficile, n'a plus le droit de se contenter de son tourisme balnéaire, de vendre du soleil, des plages, et des cartes postales avec des dromadaires et des charmeurs de serpents.
Voilà ce qui ressort notamment de ce forum, qui se donnait pour objectif d'aiguiser la curiosité du voyageur en lui présentant la Tunisie sous autre angle. Une Tunisie qui regorge de richesses mal connues parce que non encore mises en valeur.
Au milieu, Didier Charvet, Mongi Marzoug et Elyes Fakhfakh...
Pour faire des retouches à la vieille carte postale aux couleurs défraichies, les développeurs d'applications, avec la complicité des acteurs culturels et professionnels du tourisme, ont donc du pain sur les planches.
«Les applications mobiles représentent une nouvelle alternative attrayante permettant de promouvoir la destination Tunisie et générer des emplois aux jeunes diplômés dans un secteur florissant», a expliqué le ministre Mongi Marzouk. Selon lui, cette démarche «rejoint l'intérêt que porte le gouvernement au marché du mobile et des réseaux 3G. 47% des Tunisiens utilisent aujourd'hui l'internet mobile. Ce marché est promoteur et permettra à la Tunisie de se distinguer grâce à de nouveaux produits et de nouveaux services à haute valeur ajoutée».
Culturellement touristique
Le ministre du Tourisme Elyes Fakhfakh pense, pour sa part, que la Tunisie est encore méconnue par les étrangers. «Elle a un excellent patrimoine culinaire, vestimentaire et des attractions naturelles encore non exploitées, comme le terroir régional à Siliana, Kasserine, Dougga et dans d'autres régions. Il est temps de repenser à diversifier l'offre touristique et à exploiter les autres richesses du pays», dit le ministre du Tourisme.
Quand on sait que le tourisme en Tunisie représente 10% de la population active, soit quelque 400.000 emplois, on comprend que le développement de ce secteur soit un enjeu majeur pour la relance de l'investissement, ce qui nécessite un énorme travail de la part de tous les opérateurs pour faciliter la découverte de la Tunisie par les visiteurs étrangers. Dans ce cadre, toutes les opportunités qu'offrent les nouvelles technologies de la communication sont à saisir.
Le conseiller du ministre de la Culture, Abdellatif Mrabet, a affirmé, de son côté, que le secteur culturel regorge de richesses susceptibles de valoriser le pays. «Avec des projets au Kef, Kasserine, Silana, Sbeïtla, notre patrimoine, grâce à ses richesses, son épaisseur et sa teneur historique, mérite attention et mobilisation, et nous devons, ensemble, conjuguer nos efforts», a-t-il expliqué. Parmi les projets présentés par M. Mrabet : celui du photographe Salah Jabeur concernant des visites en 3D de sites naturels et archéologiques tunisiens. Ce n'est certes pas là une grande innovation, mais c'est avec des expériences similaires que l'on peut changer l'image d'une Tunisie réduite à sa vocation historique de destination balnéaire de masse.
Un vivier d'opportunités pour des développeurs de talent
L'ancienne ministre française Christine Albanel a souligné la nécessité de changer de stratégie. Selon elle, «la téléphonie mobile à travers Smartphones et tablettes est un nouveau instrument qui marque le quotidien et qu'il faut exploiter. Aujourd'hui 6.000 chercheurs dans le monde cherchent à rassembler la société des utilisateurs de ces outils et en tirer profit. 28 millions et demi de Français préparent leurs séjours d'avance. Grâce à cette démarche, on a élaboré de nouvelles stratégies avec les institutions culturelles», a-t-elle expliqué, en donnant des exemples de ce qui se fait dans son pays, la France, où la culture numérique est déjà très développée. Mme Albanel a passé en revue divers projets en cours dans ce domaine. «Avec le Japon, nous avons mis en place des différentes expériences, notamment des promenades numériques au château de Versailles, dans les jardins des musées du Louvre, du Quai Branly. On a réalisé un autre projet numérique à l'occasion de l'événement ''Marseille, capitale culturelle en 2013''», a-t-elle annoncé. Dans les écoles, sur des iPad prêtés, avec des langages de signes pour les malentendants, il y a aujourd'hui des guides numériques permettant aux enfants de se promener et d'aller à la découverte du monde.
Elyes Fakhfakh: le tourisme tunisien doit rattraper le temps perdu.
Ce sont là quelques pistes que les développeurs, les opérateurs et le ministère de l'Education devraient explorer. Il reste à «mieux sensibiliser les parties prenantes et le public et à stimuler la création du contenu mobile en vue de mieux valoriser le patrimoine culturel», dit l'ancienne ministre française de la Culture, qui a déjà eu des contacts à ce sujet avec des responsables tunisiens de la culture. L'idée et de «monter ensemble des projets numériques, imaginer des promenades dans les musées, à Carthage, à El Jem et ailleurs», a-t-elle expliqué.
Grâce aux nouveaux outils technologiques, d'énormes possibilités s'ouvrent pour permettre au tourisme tunisien de prendre son envol en devenant un tourisme intelligent, riche et diversifié. Et, surtout, à bout de clic.