La Banque africaine de développement (BAD) organise, depuis hier, dans ses locaux, à Tunis, un séminaire sur «l’engagement accru de la Chine en Afrique». L’occasion de parler de Huawei Technologies, l’entreprise chinoise qui se taille une place de choix dans le secteur des équipements de télécommunication en Tunisie et dans tout le continent africain. Quel est le secret de sa réussite ? Un expert français explique…
Huawei (basée à Shenzhen, au sud de la Chine) a ouvert, en 2006, un centre de formation au Parc Technologique d’El Ghazala, au nord de Tunis, dédié à ses clients et partenaires en Tunisie et dans les autres pays francophones africains.
L’année dernière, c’est un autre filon du groupe chinois, Huawei Marine Networks, joint-venture créée par Huawei Technologies et Global Marine Systems, leader mondial des technologies de communications optiques sous-marines, qui a fourni à Tunisie Télécom le système de câblage sous-marin de 170 km, reliant Kélibia (Tunisie) à Mazara Del Vallo (Italie).
Plus récemment, Orange Tunisie – le nouvel opérateur 3G né d’un partenariat entre le FAI Planet et le français Orange-France Télécom – a choisi, lui aussi, l’entreprise chinoise pour lui fournir les antennes relais nécessaires à son réseau.
Outre la Tunisie, Huawei a réussi à déployer ses produits et solutions dans plus de 40 pays en Afrique, où elle emploie désormais plus de 2000 personnes, dont 60% de personnel local. En moins de dix ans, l’entreprise a beaucoup contribué au développement fulgurant de la téléphonie mobile en Afrique, qui constitue l’une des évolutions technologiques récentes les plus visibles dans le continent.
L’entreprise chinoise fournit les équipements et les services aux opérateurs des réseaux mobiles en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Libye, en Egypte et un peu partout en Afrique subsaharienne.
Bénéficiant du soutien financier de la China Development Bank (CDB) et de l’Export-Import Bank of China (Exim Bank), elle propose à ses clients des financements attractifs, des technologies adaptées à leurs besoins et des prix défiant toute concurrence. Ce facteur prix est, on l’imagine, déterminant dans son succès en Afrique. «Cette politique de prix agressive (rendue possible grâce à des coûts de R&D plus faibles et un marché intérieur important) est très favorable aux opérateurs, qui peuvent ainsi déployer des réseaux mobiles plus rapidement, avec une couverture plus étendue pour un budget équivalent sur toute la chaîne de valeur, depuis les infrastructures jusqu’aux téléphones, en passant par les services associés», explique Chum-Kau Ly, expert du Crédit agricole (France). Qui ajoute : «Les coûts inférieurs permettent de proposer des offres finales plus attractives, et donc accessibles à un plus grand nombre d’individus, posant ainsi les bases d’une dynamique de réseau vertueuse (avoir un téléphone ne sert que si l’on a des correspondants à appeler). Même s’ils n’obtiennent pas le marché, la simple présence des équipementiers chinois dans les appels d’offres oblige leurs concurrents occidentaux à proposer des conditions plus favorables pour espérer l’emporter. Ces derniers n’hésitent d’ailleurs plus à établir eux-aussi des centres de fabrication et de R&D en Chine, ce qui limite désormais l’impact de cet avantage compétitif.» Ce qui fait dire à un responsable de Vodacom, sans ironie aucune : «Alcatel, Huawei, peu importe. Tous les équipements viennent de Chine.»
Par ailleurs, en concevant des équipements capables de fonctionner là où le réseau électrique est rare ou inexistant, l’entreprise chinoise est devenue une référence en matière de développement durable, grâce à des stations de base «vertes» consommant 47% d’électricité en moins que celles de ses concurrents, avec une alimentation primaire par panneaux solaires ou énergie éolienne.
Sur un autre plan, l’entreprise chinoise s’efforce de construire une image socialement responsable à travers diverses initiatives locales. Elle a, par exemple, établi des centres de formation, outre la Tunisie, en Égypte, au Kenya, au Nigéria et en Angola. Elle a également investi dans un centre de R&D en Afrique du Sud et intervient directement dans le tissu socio-économique du continent en y développant une politique d’approvisionnement local (plus de 480 millions de dollars d’achats annuels). Elle cherche également à se distinguer à travers des dons de matériel informatique aux écoles (Cameroun), l’attribution de bourses scolaires (Égypte) ou la contribution à des programmes d’aide humanitaire (Algérie).
À l’inverse, l’Afrique donne également beaucoup à Huawei, comme aux autres entreprises chinoises qui y sont implantées. Elle leur permet d’acquérir une expérience internationale et de poser les premiers jalons d’une présence globale.
C’est le continent noir qui a permis, en effet, aux entreprises chinoises de «remporter leurs premiers succès à l’étranger (au détriment des fournisseurs occidentaux traditionnels), de s’implanter sur un marché rentable en forte croissance, et d’y gagner la confiance des grands opérateurs télécoms internationaux», fait remarquer l’expert français.
Autre fruit (indirect) de ce partenariat gagnant-gagnant avec les opérateurs africains : avec 1 737 brevets déposés pour la seule année 2008, Huawei occupe désormais la première place du classement mondial des entreprises selon l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
Malek Neïli