Foret Sidi Mechreg Tunisie

Loin du Harlem shake et des préoccupations de la jeunesse citadine, un massacre silencieux est en train de se produire dans les forêts de la région de Sidi Mechrig (délégation de Sejnane, Bizerte).

Par Mohsen Kalboussi*

La petite bourgade abrite nombreux petits douars éparpillés çà et là le long de l'unique route qui mène au village et au milieu de la forêt environnante. Les habitants sont connus par la modestie de leurs conditions et leurs revenus proviennent essentiellement du petit élevage extensif en forêt et de la pêche quand les conditions le permettent. En effet, la zone est très venteuse et les conditions météo ne permettent les sorties en mer qu'en de rares occasions.

La pluviométrie est suffisante pour avoir permis le développement de forêts naturelles de chêne liège dont les mieux développées sont localisées dans les bas-fonds ou loin des installations humaines. D'importants efforts de reboisement ont été fournis et de nombreuses parcelles ont été plantées de pin pignon ou d'eucalyptus. D'ailleurs, la zone comprend un arboretum qui remonte aux années 1960 et abrite de nombreuses espèces de cette essence.

Des secteurs entiers de la forêt sont menacés

Certains secteurs ne sont couverts que par un maquis bas, dominé par les arbustes généralement associés à la forêt de chêne liège. Ces séries de dégradation sont indicatrices d'une pression sur le milieu naturel, notamment par un pâturage excessif.

Lors d'une récente visite au village, nous avons constaté que des coupes d'arbres ont eu lieu au cours des deux dernières années et ont concerné essentiellement les arbres qui se trouvent en bord de route, notamment des eucalyptus et des chênes liège. Dans certains secteurs, notamment ceux proches du village, on se trouve devant un paysage désolant où ne restent que des moignons des arbres coupés, en souvenir d'un proche passé où le milieu présentait une physionomie différente.

Forêt Sidi Mechreg Tunisie 2

Lisière d’une forêt de pin pignon coupée.

Le plus grave actuellement, c'est que des secteurs arborés de la forêt sont en train d'être coupés systématiquement, particulièrement les plantations de pin pignon. On est sorti du cadre des coupes destinées au charbonnage vers des coupes qui risquent de faire disparaître des secteurs entiers de la forêt, pour alimenter visiblement des usines demandeuses de ce type de bois. Les coupes sont tellement sévères (à la tronçonneuse), au point qu'elles ne laissent derrière elles qu'un paysage de désolation qui interpelle tout visiteur de la région.

Les autorités appelées à agir avec la plus grande fermeté

Les bénéficiaires de ces actions ne sont pas de la région, et viennent d'ailleurs, notamment de la capitale, selon le témoignage de quelques habitants rencontrés sur les lieux. Il apparaît clairement que les autorités locales et les habitants du coin sont complètement dépassés et ne peuvent pas à eux seuls arrêter le fléau et le contrer.

Les autorités régionales et nationales sont donc appelées à agir avec la plus grande fermeté, pour que ces actes cessent et pour que ceux qui s'attaquent à notre patrimoine national soient sévèrement punis.

Par l'occasion, l'installation d'un relais téléphonique couperait la zone de son isolement et rendrait service à ses habitants qui, rappelons-le, sont habitants de ce pays et non des citoyens de seconde zone.

A bon entendeur, salut !

* Universitaire.