Si Marina Bizerte a, contre vents-et-marées, réussi à garder le cap sans prendre l'eau, force est de constater qu'elle soulève une vague de protestations de la part de la société civile...
Par Samantha Ben-Rehouma
C'est, peut-être pour vaincre les résistances de toutes sortes que les promoteurs du projet ont organisé, le 26 février, une journée porte-ouverte. Le but : faire découvrir l'état d'avancement de ce projet phare constitué de résidences de luxe, de centres commerciaux haut de gamme, d'esplanades, en plus, bien-sûr, du port de plaisance...
6 millions de bateaux répertoriés dans toute la Méditerranée et seulement 1,5 million de places pour les amarrer, le port de plaisance de Bizerte est une solution à ce problème.
Bizerte, destination phare de la plaisance
Rendre Bizerte une destination phare dans le domaine du tourisme de luxe en Méditerranée: tel est le but de Marina Bizerte, composée d'un complexe résidentiel «Nautilus» (280 appartements «haut standing» avec conciergerie, piscine chauffée, fitness, sauna, etc.), croisette (restaurants, cafés, yacht club, galeries d'art et parking souterrain d'une capacité de 500 places), port de plaisance (fonctionnel, dès juin 2013, avec ses 35 hectares de plan d'eau – comparativement, la Marina de Yasmine Hammamet ne fait que 20 ha –), 5.000 m de quais et une capacité de 800 anneaux) et deux chantiers navals à Zarzouna et Menzel Abderrahmane.
Le projet résidentiel est réalisé en partenariat avec le groupe belge CFE, également en charge du Project Management, ainsi que l’exécution des travaux immobiliers.
De plus, avec près de 2000 emplois directs (dont 90% à Bizerte) et 6.000 autres indirects qu'engendreront les prestations rendues aux plaisanciers – notamment grâce à la maintenance (qui représente 1/3 sur les 100 euros dépensés par le plaisancier) –, c'est un vrai boom économique et social qu'attend Bizerte – jusqu'ici délaissée du tourisme – qui va avec ce projet voir sa cote monter. Une redistribution des cartes à poker!
La bataille du port...
La conference, qui suivit le tour du propriétaire de la Marina, a été l'occasion pour certaines associations – pourtant non conviées – de crier haut et fort leur refus de voir érigée cette Marina synonyme pour eux de dégradation de l'environnement et d'atteinte au patrimoine bizertin: «Vous avez eu le terrain à 90 dinars le mètre carré et vous êtes en train de vendre les appartements à 3.400 dinars le mètre carré... Vous avez modifié le plan d'aménagement de la ville pour avoir un R+8... Vous tuez un vieux port phénicien de 3.100 années d'histoire et vous osez nous parler de diversité de services. Et qu'est-ce qu'ils vont venir voir les touristes? Un immeuble de béton de 40 mètres de haut accolé aux fortifications ottomanes de la ville?»
Mohamed Salah Fliss, maire de Bizerte, et, au premier plan, Moez Ben Zid, accusé de saper les efforts des associations travaillant pour faire inscrire le port de Bizerte au patrimoine mondial de l’Unesco.
Bref, vous l'aurez compris, un règlement de compte à la OK Corral où le sheriff (le maire de Bizerte) a fait un «cameo» laissant ainsi Moez Ben Zid, président du conseil d'administration de la Marina, nager dans les eaux troubles des explications: «Nous avons payé 18 millions de dinars (MD) à l'Etat, et ce, avant même qu'il y ait un bateau de plaisance dans le nouveau port de la ville!! Pire : la Steg a refusé d'aménager les échéances relatives aux frais d'équipement des lieux en réseaux d'électricité. Nous avons réglé les problèmes d'avivement des eaux du Vieux-Port en réparant les pompes défectueuses installées préalablement par le ministère de l'Environnement car sans souci d'environnement Marina Bizerte tomberait à l'eau!»
Tempête dans un verre d'eau
Moez Ben Zid a-t-il sciemment autorisé ces associations à participer à cette conférence afin de pouvoir s'expliquer une fois pour toute sur la nature de ce projet? C'est fort probable... Quant à l'architecte, qui a accaparé la parole lors de cette conférence, où était-il avant? N'ayant pas eu la possibilité de travailler sur le projet, il ne reste plus qu'à noyer le poisson avec des prétextes puérils comme de contester la minceur du dossier et le nombre de feuilles (6) pour l'étude de marché de la Marina...
Selon Moez Ben Zid, la Tunisie peut devenir un concurrent sérieux des principaux centres et acteurs de la plaisance en Méditerranée.
Autre chose, la Marina Bizerte serait-elle déjà finie si Kais Guiga, fondateur du projet, avait été «Oueld el bled» (natif de la ville)?
Certes la ville de Bizerte regorge d'histoire et d'antiquité mais cela suffit-il pour stopper net un projet qui impulserait l'économie de la ville et donnerait un coup de pouce au tourisme de plaisance ? Il y a de quoi s'interroger sur les motivations des opposants au projet et sur leur rejet d'un investissement aussi bénéfique...
