Kapitalis a annoncé, le 30 mars, la création, en Tunisie, de la société anonyme Mezri-Thermosolaire Industrie (Mti). Son fondateur, Mezri Abdou nous a écrit pour apporter de nouvelles précisions sur son projet, précisions qui ont brouillé notre vision.


 

M. Mezri est ingénieur en génie civil et docteur en thermosolaire. Il se présente comme détenteur d’un brevet d’invention d’un système de conditionnement d’air thermosolaire, un dispositif qui permet le captage, le stockage et l’utilisation des infrarouges solaires par les corps massifs (minéral ou organique) de forme (enveloppe), de structure (masse) et de couleur déterminées (degré d’absorption solaire).

Trente années de recherche?
Le projet industriel de sa nouvelle société (Mti) est, écrit-il, «l’aboutissement de trente années de recherche et de labeur exclusivement personnels à l’étranger, notamment en Europe».
M. Mezri ajoute qu’il a proposé ce projet, «comme tant d’autres depuis trente années» à son pays, la Tunisie, à travers l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie (Anme), en vue d’«un soutien au moins politique». «Malheureusement, ce genre d’administration publique est toujours préoccupé par les interminables et coûteux séminaires, missions et colloques plutôt que de contribuer aux vrais projets d’avenir», explique le chercheur. Il affirme aussi que ses travaux sur le thermosolaire ont été choisis et encouragés par la Commission européenne, qui les a qualifiés de stratégiques (pas moins ?). Il ajoute également que les responsables tunisiens du secteur solaire ont attendu cette reconnaissance européenne pour commencer à s’intéresser à ses travaux. «C’est mieux que rien», ajoute-t-il, sans ironie aucune.
Doit-on, cependant, affirmer que si M. Mezri avait été écouté il y a 30 ans, le développement du thermosolaire dans tous les domaines, en Tunisie, serait devenu un cas d’école pour la maîtrise de l’énergie solaire, l’emploi, la recherche et l’innovation ou encore la lutte contre le réchauffement climatique? On doit peut-être attendre et vérifier avant de se hasarder dans des jugements hâtifs.

Le soutien politico-financier en question
M. Mezri nous apprend aussi qu’il détient non seulement «une série de brevets», mais aussi et surtout d’importants travaux de recherche inédits dans le domaine de la technologie solaire. Ces travaux concernent, entre autres sujets, «la conception des bâtiments futurs à excellente performances énergétiques, les capteurs thermosolaires de basse, moyenne et haute températures destinés respectivement à isoler et climatiser les bâtiments neuf et existant, la production de l’eau chaude alimentaire, industrielle, sanitaire  et agricole, ou encore le dessalement de l’eau de mer et la production de l’électricité collective...» Tout un programme… «Ces travaux, qui n’attendent que le soutien politico-financier, sont générateurs d’emplois et de richesse durables...», souligne M. Mezri.
Le chercheur tunisien, qui aime se présenter comme un précurseur du thermosolaire, s’affiche aussi comme membre de l’European Solar Thermal Technology Platform (Esttp) et comme membre directeur de l’European Technology Platform on Renewable Heating & Cooling (Etprhc). C’est donc du solide et du sérieux?
Par la création de la société Mti, une première en Tunisie, M. Mezri, qui n’a apparemment rien à prouver sur le plan purement scientifique, entend, dit-il, «lancer une nouvelle ère et une dynamique efficace permettant de valoriser les atouts précités et de sortir de l’archaïsme en particulier dans les domaines de la science, de la technologie  et de la culture, qui tétanise depuis toujours les générations».
«Certes, ceci ne sera pas facile en raison surtout de l’inertie administrative et de l’incompréhension de certains dirigeants», admet M. Mezri, qui vit dans son siècle. Mais il ajoute aussitôt: «Les bailleurs de fonds et les politiques entre autres, qui sont les principaux acteurs, portent la responsabilité quant au devenir des projets innovants dont [ceux portant sur le] thermosolaire proposés aussi bien sur le plan scientifique, industriel que politique et environnemental.»

L’Africain marche sur ses richesses
Selon M. Mezri, qui ne craint pas d’ajouter à l’érudition scientifique un zeste de réflexion philosophique, le mal des pays émergents, singulièrement en Afrique, réside, dans «la dépendance du fatalisme persistant et de la tétanie durable» qui affaiblissent «la capacité d’apprendre et de réussir (…) dans l’espace et le temps». Bref, conclut-il, péremptoire, «l’Africain marche sur ses richesses, dispose du bonheur énergétique au dessus de sa tête, mais ne regarde que la misère en face».
Tout cela est très intéressant. Et même, par certains aspects, touchant d’altruisme et d’humanisme. Seulement, il y a petit bémol: nous avons essayé de faire notre travail de journaliste en cherchant le moindre document attestant de l’intérêt de la Commission européenne pour les travaux de M. Mezri, mais nous n’avons rien trouvé de vraiment probant. Toutes les références aux travaux de M. Mezri sont contenues dans des pages web alimentées par l’intéressé ou dans des citations dans des sites tiers sollicités par lui.
M. Mezri nous éclairera sans doute mieux sur ses travaux antérieurs et ses projets à venir s’il nous apportait une confirmation (pour ainsi dire académique et/ou internationale) de la valeur et de l’utilité de ces travaux et projets.

R. K.

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